En plein boulevard Saint-Laurent, derrière une façade d’époque en brique, se cache un joli jardin urbain. Au fond de ce jardin, on aperçoit une imposante façade en verre dont la transparence dévoile trois grands étages. Sans oublier la chute d’eau, qui nous guide doucement vers l’entrée… Cette étonnante proposition n’émane pas d’un musée ou d’une galerie d’art, mais bien d’un magasin de sofas en plein centre-ville ! Nous avons fait le tour du propriétaire de ce commerce montréalais, maintes fois primé pour son architecture.
Nous rejoignons Tim Zyto, Danny Chartier et Daniel Cohlmeyer au magasin phare du boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Alors que les deux premiers sont les cofondateurs de Montauk Sofa, le troisième est l’architecte dont la firme a réalisé les (imposantes) rénovations du bâtiment. Aujourd’hui, quelques années après l’ouverture, ils peuvent enfin contempler le résultat de ce long travail acharné.
La salle d’exposition se déploie sur trois étages, plus un sous-sol. Les planchers de béton poli créent le parfait écrin pour accueillir les fauteuils et les accessoires exposés. L’espace vaste et lumineux laisse toute la place aux objets, et c’est voulu ainsi.
Les travaux se sont échelonnés sur plusieurs années, se remémorent les propriétaires. Il faut dire qu’ils avaient du pain sur la planche lorsqu’ils ont acquis ce bâtiment, qui date du début des années 1900. Ou plutôt devrait-on dire ces bâtiments, puisqu’ils étaient au nombre de trois. À l’origine, on y trouvait même une ruelle qui serpentait entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Dominique, qui a aujourd’hui disparu. Ce ne fut donc pas une mince tâche de consolider le tout, ainsi que d’obtenir les permis nécessaires pour réaliser leur audacieuse proposition.
Sacrifier des pieds carrés
L’idée maîtresse du projet est sans conteste d’avoir détruit une partie de l’immeuble original afin d’aménager un jardinet à l’avant. Pour des raisons patrimoniales, on a dû conserver la façade sur rue de l’immeuble d’origine, surmonté de bandeaux de fenêtres à carreaux. De la rue, on aperçoit donc surtout ce mur de briques et le jardin qui se dessine derrière.
Les propriétaires n’avaient pas peur d’éventrer le bâtiment pour créer cet espace public. Et le jeu en valait largement la chandelle, car le lieu est comme un petit bijou au milieu du tissu urbain, réalisé de concert avec l’architecte de paysage Myke Hodgins de la firme HETA.
On n’entend pas du tout le bruit de Saint-Laurent, mais plutôt l’eau qui coule, les oiseaux… Il suffit de deux pas et on entre dans un autre monde.
Daniel Cohlmeyer, architecte
Pour compenser l’espace perdu à l’avant, ils ont creusé et aménagé le sous-sol. Ce qui s’est avéré une tâche colossale, notamment car le sol était très argileux, rendant l’excavation difficile. Ils ont dû refaire des fondations, ce qui leur a coûté de l’espace de chaque côté des murs. Qu’à cela ne tienne, ils ont décidé que cela ferait partie intégrante du design : des objets sont maintenant exposés sur ces structures de béton !
« Les pieds carrés que nous avons perdus en détruisant la première partie de l’immeuble, on souhaitait les reprendre dans le sous-sol. C’est pourquoi on voulait de la lumière naturelle en arrière et en avant », affirme Tim Zyto. En effet, le bâtiment au complet se démarque par sa transparence, y compris le sous-sol. La lumière y pénètre des deux côtés grâce au puits de lumière où coule une chute d’eau, à l’avant. À l’arrière, les plafonds sont percés afin qu’on ait une vue sur les quatre étages.
Les étages sont liés par des volées d’escaliers ou bien par l’ascenseur, qui est d’origine. Les marches, surtout celles qui se trouvent à l’extérieur, se veulent un clin d’œil aux emblématiques escaliers montréalais, souligne d’ailleurs Daniel Cohlmeyer.
La totale
Bien que les étages se ressemblent dans leur aménagement, la perspective sur le jardin, elle, est changeante, fait remarquer Tim Zyto. « Chaque fois que vous arrivez à un autre étage, le jardin est un peu différent, parce que vous êtes plus haut. »
Cofondé en 1995 par Tim Zyto et Danny Chartier, Montauk possède d’autres boutiques notamment à Calgary, à Vancouver, à Chicago et à New York. À Montréal, là où ils manufacturent pourtant leurs fauteuils, ils n’étaient pas propriétaires de l’ancien magasin, situé également sur la Main, quelques rues au nord. Pour celui-ci, ils ont donc voulu la totale. Et ils l’ont eue, comme en témoignent les nombreux prix — notamment de l’Ordre des architectes du Québec et des Grands Prix du Design – qui ont tous récompensé leur audace.
Consultez le site de Montauk Sofa