Le président vénézuélien Hugo Chavez vient d'annoncer l'achat de missiles antiaériens de longue portée Antey 2500, Buck M2 et Pechora, ainsi que des missiles sol-air Smerch S-300 et 92 chars d'assaut 772. Chavez, qui ne se lasse jamais de parler de paix, prétend que c'est uniquement pour la défense du pays. Une question se pose: pour se défendre contre qui?

Le président vénézuélien Hugo Chavez vient d'annoncer l'achat de missiles antiaériens de longue portée Antey 2500, Buck M2 et Pechora, ainsi que des missiles sol-air Smerch S-300 et 92 chars d'assaut 772. Chavez, qui ne se lasse jamais de parler de paix, prétend que c'est uniquement pour la défense du pays. Une question se pose: pour se défendre contre qui?

Déjà, entre 2005 et 2007, Caracas avait signé avec la Russie des accords pour l'achat d'armement totalisant plus de 4 milliards de dollars. Pendant cette période, la Russie a vendu au Venezuela 24 avions chasseurs Sukhoi-30, 50 hélicoptères de combat et 100 000 fusils d'assaut Kalachnikov, en plus de lui concéder un crédit de 2,2 milliards pour l'acquisition de nouvelles armes.

«Nous avons signé quelques accords militaires. Et bientôt commenceront à arriver quelques petits missiles qu'on installera ici en faisant bien attention: ils ne ratent jamais leur cible», lançait Chavez à la blague aux partisans venus l'accueillir après son retour de Russie. Chavez a-t-il vraiment besoin de cet armement sophistiqué? Marlborough s'en va-t-il en guerre? Chavez aime bien blaguer, mais la guerre n'est pas une blague.

De leur côté, les médias russes annonçaient que Chavez avait aussi négocié d'éventuels accords pour l'achat de chars d'assaut et de sous-marins. L'agence RIA-Novosti annonçait qu'il avait le projet de signer un contrat de 500 millions pour de 100 chars T-72 et T-90.

Pour certains spécialistes comme Santiago Escobar, chercheur à l'Institut d'études stratégiques et de sécurité internationale, basé à Santiago du Chili, chaque décollage d'un chasseur-bombardier sophistiqué implique une dépense de 3000 dollars. D'autres, comme l'ex-chancelier péruvien Luis Gonzalez Posada, sont d'avis qu'on est en train de privilégier l'achat d'armes au détriment du développement social. D'après Posada, «le coût d'un avion de combat F-16 équivaut à donner à la population 17 000 maisons». À l'heure où on devrait privilégier l'éducation, la santé, la culture, le logement, l'Amérique latine dépense énormément en armement.

Chavez n'est pas le seul à s'armer. Le président Lula Da Silva vient, lui, de signer des contrats avec la France pour l'achat d'avions de combat et d'armement. Au Brésil, on invoque les vastes frontières et les champs pétrolifères à protéger. La Colombie, à cause de son conflit avec les terroristes des FARC et son combat contre les trafiquants de drogue, n'a jamais cessé de s'armer. L'Argentine, le Pérou, l'Équateur et la Bolivie ne restent pas loin derrière dans cette course aux armements. Dans ce dernier pays, la Fédération russe vient d'accorder un crédit de 100 millions de dollars pour l'achat d'un avion présidentiel et de trois hélicoptères de combat. D'après le chancelier David Choquehuanca, «les appareils serviraient à combattre la pauvreté et le trafic de drogue». Combattre la pauvreté?

Secret-défense oblige, on ne sait pas tout et ce qu'on sait pourrait ne constituer que la pointe de l'iceberg. Y a-t-il une course aux armements en Amérique latine? Cette partie du monde pourrait-elle devenir la poudrière du XXIe siècle?

En tant que Latino-américain, juste d'y penser, j'ai la chair de poule. Tout le monde devrait se poser la question et les médias devraient rester très alertes à ce sujet. Cela se passe sur notre continent, dans notre arrière-cour. On parle et on écrit beaucoup sur des conflits actuels ou éventuels au Moyen-Orient, mais on oublie souvent qu'il y a bien des conflits en Amérique latine qui pourraient nous toucher plus durement qu'on pense. Comme j'avais déjà écrit dans un article intitulé «Les liaisons dangereuses», gare à certains loups déguisés en moutons...

Il est très difficile de croire au mot «paix» quand il est prononcé en même temps que les mots «chars d'assaut» et «mitraillettes». Et en cas de conflit, ce ne sera pas le sang de Chavez ou des autres présidents latino-américains qui sera versé, mais plutôt celui du peuple. L'Amérique latine a-t-elle vraiment besoin de s'armer?

L'auteur est traducteur et dissident cubain.