Dans sa lettre, Françoise Bertrand s'aventure sur un terrain qu'elle ne connaît manifestement pas, ce qui explique sûrement l'abondant recours à la démagogie pour pallier un manque d'arguments fondés sur des faits. Étant de nature positive, je préfère penser que Mme Bertrand a péché par ignorance plutôt que par malveillance.

Dans sa lettre, Françoise Bertrand s'aventure sur un terrain qu'elle ne connaît manifestement pas, ce qui explique sûrement l'abondant recours à la démagogie pour pallier un manque d'arguments fondés sur des faits. Étant de nature positive, je préfère penser que Mme Bertrand a péché par ignorance plutôt que par malveillance.

Ainsi, Mme Bertrand insinue dans sa lettre que nous «méprisons» nos collègues travaillant dans les entreprises privées de placement en soins, notamment en les traitant de «parasites». Pourtant, je mets Mme Bertrand au défi d'identifier un seul passage, un seul extrait, une seule citation où la FIQ stigmatiserait les individus ayant fait ce choix. Vous risquez de chercher longtemps, car jamais, sous aucun prétexte, la FIQ ne s'en est prise et ne s'en prendra aux professionnelles en soins ayant opté pour le privé.

Par contre, les entreprises qui exploitent le travail des professionnelles en soins, en se prétendant leur employeur, parasitent, en effet, les fonds publics. Vous savez, Mme Bertrand, les hôpitaux publics sont ouverts 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par année. Est-ce si difficile de comprendre que les entreprises privées sont en mesure d'être attractives, parce qu'elles offrent du travail de jour, de semaine, sans heures supplémentaires obligatoires?

Est-ce si difficile de comprendre que les entreprises privées sont en mesure d'offrir ces conditions attrayantes, parce que les professionnelles en soins du réseau public doivent, elles, travailler le soir, la nuit, la fin de semaine et doivent, elles, subir l'affront des heures supplémentaires obligatoires? Est-ce si difficile de comprendre que le personnel des entreprises privées représente souvent un problème plutôt qu'une solution dans les établissements publics, parce qu'il n'éprouve aucun sentiment d'appartenance, qu'il ne fait pas partie de l'équipe régulière et qu'il est en formation permanente? Voulez-vous comprendre devrait plutôt être la question...

Pour ce qui est des coûts, j'imagine que votre biais défavorable envers ce que vous appelez le «monopole d'État» vous empêche de considérer le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec comme une source crédible. N'en déplaise à votre parti pris idéologique, les chiffres officiels du ministère, pourtant très conservateurs, démontrent que le recours à du personnel provenant d'entreprises privées de placement en soins coûte 19 % de plus aux contribuables, profits obligent... Sur une somme totale de 193 millions, on conviendra que cela fait beaucoup de sous et ne correspond pas tout à fait à une bonne gestion des finances publiques, ce que vous devriez pourtant rechercher aussi.

Qui plus est, en s'engageant dans de lucratifs contrats de service privés à long terme, les établissements de santé sont ensuite dans l'obligation de couper leurs services publics pour respecter les ententes avec le privé. Couper dans le public pour payer le privé, ça profite à qui, madame la présidente?

En somme, si on assiste à l'exode des professionnelles en soins du réseau public vers les entreprises privées, c'est parce que, contrairement à ce que vous avancez, le gouvernement n'a pas cherché à bonifier leurs conditions de travail depuis belle lurette. Pour mettre fin à ce cercle vicieux compromettant la qualité des soins et la saine gestion des finances publiques, il est urgent d'améliorer significativement les conditions de travail dans le réseau public et de cesser le recours aux entreprises privées. Voilà pourquoi nous militons pour l'intérêt du public et non pas pour l'intérêt d'un compte en banque privé.

Enfin, sachez, Mme Bertrand, que notre système de santé souffre sûrement moins des «rigidités syndicales» que de la proximité incestueuse sévissant entre les décideurs et le secteur privé

* L'auteure est présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Elle réplique à l'opinion de la présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand, intitulée «Des infirmières parasites?».