Côté lac, cette majestueuse maison ressemble à un paquebot qui se serait ancré aux abords d’un lac des Laurentides, dans un ultime voyage. C’est justement cette histoire que raconte La Percée : celle d’un homme venu ériger sa dernière résidence sur la terre de ses ancêtres pour y laisser sa trace à son tour.

Il faut remonter aux années 1930 pour comprendre l’attachement que peut éprouver Robert Heft pour ce coin de pays. À cette époque, son grand-père a acheté une terre pour s’y bâtir. C’est là, sur 400 acres de forêt, qu’une petite communauté constituée de membres de la famille et d’amis est venue graduellement s’établir autour de deux lacs, dont le Revdor, creusé par l’aïeul. Une myriade de souvenirs et de liens solides, forgés dans le sol de Saint-Hippolyte, forment aujourd’hui une courtepointe affectueusement tissée.

Devenu grand-père à son tour, le petit-fils n’a pas hésité à quitter Montréal lorsqu’il a pris sa retraite, pour s’établir à plein temps dans ce lieu qui l’a vu grandir : « Ce choix de vie était une évidence. »

PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

La topographie en pente ne dévoile que deux niveaux en façade. Le rez-de-jardin qui donne accès au lac se dévoile à l’arrière.

Le temps n’a pas manqué pour nourrir l’imagination et visualiser le moindre coin de cette habitation rêvée.

J’avais une idée assez claire de l’emplacement des pièces et je connaissais les mouvements du soleil à chaque heure du jour et pour chaque saison. Comme j’ai toujours vécu dans des maisons en pignon, j’avais des envies de lignes épurées et de grandes fenêtres pour profiter d’un maximum de lumière et du paysage.

Robert Heft, propriétaire

À cette vision en 2D, la firme Mu Architecture est venue ajouter une troisième dimension dans une coquille ambitieuse qui se déploie sur trois niveaux. La brèche, qui traverse la maison de bord en bord en son centre, est une intrigante invitation à découvrir l’ensemble des lieux. Le projet a d’ailleurs été Grand Lauréat aux derniers Grands Prix du Design.

PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

La percée est une fenêtre sur la résidence.

Pile et face

De la rue, la maison présente un profil introverti. Dessinée dans l’opacité, comme une faille dans le roc, une ouverture vitrée laisse entrevoir un intérieur chaleureux, habillé de bois, de pierre et de lumière. Cette percée, qui s’ouvre sur la canopée des arbres implantés sur l’autre flanc, fait aussi office de hublot sur un intérieur qui se devine magistral sous tous ses angles.

Vue de l’eau, la résidence dévoile ses couleurs en toute transparence. « On y trouve des terrasses sur trois niveaux qui évoquent les ponts d’un bateau, et c’est un peu l’image qu’on a quand on regarde la maison du lac, fait remarquer l’architecte Jean-Sébastien Herr. La toiture, triangulée comme des voiles, permet d’ouvrir la perspective vers le soleil et la cime des arbres, tout en créant des surfaces protégées pour les balcons. » De ces terrasses, qui dominent le lac, on a l’illusion de naviguer en eaux calmes.

PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

La façade nord est minimaliste, tandis que la maison s’ouvre pleinement au sud face au lac qui s’offre comme un tableau.

Un lieu de ressourcement

Des matériaux nobles et durables habillent l’intérieur, notamment un quartz qu’on retrouve comme un fil d’Ariane sur trois étages, et dont le veinage affiche la généalogie d’un sol. La texture de l’ardoise se fait, quant à elle, sentir sous les pieds. Malgré l’omniprésence de la pierre, jamais le décor ne se révèle austère. À la demande du propriétaire, il est réchauffé par quatre foyers : un par étage et l’autre à l’extérieur.

  • La cuisine comprend un îlot, agrémenté de tabourets, qui fait face à la vue. Un autre îlot, multifonctions, fait office de desserte et assure la transition avec la salle à manger.

    PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

    La cuisine comprend un îlot, agrémenté de tabourets, qui fait face à la vue. Un autre îlot, multifonctions, fait office de desserte et assure la transition avec la salle à manger.

  • Le salon principal est baigné de lumière, de part et d’autre. Sur le mur qui le sépare de la zone bureau, un coin-bar a été intégré.

    PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

    Le salon principal est baigné de lumière, de part et d’autre. Sur le mur qui le sépare de la zone bureau, un coin-bar a été intégré.

  • L’art autochtone trouve naturellement sa place dans cet espace où la nature s’affiche abondamment.

    PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

    L’art autochtone trouve naturellement sa place dans cet espace où la nature s’affiche abondamment.

  • Le rez-de-jardin comprend deux autres chambres, dont une suite avec un accès direct au terrain et un boudoir. Les invités disposent aussi d’une salle de billard et d’un bar.

    PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

    Le rez-de-jardin comprend deux autres chambres, dont une suite avec un accès direct au terrain et un boudoir. Les invités disposent aussi d’une salle de billard et d’un bar.

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« On ressent une quiétude et un apaisement dès qu’on entre dans la demeure. Il y a une impression d’équilibre entre les matériaux, les textures et l’éclairage », décrit Jean-Sébastien Herr, qui signe cette création avec Charles Côté, cofondateur de Mu Architecture. Les fenêtres et les murs vitrés, à pleine hauteur, injectent quantité de lumière dans les lieux et encadrent une nature qui s’offre à l’œil comme un tableau.

Collectionneur d’art, Robert Heft avait d’ailleurs besoin de cloisons pour afficher ses œuvres, ce qui a été minutieusement cogité. Dans cet espace, les créations d’artistes autochtones s’inscrivent tout naturellement et font écho à une nature abondante. Le Revdor, où le propriétaire a appris à nager et a longuement pataugé, est également omniprésent.

  • Le foyer, à double face, est visible du salon et de la salle à manger.

    PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

    Le foyer, à double face, est visible du salon et de la salle à manger.

  • L’ardoise habille les planchers et la quartzine, qui rappelle les ondulations de l’eau, revêt le mur central, érigé sur trois étages comme le mât d’un bateau. Le cèdre blanc du plafond les réchauffe.

    PHOTO ULYSSE LEMERISE, FOURNIE PAR MU ARCHITECTURE

    L’ardoise habille les planchers et la quartzine, qui rappelle les ondulations de l’eau, revêt le mur central, érigé sur trois étages comme le mât d’un bateau. Le cèdre blanc du plafond les réchauffe.

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Un espace habité

L’étroitesse du terrain est la contrainte qui a sonné le glas pour l’ancien chalet de bois du grand-père. Vaste et luxueuse avec ses 620 m² (6400 pi⁠2) de superficie, La Percée a remplacé le bâtiment original, mais en garde l’âme et la mémoire.

Elle peut sembler trop grande pour un seul occupant. « Chaque pièce a sa personnalité et permet de vivre des moments différents », répond ce dernier. Mais surtout, ce paquebot reflète le désir de son capitaine d’en faire un lieu d’accueil et de rassemblement pour sa famille – dont sa mère – et la confrérie qui occupe les maisons avoisinantes.

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Robert Heft souhaite faire de La Percée un lieu de rassemblement pour sa famille.

Mes petits-enfants sont la sixième génération à grandir dans ces lieux.

Robert Heft, propriétaire de La Percée

La maison du bord du lac se remplit rapidement, malgré sa taille, les fins de semaine – et lors des pannes d’électricité, puisqu’elle est la seule dotée d’une génératrice dans les environs ! Le luxe et l’espace y sont au service de l’hospitalité. Chaque étage, accessible par un ascenseur, dispose de son propre salon ou boudoir. Chaque chambre possède sa salle de bain et son balcon.

« C’est à mes enfants et à mes petits-enfants que j’ai pensé en construisant cette maison, toujours avec cette idée de continuité, souligne Robert Heft. Les liens générationnels sont importants pour nous et nous gardent très enracinés. Cette résidence n’est pas un investissement et je n’ai aucune intention de la vendre. Je n’ai qu’une attente : qu’elle soit un lieu de réunion, dans le futur, pour ma descendance. »