Au Nouvel An, j’ai répété à qui mieux mieux que je nous souhaitais collectivement une année qui tendait vers la paix. Il me faut déjà admettre que c’est mal parti. Très mal parti.

Mardi, alors qu’une grande partie de la planète se remettait des festivités de la nouvelle année, une attaque au drone a tué Saleh al-Arouri, le no 2 du Hamas.

C’était prévisible. Israël – qui n’a pas revendiqué l’assassinat – promet depuis deux mois d’éliminer tous les leaders de l’organisation islamiste palestinienne responsable des attentats terroristes du 7 octobre.

Cependant, le lieu de la frappe du 2 janvier, lui, n’est pas banal. On pourrait même dire que le choix a été téméraire. M. Arouri se trouvait à Beyrouth, au Liban, en plein dans le château fort du Hezbollah, quand il a été tué aux côtés d’autres commandants du Hamas.

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Des pompiers travaillaient mercredi près de l’immeuble – qu’on aperçoit à l’arrière, endommagé – où se trouvait Saleh al-Arouri quand il a été tué.

Poids lourd politique au Liban, le mouvement chiite armé a déjà un pied dans le conflit qui oppose ses alliés du Hamas à Israël depuis le 7 octobre. On se demande maintenant s’il n’y plongera pas tête baissée. En résulterait l’expansion de la guerre qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts en 90 jours en Israël, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à la frontière sud du Liban.

Et ce n’est pas tout. Une double explosion en Iran – qui a fait au moins 100 morts – fait craindre un embrasement encore plus grand dans la région. Le régime iranien parle déjà du pire « attentat terroriste » en 40 ans. Personne n’a revendiqué l’évènement meurtrier.

Ce qu’on sait, c’est que la cible était une cérémonie à la mémoire de Qassem Soleimani, le puissant général iranien qui a été tué par une frappe américaine le 3 janvier 2020. L’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de l’Iran, promet une « revanche sévère », mais s’est retenu de désigner un coupable, contrairement à quelques hauts placés du même régime qui pointent Israël et son allié américain.

Voilà une deuxième allumette qui craque près d’un baril de pétrole déjà percé.

On ne s’arrête malheureusement pas là. Deux ministres israéliens issus de l’extrême droite ont soulevé la controverse en souhaitant publiquement l’émigration massive des Palestiniens hors de la bande de Gaza et le retour des colonies israéliennes dans l’enclave.

« Plus de 70 % de l’opinion publique israélienne soutient aujourd’hui une solution humanitaire consistant à encourager l’émigration volontaire des Arabes de Gaza et leur absorption dans d’autres pays », a écrit Bezalel Smotrich, ministre des Finances d’Israël, sur le réseau social X.

Comme Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité nationale d’Israël, qui a tenu des propos similaires, il s’est attiré les foudres du monde arabe, qui y voit un appel au nettoyage ethnique, mais aussi les remontrances du porte-parole du département d’État des États-Unis. Rien pour calmer le jeu.

Sommes-nous près de l’explosion ? « On n’est pas encore à un tournant, mais à un point critique », m’a dit mercredi Marie-Joëlle Zahar, professeure de science politique à l’Université de Montréal et experte de la résolution de conflits.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Joëlle Zahar, professeure de science politique à l’Université de Montréal et experte de la résolution de conflits

Les 48 prochaines heures vont être déterminantes. Soit les choses vont se calmer, soit on est parti pour une guerre régionale.

Marie-Joëlle Zahar, experte de la résolution de conflits

Et pourquoi 48 heures ? Parce que c’est le temps que s’est donné le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour réfléchir. Ce redouté allié de l’Iran, qui abrite une partie du leadership du Hamas, est à la jonction des évènements des derniers jours.

C’est donc sur le bout de leurs chaises que les observateurs du Moyen-Orient attendaient son discours mercredi.

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Des personnes regardent le discours télévisé du dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans une banlieue de Beyrouth.

L’homme qui s’est présenté à eux mercredi après-midi était étonnamment calme. Après une litanie de salutations, l’homme fort du mouvement chiite, qui figure sur la liste des entités terroristes du gouvernement canadien, a condamné « l’attaque flagrante » d’Israël, promis une réplique éventuelle pour « venger les martyrs », mais s’est retenu de déclarer la guerre à l’État hébreu.

Il a plutôt promis d’en dévoiler plus sur ses intentions vendredi – « si je suis toujours en vie » – lors d’un autre discours qui sera encore plus attendu que celui de mercredi.

Ça s’appelle s’acheter du temps, mais c’est à peine rassurant. La mèche est allumée.