L'auteur, André Gabias, fut député de Trois-Rivières de 2003 à 2007. Lettre adressée aux conseillers et conseillères de la ville de Trois-Rivières.

Je suis l'un des 3015 signataires du registre ouvert les 4, 5 et 6 août 2008, à la suite de l'adoption, en séance spéciale du conseil tenue juste avant les vacances de la construction, d'un règlement d'emprunt de près de 17 millions de dollars soumis par la loi à cette consultation publique.

Il faut rappeler que ce règlement d'emprunt en suivait un autre adopté quelques semaines auparavant de 7,7 millions de dollars, celui-là non soumis à une consultation publique.

Ces règlements d'emprunt faisaient suite à d'autres dont un de 16,5 millions de dollars pour l'acquisition des terrains, un d'environ 6 à 8 millions de dollars pour la décontamination, un de huit millions de dollars pour les aménagements publics.

Il faut également compter la participation du gouvernement du Québec de huit millions de dollars pour la décontamination et de 6 à 7 millions de de dollars pour les aménagements publics.

Total Québec: 14 à 15 millions $; total des emprunts Ville de Trois-Rivières: 55,2 à 57,2 millions $.

Pourquoi avoir signé le registre?

Dès mon élection en avril 2003 comme député de Trois-Rivières à l'Assemblée nationale du Québec, on me demandait une adhésion aveugle à un projet improvisé.

Bien sûr que ce terrain possède un potentiel inestimable au confluent du Saint-Maurice et du Saint-Laurent.

Bien sûr que j'étais pour la valorisation de ce terrain et surtout en faire profiter «toute» la population.

On me parlait d'abord de la présence de trois tours à condos, d'un centre de foire, d'un hôtel, une marina, un centre d'interprétation et on y plaçait même un CHSLD à construire!

On me demandait de porter le ballon.

Quelques questions sur la présence d'investisseurs privés, sur les bases d'évaluation de la participation publique et je deviens subitement à vos yeux mauvais joueur.

En fait, pas question pour moi de porter un ballon mal gonflé.

Aujourd'hui, pas de tours à condos, pas de centre de foire, surtout pas de CHSLD, mais des règlements d'emprunt pour préparer le terrain à ce qui viendra, éventuellement.

Quoi donc?

Maintenant la construction éventuelle d'un amphithéâtre de 10 000 places dont la population et vous-mêmes, conseillères et conseillers, avez été informés simultanément l'automne dernier.

Depuis s'est ajoutée la construction éventuelle d'un technoparc.

Bravo!

Avez-vous fait un inventaire des bâtisses vides dans le parc industriel des Hautes-Forges?

Combien d'immeubles construits par la ville, financés par nos taxes, vides, et qui n'ont jamais rapporté un seul sou de taxes?

Si on parlait de la bâtisse de condos industriels vide, de la bâtisse construite pour Symphony Aviation, vide, etc.

Des bâtisses pour lesquelles la ville a payé pour les infrastructures qui sont également vides, Dayco, Dinec, etc.

Une visite guidée par l'une ou l'un d'entre vous à l'intention de la population serait éclairante.

Au fait, à combien s'élève la dette à long terme de la ville aujourd'hui?

À combien s'élève aussi la dette à long terme des organismes paramunicipaux dont les dettes sont de la responsabilité de la ville: SDÉ, Aéroport, STTR, etc?

À combien étaient ces dettes au moment de la fusion des six villes en 2001?

Aucune réponse à ces simples questions n'apparaît sur le site web de la ville de Trois-Rivières.

J'ai dû faire appel au responsable de la loi sur l'accès à l'information à la ville de Trois-Rivières pour les obtenir et il m'a assuré d'une réponse dans les prochaines semaines.

On demande maintenant aux citoyens de porter le ballon en acceptant aveuglément des règlements d'emprunt qui conduisent on ne sait où. 3015 citoyens(ne)s, spontanément et discrètement disent non!

Je suis de ceux-là.

Quelle réponse donnerez-vous lundi prochain à cette expression populaire signifiante pour quiconque a vécu à un poste d'élu: «Le peuple n'a pas compris? On change les règles et on le passe le règlement d'emprunt».

On m'a prêté toutes sortes d'intentions alors que j'étais député, dont être systématiquement contre les projets de la ville.

Je devais recevoir et répondre régulièrement à des citoyens et des groupes de citoyens qui me demandaient d'intervenir parce que la ville changeait les règles et ne permettait pas à ceux-ci de s'exprimer.

Même certains d'entre vous me le demandaient.

Rappelez-vous la demande de vérification faite au ministère des Affaires municipales et des Régions signée par sept conseillers(ères) en 2005.

Énumérer toutes les situations que j'ai vécues et les expliquer risquerait de faire manquer l'objectif poursuivi par cette lettre.

Mesdames et messieurs les conseillers, vous aurez à décider à la prochaine séance si vous adoptez ou non un règlement d'emprunt qui ferait fi du signal exprimé par vos commettants.

J'ose vous faire la suggestion suivante, que vous pourriez transformer en résolution présentable à votre réunion de conseil du lundi 18 août prochain: «Que tout règlement d'emprunt concernant le Projet Trois-Rivières sur Saint-Laurent soit suspendu; de mandater un groupe de travail formé de M. Wilson O'Shaughnessy (professeur au département des sciences de la gestion à l'UQTR et ex-directeur de la ville de Trois-Rivières), Mme Michèle Laroche (ex-pdg de l'Agence de santé) et M. Guy Julien (ex-député de Trois-Rivières à l'Assemblée nationale du Québec et ex-ministre délégué au Développement économique et ministre du Revenu qui connaît très bien le monde municipal pour y avoir oeuvré à la ville de Shawinigan).

Afin de: faire le point sur la situation financière du projet; s'assurer de la qualité de la décontamination des terrains; procéder à une consultation publique afin que toutes les avenues de développement de ce terrain soient considérées (il s'agit de terrains, propriété de tous les citoyens) et que le projet final reçoive une adhésion populaire la plus large possible; s'assurer que le projet à réaliser amènera le moins d'impact négatif possible pour les résidents des secteurs avoisinants.

Assurer un suivi serré dans l'exécution des processus d'appels d'offres visant ce développement; assurer la réussite du projet avec une participation financière éclairée des gouvernements supérieurs suite à l'adoption, par le conseil, d'un plan de développement de ce terrain structuré et non improvisé; faire rapport au conseil afin que celui-ci puisse poser des gestes responsables en regard de ce projet.

Il va de soi qu'un tel mandat doit être clair et libre de toute pression politique partisane et doit prévoir à ses membres une rémunération raisonnable (Ça coûterait déjà moins cher que les 700 000 $ faussement évoqués pour la tenue d'un référendum...).

Ce projet ne peut avancer dans la division, et les derniers jours témoignent de cette division qui s'installe.

Consultez vos concitoyen(ne)s sur une telle proposition, vous seriez sans doute surpris de constater combien ils souhaitent la réussite d'un projet sérieux qui peut faire la fierté d'être Trifluvien.

Si vous deviez adopter un règlement d'emprunt sans tenir compte de l'opinion exprimée par vos électeurs, il nous restera la signature d'une pétition adressée à la ministre des Affaires municipales et des Régions, Mme Nathalie Normandeau, demandant la désignation d'un vérificateur de l'administration de notre ville.

Vous pourriez même recevoir les signatures de vos concitoyens dans vos quartiers respectifs.

Il serait sans aucun doute plus facile pour l'ensemble des citoyens de se déplacer dans leur quartier respectif que de leur imposer de se rendre à l'hôtel de ville.

Si nous devions en arriver là, malheureusement, nul doute que le député actuel de la circonscription de Trois-Rivières déposerait cette pétition à l'Assemblée nationale du Québec à la rentrée parlementaire de l'automne.

Au fait, pourquoi cette urgence subite d'adopter cet autre règlement d'emprunt?

Mesdames et messieurs les conseillers, de grâce, sortez-nous du chaos.