Nous avons souvent tendance, comme société, à nous poser les questions par le mauvais bout de la lorgnette. Au moment où reprennent les audiences de la commission parlementaire sur le projet de loi 71, plutôt que nous limiter à discuter du taux d'alcoolémie à 0,05 ou à 0,08, nous serions sans doute mieux avisés de nous demander: «Que faut-il faire pour améliorer le bilan sur les routes du Québec en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies»?

Nous avons souvent tendance, comme société, à nous poser les questions par le mauvais bout de la lorgnette. Au moment où reprennent les audiences de la commission parlementaire sur le projet de loi 71, plutôt que nous limiter à discuter du taux d'alcoolémie à 0,05 ou à 0,08, nous serions sans doute mieux avisés de nous demander: «Que faut-il faire pour améliorer le bilan sur les routes du Québec en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies»?

Il y a déjà plus de deux ans, dans son rapport de 2007, la Table québécoise de la sécurité routière apportait une réponse. Elle avait retenu trois recommandations prioritaires d'Éduc'alcool: augmenter la perception du risque d'être intercepté; accroître la sensibilisation de la population sur les dangers et les conséquences de la conduite avec les capacités affaiblies; et rendre obligatoire la formation des serveurs sur les dangers et les conséquences de la conduite avec les capacités affaiblies.

En mars 2010, force est de constater qu'aucune de ces recommandations, pourtant absolument essentielles, n'a été implantée. Les nouvelles propositions d'amendement au code de sécurité routière ont-elles, sans l'implantation préalable des mesures recommandées il y a plus de deux ans, la moindre chance d'être efficaces et d'améliorer le bilan routier?

La réponse n'est pas une question d'opinion, mais une question de nature scientifique. Et à partir des données scientifiques probantes, la réponse est claire: c'est non.

Ne prenons qu'un seul exemple: en France, entre 2001 et 2007, malgré une réduction de 40% du nombre d'accidents de la route, la conduite automobile en état d'ébriété a augmenté de 10%. Il a été démontré que la réduction du nombre d'accidents de la route est davantage associée à la loi portant sur la vitesse qu'à celle portant sur le taux d'alcoolémie.

La raison est simple: les Français considèrent élevée la possibilité de se faire épingler pour vitesse, mais très mince celle de se faire arrêter pour conduite en état d'ébriété. Dans la lutte contre la conduite en état d'ébriété, la surveillance policière ainsi que la médiatisation de cette surveillance sont les véritables facteurs de protection. C'est la crainte de se faire arrêter qui est associée à la réduction de la prise de risque en matière de conduite avec facultés affaiblies.

Au Québec, les lois actuelles sont si peu appliquées que la croyance courante est qu'on a davantage de chance de gagner à la loterie que de se faire épingler pour conduite avec les facultés affaiblies.

Par ailleurs, outre le fait d'être un homme et d'être âgé de plus de 35 ans, c'est le fait d'avoir bu dans un établissement licencié qui est de loin le plus grand facteur de risque associé à la conduite en état d'ébriété. Par conséquent, les recherches concluent que pour réduire le nombre de chauffards sur les routes, un programme de formation reconnu destiné aux serveurs des établissements qui vendent de l'alcool doit être rendu obligatoire.

Au Québec, un tel programme existe depuis 10 ans. Il s'appelle «Action Service». Il a été mis sur pied par Éduc'alcool et l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Il a été entièrement révisé, modernisé et amélioré en 2007. Depuis l'an dernier, il est mis en ligne pour celles et ceux qui seraient éloignés des grands centres. Il sera sous peu en DVD pour desservir les clients intéressés dans des zones où l'internet haute vitesse ne serait pas disponible. Mais il n'est toujours pas obligatoire.

Enfin, il semble que chez nous, le sujet de la conduite avec les facultés affaiblies fasse l'objet de sensibilisation populaire entre le 1er et le 24 décembre de chaque année. C'est pourtant l'une des périodes où il y a le moins de problèmes d'alcool au volant. Après Noël, le sujet disparaît des préoccupations publiques jusqu'au... 1er décembre de l'année suivante. Ce n'est pas comme ça qu'on démontre que le sujet est d'importance.

Aussi, avant de débattre de l'opportunité d'implanter une mesure contestée dont l'efficacité est, au mieux, marginale dans des conditions optimales et qui est totalement inutile dans le contexte actuel du Québec, il faut, de toute urgence, mettre en oeuvre celles, consensuelles, dont l'efficacité est démontrée.

Ce n'est pas la mesure la plus facile qu'il faut adopter. Ce sont celles qui sont les plus efficaces et qui ont le plus de chances de réussir.