Noël, ce n’est pas juste de l’amour. C’est également un lot de questions plates...

« As-tu enfin rencontré quelqu’un ? Quand est-ce qu’on devient grands-parents ? Je me trompe ou tu as perdu du poids ? » Les rassemblements des Fêtes entraînent souvent une série de questions qui, aussi bien intentionnées soient-elles, sont intrusives. (Merci de noter à quel point je suis polie, quand j’écris « intrusives ».) On peut bien sûr y répondre en levant les yeux au ciel, en soupirant ou en faisant semblant de les trouver amusantes, cette année encore. La bonne nouvelle, c’est qu’on peut aussi maintenant répondre par de jolies cartes de souhaits ! Non, mais, est-ce qu’on ne vit pas dans une époque formidable ?

Prenons le cas de Daphnée Côté-Hallé. Celle que plusieurs connaissent comme comédienne (Faits divers, Le killing, Entre deux draps) est également artiste visuelle. Sa ligne de collages, nommée Les microcosmes, inclut quelques cartes de Noël qui portent des messages plutôt directs.

« Oui, toujours célibataire matante »

« C’est pour quand les bébés ? Jamais »

« Joyeuses Fêtes digestion »

Disons qu’on est loin des souhaits de bonheur, de prospérité et de bonne santé. Cette démarche s’inscrit pourtant dans un courant irrévérencieux qui a le vent dans les voiles. Les cartes avec du mordant se font nombreuses en boutique comme sur des plateformes web comme Etsy. Serait-on en train de revoir notre rapport aux Fêtes ?

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

La comédienne et artiste Daphnée Côté-Hallé

« Noël est un cycle intéressant, me répond Daphnée Côté-Hallé, jointe au téléphone. C’est un peu une mise à jour annuelle, faite en famille... Mais des fois, la mise à jour ne te tente pas ! Parce que tu ne vas pas bien ou que tu n’es pas rendu là où tu l’espérais, par exemple. Pour bien des gens, la période des Fêtes est donc anxiogène et les cartes comiques désamorcent ça, je crois. »

C’est vrai : les lumières, la petite neige, les boissons chaudes et Mariah Carey ne viennent pas toujours à bout de l’angoisse. Peut-être sommes-nous tannés de faire semblant que tout roule, au nom de la magie des Fêtes ?

J’ai lancé la question à Marie-Claude Marquis, qui crée elle aussi des cartes de Noël un peu baveuses...

« Le Noël traditionnel et religieux, tel qu’on se l’est fait inculquer, ce n’est plus du tout ce qu’on vit, me dit l’artiste visuelle, au bout du fil. Les familles sont de plus en plus petites, on fête beaucoup entre amis, on n’a pas envie d’être heureux juste parce que les films nous disent qu’on devrait l’être et les messages qu’on veut transmettre sont donc différents. »

PHOTO ARIANNE BERGERON, COLLABORATION SPÉCIALE

L’artiste visuelle Marie-Claude Marquis dans son atelier-boutique

Depuis 2018, la créatrice offre gratuitement une carte téléchargeable dont le souhait pourrait se résumer ainsi : est-ce qu’on peut ne pas s’offrir de cadeaux, mais plutôt manger des grilled-cheese en dansant en bobettes ? La carte a été partagée des milliers de fois, témoignant d’un certain ras-le-bol des codes traditionnels.

Il faut souligner que l’irrévérence fait partie de la signature de Marie-Claude Marquis, qui tient la ligne d’accessoires Merci Bonsoir (et dont une création a récemment été acquise par nulle autre que Madonna !). « Ma mission, c’est de dire tout haut ce que les gens pensent tout bas, de sortir des classiques qu’on trouve en pharmacie et de célébrer l’identité québécoise, notamment en utilisant des expressions d’ici. »

PHOTO ARIANNE BERGERON, COLLABORATION SPÉCIALE

Des cartes de Noël signées Marie-Claude Marquis

Ce qui donne des petits chefs-d’œuvre de cartes indiquant, par exemple :

« Ho, ho, h’osti c’est Noël ! »

« Joyeuses Fêtes – Amour, santé et la criss de paix »

« Noël, ça rime avec cocktail... Ça a pas rapport mais fallait que j’en parle »

Si Marie-Claude Marquis joue avec la légère insolence depuis des années, elle perçoit toutefois un vent de changement, depuis quelques mois : un retour à la correspondance. Comme la pandémie nous a empêchés de voir ceux qu’on aimait, on a été particulièrement nombreux à envoyer des petits mots doux à nos proches, selon l’artiste visuelle.

Les courriels, ça va, mais c’est tellement plus puissant de prendre le temps d’écrire quelque chose à la main et de le poster ! Je crois que cet engouement pour les cartes de souhaits n’est pas près de s’estomper.

Marie-Claude Marquis, artiste visuelle

Quand on s’écrit entre amis, on veut se parler franchement, se faire sourire, laisser savoir à l’autre qu’on le connaît et qu’on le comprend. Voilà qui explique peut-être, en partie, les cartes moqueuses qui sont tellement en vogue...

« Je ne veux pas créer des cartes que tu pourrais donner à ton patron, mais des cartes que tu offres à un ami et qui sont personnalisées, ajoute justement Daphnée Côté-Hallé. Ma carte sur la non-parentalité, quand les gens la voient, ils rient en disant qu’ils savent exactement à qui ils vont la donner. Ça les rend heureux de pouvoir passer ce genre de messages, pour Noël. J’aime leur offrir des occasions de détourner les codes des Fêtes. »

Grâce aux créatrices et créateurs qui se jouent de Noël, la féerie des Fêtes pourra prendre de multiples sens, cette année. À nous de déterminer ce qu’on souhaite explorer et ce qu’on veut réellement communiquer à notre entourage.

D’ailleurs, moi, je prendrais bien une carte pour passer un message ferme, mais bienveillant, à des proches conspirationnistes... Si jamais quelqu’un doté d’un sens de l’humour et d’un grand talent artistique pouvait se mettre là-dessus...

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