On peut y refaire la déco complète d’une pièce pour quelques centaines de dollars.

On y trouve des milliers d’objets usagés : beaucoup de meubles, mais également de la vaisselle, des lampes, des vases, des électroménagers, des tableaux… À peu près tout ce dont on peut avoir besoin dans une maison. (Ou en dehors, considérant que j’y ai aussi vu plusieurs skis et deux triporteurs.)

Je pourrais passer des heures à détailler les articles en vente chez ÉcoDépôt Montréal, mais ce serait vain. Ceux que je vois aujourd’hui ne seront plus là dans quelques jours. L’entrepôt de 10 000 pi⁠2 renouvelle régulièrement son stock. Si un objet est sur les étagères depuis un mois, on en réduit le prix de 25 %. Il faut faire de la place pour assurer un bon taux de roulement.

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

1/7
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

L’entreprise a été fondée par Robert De Pellegrin. À l’époque, il exploitait une franchise de 1-800-Got-Junk (un service de ramassage de déchets résidentiels et commerciaux). En se penchant sur ses coûts d’exploitation, l’entrepreneur a rapidement constaté que les meubles qu’il apportait au dépotoir posaient problème : « Ça coûte cher, enfouir ! »

Existait-il une solution pour détourner les meubles dignes d’une deuxième vie de l’enfouissement ?

Robert De Pellegrin a fait une tournée des friperies et écocentres, sans succès. Il a donc choisi de créer son propre modèle d’affaires.

En 2016, ÉcoDépôt Montréal a ouvert ses portes au public en quête de meubles usagés à petit prix. Aujourd’hui, les articles en vente viennent toujours d’entreprises de gestion de déchets, mais aussi d’encans, d’entreprises de déménagement et de particuliers. « Ce n’est pas le meilleur modèle de business », avoue candidement l’homme d’affaires.

« Les meubles constituent plus de 50 % du magasin, alors que les autres compagnies qui donnent dans l’usagé vendent surtout des vêtements et des babioles. Ça leur permet de tenir plus d’items dans un même espace et de générer plus de ventes. On est conscients que notre modèle n’est pas profitable au maximum, mais il remplit un besoin pour la communauté. Ça permet de se meubler pour pas trop cher, d’éviter de surcharger les dépotoirs, de créer des jobs, d’acheter local, d’encourager le développement durable et de choisir des objets uniques. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

De gauche à droite : Christian Abouaccar, Leona Lee-Rimpel, Erika Johnson, Lucie Dumais, Adam Brandspigel et Melissa Jackson.

Des articles si uniques que l’équipe d’ÉcoDépôt doit parfois mener de longues recherches pour arriver à les reconnaître. L’entrepreneur me cite en exemple un outil de laboratoire utilisé dans les années 1960 et un objet d’abord identifié comme « tabouret bizarre » qui s’est révélé être… une selle de chameau.

On comprend mieux la mission de l’endroit, maintenant : « transformer les vidanges en trésors ».

***

Je fais partie des 83 000 personnes qui suivent ÉcoDépôt Montréal sur Facebook. J’adore détailler les nouveaux arrivages et me demander si j’ai besoin de cette marionnette géante ou encore de cette radio antique… D’ailleurs, l’entreprise effectue un virage numérique et permettra sous peu l’achat en ligne. Je leur prédis des affaires en or, du côté des acheteurs impulsifs.

Si j’observe de loin le magasin depuis des mois, c’est la première fois que j’y mets les pieds. Et je ne suis pas déçue.

À côté des deux triporteurs se trouve une vieille souffleuse que j’exposerais dans un musée, si j’avais un musée. Je suis également charmée par une table à café en bois. Malheureusement, mon amoureux me rappelle qu’on n’a pas de place pour ça — tout en tenant le cahier de l’exposition We Want Miles, au sujet de Miles Davis, offerte au Musée des beaux-arts de Montréal, en 2010.

Comme si on avait de la place pour plus de livres…

Au-delà des objets étonnants, ce que je remarque, ce sont surtout les dizaines d’œuvres qui jonchent les planchers de l’endroit. On trouve des piles de tableaux, dont les prix oscillent de 5 $ à 200 $.

« On reçoit beaucoup d’art amateur et on ne le vend pas cher, explique Robert De Pellegrin. C’est apprécié par les nombreux designers d’intérieur parmi nos clients. C’est aussi précieux pour les personnes qui viennent chez nous pour créer des décors de cinéma ou de télé. Puis, c’est super pour les artistes parce qu’un canevas neuf, ça coûte cher ! Ici, ils peuvent acheter des tableaux à bas prix et peindre par-dessus ce qui est déjà là… »

Toutes ces idées me font sourire.

Depuis le début de la pandémie, on est plusieurs à se chercher de nouveaux loisirs. Dans mon entourage, on s’est mis à crocheter, dessiner, peindre. J’ai moi-même expérimenté avec l’aquarelle (ce que je fais est très laid). On tente de trouver le créateur en nous pour endormir un peu l’anxieux… J’ai donc l’impression qu’il s’en produit, de l’art amateur, ces temps-ci.

Est-ce que, dans quelques années, on se départira de nos œuvres ? Est-ce qu’elles se retrouveront dans un entrepôt, ignorées, à voir leur prix réduit de 25 % mois après mois ? Sur le plateau d’un film hollywoodien tourné dans le sud-ouest de Montréal ? Entre les mains d’un artiste paumé, heureux de remplacer nos traits par les siens ? Ou alors dans la cuisine d’un amateur de kitsch qui les aimeront, sans ironie aucune ?

Est-ce que les créateurs qui ont produit les tableaux que j’ai sous les yeux savent que leur œuvre est aujourd’hui ici ? Peut-être ont-elles été offertes à des proches qui, eux, s’en sont débarrassé en catimini. Peut-être ont-elles été adorées par une personne décédée dont les possessions sont maintenant à vendre…

Quel destin les a amenées dans ces rayons de produits usagés ?

Devant tant de questions et de romantisme, mon amoureux a reconnu qu’on aurait sans doute de la place pour un ou deux tableaux de plus, à la maison.

Nous sommes repartis avec deux œuvres.

Le portrait d’une femme digne et magnifique peint (ou imprimé ?) sur du velours, signé « Minh » ou « Mink ».

De même qu’un paysage peint en 2000, dans lequel une calèche s’avance vers un manoir. Le nom de l’artiste — Aline Lacroix — est gravé au bas du cadre. Le tout était trop officiel pour être abandonné dans un entrepôt…

  • On trouve même des tableaux chez ÉcoDépôt.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    On trouve même des tableaux chez ÉcoDépôt.

  • On trouve même des tableaux chez ÉcoDépôt.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    On trouve même des tableaux chez ÉcoDépôt.

1/2
  •  
  •  

Depuis que j’ai adopté ces deux œuvres, je me demande quel parcours elles ont bien pu connaître. Quelles mains les ont tenues entre celles de leur créatrice et les miennes ? Si vous en savez plus à ce sujet, si vous reconnaissez ces tableaux ou les personnes qui les ont exécutés, je serais ravie de vous entendre. N’hésitez pas à m’écrire…

D’un coup qu’on tomberait sur une bonne histoire.