Il y a une odeur de bacon qui flotte dans l’air. Quelques néo-diners proposant le petit-déjeuner toute la journée – Millmans et NDG Luncheonette, pour ne pas les nommer – ont ouvert leurs portes récemment. Bistro La Franquette a même proposé des pancakes et des œufs brouillés pour un « brunch à la façon diner américain », il y a quelques semaines.

Lorsqu’il avait le temps de quitter sa station en cuisine du regard, Scott Usheroff levait les yeux et observait la salle du Franquette, normalement ouverte le soir seulement. Ce dimanche matin là, elle était particulièrement joyeuse et souriante, remplie de « bruncheurs » satisfaits de retrouver le goût d’un déjeuner classique, mais exécuté avec le plus grand soin. Il y avait même l’option d’ajouter de la truffe fraîchement râpée sur ses œufs et du foie gras sur ses crêpes.

Celui que l’on retrouve maintenant derrière la caméra plutôt que derrière les fourneaux ne travaille pas au Franquette, dont le chef est plutôt Louie Deligianis. Bien qu’il connaisse le métier de l’intérieur, pour avoir cuisiné dans plusieurs établissements gastronomiques aujourd’hui fermés (Rosalie et Garçon !, entre autres), Scott gagne aujourd’hui sa vie en créant des envies avec ses salivantes images signées Craving Curator. Mais, le temps d’un repas, il avait envie de retrouver l’adrénaline de la cuisine.

  • Scott dépose une commande de crêpes épaisses, prêtes à être dévorées !

    PHOTO TWO FOOD PHOTOGRAPHERS, FOURNIE PAR SCOTT USHEROFF

    Scott dépose une commande de crêpes épaisses, prêtes à être dévorées !

  • On pouvait faire ajouter de la truffe sur ses œufs brouillés.

    PHOTO TWO FOOD PHOTOGRAPHERS, FOURNIE PAR SCOTT USHEROFF

    On pouvait faire ajouter de la truffe sur ses œufs brouillés.

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« J’adore les plats un peu nostalgiques et réconfortants. Dans la vie, nos meilleurs repas ne sont pas nécessairement les plus chics. Ce sont souvent les plus simples, mais exécutés à la perfection », raconte Scott. Nous avons discuté ensemble deux semaines après son épique brunch, qui a rempli la panse de 130 personnes avec des œufs brouillés, du bacon de bœuf, des crêpes épaisses et des pommes de terre rissolées comme on n’en trouve nulle part ailleurs à Montréal. « Ça n’existe pas, un bon hash brown, ici », regrette Scott.

Ouvert à tous

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le Beautys est ouvert depuis 1942 et s’est refait une beauté en 2021.

Ce n’est pas pour rien que des institutions montréalaises comme Beautys (1942), Greenspot (1947), Cosmo’s (1967), Chez Nick (1920) et bien d’autres existent depuis 50, 70, voire 100 ans ! Ces établissements ont en commun d’être restés (relativement) abordables au fil des décennies et de plaire à peu près à tout le monde, toutes générations confondues.

PHOTO TIRÉE DU SITE CHEZNICK.CA

Chez Nick, avenue Greene, est ouvert depuis 1920.

Comme l’ensemble des restaurants en 2024, les diners sont des commerces qui survivent avec des marges de profit très minces et qui ont eux aussi subi la hausse radicale du prix des ingrédients. Il ne faut donc plus s’attendre à se faire offrir gratuitement le café à volonté, encore moins dans les « néo-diners » qui se donnent la peine d’offrir du café filtre de qualité coûtant le double, voire le triple des grains standards. Cela dit, je pourrais faire l’apologie du « café de diner », un genre en soi, qu’il vaut mieux boire avec crème et sucre, mais ce sera pour une autre fois !

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Sophia Khalil-Griffin a ouvert NDG Luncheonette en décembre 2022.

Lorsqu’elle a ouvert NDG Luncheonette, à l’extrême nord-ouest de Notre-Dame-de-Grâce, Sophia Khalil-Griffin voulait créer un lieu où tout le monde se sentirait bienvenu.

« Je viens du quartier et j’avais envie d’offrir à ce coin particulièrement désert un restaurant familial et abordable », nous confie celle qui avait auparavant travaillé dans des établissements en vogue, comme Cabaret l’Enfer, Arthurs Nosh Bar, Loïc et Flyjin. « Je veux que les clients se sentent comme à la maison, qu’ils tissent des liens avec les employés et qu’ils n’hésitent surtout pas à personnaliser leur commande. »

  • Le JJ’s est la généreuse assiette déjeuner par excellence.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Le JJ’s est la généreuse assiette déjeuner par excellence.

  • La déco est fidèle à l’idée qu’on se fait d’un diner.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    La déco est fidèle à l’idée qu’on se fait d’un diner.

  • Le petit-déjeuner est servi toute la journée, comme annoncé dans la vitrine.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Le petit-déjeuner est servi toute la journée, comme annoncé dans la vitrine.

  • Le mur chromé est typique du diner.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Le mur chromé est typique du diner.

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Pour y être allée l’été dernier, je confirme que les banquettes étaient occupées par des étudiants de Concordia, par une famille et par deux amies qui sirotaient leur café. Mon voisin de comptoir – sur tabouret pivotant, bien sûr ! – était un homme dans la soixantaine ayant connu son lot de diners, de delis, de greasy spoons et de casse-croûtes. Il semblait déjà avoir ses habitudes à la luncheonette ouverte en décembre 2022.

Déjeuner toute la journée à Verdun

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Nicholas Gaudette sert du café filtre de qualité dans des tasses dépareillées, au Millmans.

Des habitués de tous les horizons, il y en a aussi chez Millmans, rue Wellington, à Verdun. « Je veux que les gens partent avec le ventre plein… et le portefeuille plein ! », lance l’unique propriétaire et chef, Nicholas Gaudette. Bon, il ne vous paiera pas pour manger chez lui, naturellement, mais il ne dégarnira pas trop votre compte de banque non plus. L’assiette la plus chère, le très généreux déjeuner Millman comprenant deux œufs, une montagne de petits cubes de pommes de terre frits qui créent la dépendance avec leur assaisonnement « bagel tout garni », deux épaisses tranches de bacon du fournisseur local Porc-Épic, du bon pain grillé et des tranches d’agrumes, coûte 18 $.

Nicholas est probablement le seul propriétaire de diner qui pèse son café à la manière d’un barista. Il fait d’ailleurs torréfier ses grains à la Canadian Roasting Society, qui respecte le style diner de torréfaction moyenne, tout en s’approvisionnant de manière plus éthique.

  • Millmans se fait remarquer, rue Wellington, avec sa façade rose.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Millmans se fait remarquer, rue Wellington, avec sa façade rose.

  • Tabourets chromés et autres détails respectent les codes du diner.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Tabourets chromés et autres détails respectent les codes du diner.

  • Nicholas Gaudette achète son bacon chez Porc-Épic.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Nicholas Gaudette achète son bacon chez Porc-Épic.

  • L’assiette Millman est LE classique du néo-diner.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    L’assiette Millman est LE classique du néo-diner.

  • Les crêpes de Millmans sont particulièrement épaisses et moelleuses.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Les crêpes de Millmans sont particulièrement épaisses et moelleuses.

  • Nicholas Gaudette est l’unique propriétaire et chef de Millmans.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Nicholas Gaudette est l’unique propriétaire et chef de Millmans.

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Millmans est né en 2022 d’un désir d’avoir une certaine qualité de vie et de créer une entreprise pouvant aisément traverser le temps. Nicholas travaillait au Dandy, restaurant ouvert de 10 h à 16 h six jours par semaine, quand la pandémie a commencé et que les salles à manger ont été fermées. Il s’est alors retrouvé au Maman, une autre adresse de jour, dans Griffintown. C’était après avoir connu le 10 h à 2 h (du matin !) dans quelques restaurants haut de gamme.

« Je voulais – en théorie ! – être capable de rentrer chez moi à 18 h et avoir un certain équilibre. Je voulais aussi pouvoir gérer mon resto tout seul, en cas de manque de main-d’œuvre, et prouver qu’on n’est pas obligé de dépenser un million de dollars sur une belle déco pour avoir du succès. »

Cela dit, Millmans est un très mignon diner avec une façade rose-pêche qu’on ne peut manquer. L’intérieur respecte les codes du genre, avec banquettes en similicuir colorées, tabourets chromés, petites distributrices à serviettes, napperons en papier, photos anciennes sur les murs, etc. Tout comme NDG Luncheonette, c’est une machine à voyager dans le temps… bien de son temps !

Millmans : 3779, rue Wellington, Verdun

NDG Luncheonette : 6800, avenue Fielding, Montréal