On a appris qu’une cour d’appel fédérale a dit mardi à Donald Trump qu’il n’est pas question de lui garantir une immunité pour son procès à Washington. Il doit y répondre de sa tentative d’inverser frauduleusement les résultats électoraux de 2020. Mais, Donald est encore là, plus fort que jamais. Rien ne lui colle à la peau.

Au contraire, confortablement assis à Mar-a-Lago, il télécommande le cirque républicain qui se joue au Congrès américain. Un pitoyable scénario dans lequel des élus qui pestent contre la crise migratoire travaillent aussi à la garder bien vivante jusqu’à l’élection présidentielle.

Au diable les convictions, les pistes de solution ou les devoirs envers la Nation ! Ici, on préfère comploter pour garder le brasier très actif, car le gourou aux pratiques mafieuses veut absolument en faire une arme de destruction au service de sa reconquête du pouvoir.

Il faut reconnaître que lorsque vient le temps de parler des raclures politiques planétaires, Donald est dans une classe à part.

Mais, n’en déplaise à ceux que la simple évocation de son nom donne envie de gerber, il n’est pas politiquement tuable. Il n’y a pas très longtemps, le simple fait de le voir ou de l’entendre me donnait de l’urticaire. Je souffrais, car je n’acceptais simplement pas qu’un tel énergumène puisse trouver une audience aussi large pour prêcher sa haine en toute impunité. Mais, depuis deux ans, j’ai travaillé à décrocher mon cœur de cette énergie malsaine. Si bien qu’aujourd’hui, j’écoute ce qu’il dit comme on mâche du chewing-gum.

Il m’arrive même de rire de ses conneries ou de l’analyser avec les yeux d’un écologiste passionné par le comportement des primates. Lorsque Darwin affirmait que les grands singes étaient des cousins très proches de l’humanité, je me dis parfois qu’il ne se doutait pas que l’Amérique lui en ferait à ce point la démonstration en couronnant quelqu’un qui a, à la fois, les manières d’un gorille, l’agressivité du chimpanzé, la couleur de l’orang-outan et la sexualité débridée des bonobos.

Donald n’est pas juste un chef atypique qui a une admiration décomplexée pour les dictateurs. En fait, il a importé les méthodes de Vladimir Poutine dans le Parti républicain devenu une petite Russie où il règne sans partage.

Comme Vladimir, l’intimidation et le diktat de la peur sont au centre de ses méthodes. La seule différence entre les deux hommes, c’est que Donald ne peut pas éliminer physiquement ses opposants. Gageons cependant que s’il en avait l’espace moral et légal, il n’hésiterait pas à le faire, car dans sa vision de la politique, ceux qui le contestent méritent la destruction. Pour ce faire, il dispose d’une grande armée de disciples fanatisés qui boivent les paroles de leur gourou et intimident ceux qui essayent de défier ses volontés.

Aujourd’hui, j’ai cessé d’analyser Donald avec les valeurs qui sont miennes. Désormais, quand je vois la place qu’il occupe encore dans le cœur d’un certain électorat, je me dis simplement que je ne suis pas un Américain. Et, en tant que personne totalement étrangère à cette culture, il y a des choses qui s’y passent que je ne comprendrai jamais. Ainsi va la vie.

Même le Québec que j’ai laissé profondément entrer dans mon être me réserve encore des surprises de ce genre. Il y a, comme ça, des parties cachées d’un iceberg culturel qui appartiennent aux natifs du pays. Pour l’étranger, ces glaces plus profondément submergées sont plus difficiles à s’approprier.

Je suis arrivé à la conclusion que je ne suis pas outillé pour comprendre les sentiments et les pensées unissant cette Amérique qui considère Donald comme un messie. Oui, il m’arrive de spéculer sur des raisons, mais le portrait exact échappe à l’étranger à cette culture que je suis.

Pour cette raison, plus que la personne de Donald Trump, ce qui me donne la frousse, c’est justement cette Amérique qui lui pardonne tous ses écarts.

Ce qui me déstabilise désormais dans le phénomène Trump, c’est de voir qu’il peut rire méchamment des personnes handicapées, du physique des gens, exposer ostensiblement sa xénophobie, traiter les femmes avec une misogynie des plus crasses en se faisant applaudir.

Cette Amérique qui hurle sa joie quand Donald lui raconte que les migrants vont polluer son sang me fait peur. Toutes ces ovations qui l’encouragent à intimider, exclure, discriminer et insulter les gens sont la preuve que cette Amérique-là n’a pas fondamentalement changé depuis la fin de l’esclavage.

Cette population qui ovationne Donald quand il traite à répétition Nikki Haley de cervelle d’oiseau me donne la frousse. Mais chaque fois qu’elle manifeste ostensiblement son soutien aux dérives de plus en plus fascistes de Donald, je réalise à quel point je ne comprendrai jamais une partie de ce pays. Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite. Ainsi disait le philosophe Joseph de Maistre.