Il y a quelques heures seulement, Claude Béchard déposait les armes et rendait l'âme après deux années d'incertitude. Il s'est battu ardemment pour survivre à son pire adversaire à vie, le cancer. Il l'aura affronté sur tous les fronts. Il n'aura jamais eu peur de lui faire face. Souvent, il a essayé de le déjouer, par toutes sortes d'astuces et de stratégies, pour faire taire les pires statistiques, mais il fallait bien qu'il n'y ait qu'un seul vainqueur.

Il y a quelques heures seulement, Claude Béchard déposait les armes et rendait l'âme après deux années d'incertitude. Il s'est battu ardemment pour survivre à son pire adversaire à vie, le cancer. Il l'aura affronté sur tous les fronts. Il n'aura jamais eu peur de lui faire face. Souvent, il a essayé de le déjouer, par toutes sortes d'astuces et de stratégies, pour faire taire les pires statistiques, mais il fallait bien qu'il n'y ait qu'un seul vainqueur.

Il connaissait la force de son adversaire, malgré cela, il s'est dépêché à vivre avant qu'il ne soit trop tard. Dès l'annonce du premier verdict, il était plein d'espérance; nous aussi. Il croyait à la force humaine qui se déploie quand vient le temps des grandes tempêtes. Il disait que la vie, peu importe sa durée, il fallait la vivre passionnément jusqu'au bout en regardant l'horizon se profiler; ne jamais revenir en arrière. Par dignité ou par fierté, il préférait mourir au combat plutôt que dans l'inaction et le silence. C'était son choix. C'était sa raison de vivre. Comment ne pas être admiratif.

J'ai eu le privilège de partager un voyage en train avec lui. Le trajet aura été de 90 minutes. Pourtant, j'avais l'impression que ça avait été beaucoup plus long. Notre conversation avait été si intense et passionnante, tout comme lui.

Ce jour d'octobre 2009, il était en rémission. Il parlait de son épreuve au passé. Il regardait droit devant comme le train de l'Orford Express qui fendait le paysage de l'Estrie jusqu'à la prochaine destination. Pendant que nous discutions, Claude Béchard s'arrêtait parfois de parler, contemplait les images qui défilaient dans l'immense fenêtre à sa droite. Il était totalement absorbé par ses réflexions. Il parlait beaucoup du temps qui passe; il en était préoccupé. Il savourait chacune des secondes comme si c'était la dernière fois qu'elles se présentaient à lui.

Assis l'un en face de l'autre, nous nous sommes abandonnés dans une conversation portant sur sa vie et les aléas. Il venait à peine de remporter le premier round de son combat contre le cancer; il n'était pas peu fier de cette victoire. Malgré cela, il avait une pointe de lucidité dans le regard qui me laissait croire qu'il savait que son adversaire pouvait se relever du tapis à tout moment et que cette fois-là, il lui donnerait du fil à retordre. Il préférait vivre sans trop envisager cette éventualité.

Quand nous sommes rentrés en gare, j'avais l'impression que j'allais quitter quelqu'un qui avait partagé ma vie depuis fort longtemps, et pourtant... Claude Béchard, c'était ça. Intensément présent pour nous donner le souvenir d'un moment inoubliable. La qualité d'un grand homme public ; il savait faire. Juste avant de quitter définitivement la gare et de s'engouffrer dans sa voiture officielle, il m'a regardé droit dans les yeux, il m'a souri en me remerciant avec une poignée de main franche. Mais remercier de quoi au juste? Je me suis toujours posé la question.

Au moment de la diffusion de cette entrevue en mai dernier, l'adversaire avait repris de la vigueur, le cancer était revenu, plus fort que jamais. Le combat avait repris quelques mois auparavant, quelques semaines seulement après notre rencontre.

Claude Béchard faisait partie d'une race de monde à part. Il était une bête politique redoutable qui jouait dans une arène de moins en moins convoitée, le cynisme faisant dorénavant partie du jeu.

Je me souviendrai toujours de son regard franc, de son authenticité désarmante, de son aplomb quand vient le temps de dire et de dénoncer, de sa grande volonté, mais surtout de sa passion dévorante, celle qui donne envie de nous dépasser, de faire le kilomètre de plus. Il a démontré hors de tout doute qu'il valait mieux se relever devant l'adversité, se tenir «deboute» comme il le disait avec conviction, vivre intensément le trajet de vie qui nous est proposé. D'ailleurs, c'est ce qu'il aura fait jusqu'à la fin; il a tenu promesse. Le matin du 7 septembre 2010, le ministre a démissionné de ses fonctions et en après-midi, il a laissé l'homme mourir en paix.

Il m'est impossible d'oublier cet homme d'exception. Je le remercie grandement d'être passé dans nos vies, trop brièvement cependant. Quand je vois des gens passionnés comme lui faire de la politique et en faire une mission de vie, ça me donne le goût de croire que le meilleur est à venir.

Claude, le batailleur, vous allez nous manquer.