La gastronomie se décentralise au Québec. Des chefs s’installent à la campagne, contribuant à la vitalité de leur région adoptive, que ce soit en Montérégie, en Mauricie, en Estrie ou aux portes de la Gaspésie. Nous avons rendu visite à quelques-unes de ces nouvelles tables fermières qui attireront les agrotouristes par le ventre, cet été.

Lorsqu’on s’engage dans l’entrée du Mangeoir, le premier accueil est fait par Anna et Tako. Les deux border collies enjoués donnent le ton de la visite. On a l’impression de débarquer à la ferme de Mathurin, tant il y a du bonheur ici. Tout au long de la tournée qui dure environ deux heures, nous sommes suivis par les chiens de berger qui, à défaut de moutons, taquinent les chèvres, ainsi que par une ribambelle de chats et chatons affectueux. Même les vaches sont souriantes !

  • Hector le bouc est particulièrement sociable.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Hector le bouc est particulièrement sociable.

  • Les canards et les oies font la belle vie autour de l’étang.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Les canards et les oies font la belle vie autour de l’étang.

  • La cuisine de Guillaume Asselin est haute en saveurs, en couleurs et en textures.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    La cuisine de Guillaume Asselin est haute en saveurs, en couleurs et en textures.

  • On a peu l’occasion de manger de la viande de chevreau, plus délicate que l’agneau.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    On a peu l’occasion de manger de la viande de chevreau, plus délicate que l’agneau.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Un projet ambitieux

Mais bonheur rime avec labeur et ce n’est sûrement pas tous les jours fête sur le chemin Ridge. Le projet de Marie Daudelin et de Guillaume Asselin est ambitieux, avec sa table champêtre, son jardin maraîcher, ses poules et poulets, ses canards, ses 8 bœufs, ses 3 vaches, ses 3 veaux, sa vingtaine de cochons, sans oublier ses 60 chèvres et leurs chevreaux. Il y a un petit verger de vivaces où le chef peut (ou pourra, lorsque les arbres arriveront à maturité) cueillir prunes, pommes, camerises, argousiers, fleurs et baies de sureau, amélanches, groseilles, gadelles, framboises, mûres, noyer noir, fraises, rhubarbe, bleuets et même des kiwis.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Guillaume Asselin fait toujours une partie de mise en assiette dans la salle.

Malgré le travail qui n’arrête jamais, le couple ne regrette pas pour autant d’avoir fait le saut d’Hochelaga à la petite municipalité méconnue de Saint-Anicet, située en bordure du lac Saint-François, à quelques minutes de la frontière américaine.

Adolescente, Marie allait parfois aider son père qui possédait une ferme de moutons. « Je me disais : jamais je ne vais avoir de ferme ! », admet-elle. Puis la jeune adulte s’est engagée dans le milieu de « l’évènementiel » et a fait une maîtrise en gestion de projet.

Mais Guillaume Asselin, chef-propriétaire du restaurant et service traiteur L’Affamé pendant neuf ans, cultivait un grand rêve agricole, pour produire ses propres ingrédients. Qui prend mari prend pays, dit-on ! Du reste, la jeune maman passionnée de « bonne bouffe » et de rencontres peut continuer à mettre ses compétences en pratique en organisant ses propres évènements, chez elle.

« On s’est mis à magasiner en mars 2020, après avoir fait notre plan d’affaires », raconte Guillaume Asselin.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Quelques jours avant notre passage, Guillaume Asselin a dû aider une de ses vaches à mettre bas d’un veau un peu costaud.

On a visité des fermes avec L’Arterre, un service de jumelage entre aspirants-agriculteurs et propriétaires. Comme on ne trouvait pas, on a élargi la zone de recherche et on a fini par trouver sur Centris, tout simplement.

Guillaume Asselin, copropriétaire du Mangeoir

« Trois ans et une pandémie plus tard, on ne pourrait probablement plus se permettre de payer ce que ça vaut aujourd’hui », ajoute-t-il.

Les lieux étaient inhabités et inexploités depuis quelques années, mais il y avait sur la propriété une belle grande maison – qui a depuis été rénovée, puis transformée en auberge – et des bâtiments de ferme en bon état. Le couple a repris les terres qui étaient louées pour la culture du maïs et du soya. La grande coquille qui abrite maintenant une cuisine pleinement fonctionnelle, une grande salle à manger et une boutique a été joliment aménagée, avec plafond de bois et papier peint coloré.

  • La salle à manger se trouve dans un grand bâtiment autrefois vide, que le couple a amélioré puis décoré.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    La salle à manger se trouve dans un grand bâtiment autrefois vide, que le couple a amélioré puis décoré.

  • La pièce commune du gîte est bien lumineuse.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    La pièce commune du gîte est bien lumineuse.

  • Les clients du gîte prennent leur petit-déjeuner ici.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Les clients du gîte prennent leur petit-déjeuner ici.

  • Les chambres du Mangeoir sont décorées avec simplicité et bon goût.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Les chambres du Mangeoir sont décorées avec simplicité et bon goût.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Aujourd’hui, Le Mangeoir est donc une table champêtre en bonne et due forme, qui peut recevoir 20 personnes à la fois les vendredi et samedi soir. C’est un service animé, pendant lequel Guillaume Asselin fait une partie de la finition devant des convives qui, eux, se sentent un peu comme s’ils étaient en visite chez des amis. L’ambiance est chaleureuse et décontractée.

Cet été, il y aura aussi des pique-niques sur quatre dimanches. Après la belle saison, la ferme tiendra des évènements ponctuels, que ce soit avant les Fêtes, à la Saint-Valentin ou pendant la période des sucres. C’est également possible de planifier des repas privés pour des groupes, tout en séjournant dans le gîte avec piscine. Que demander de plus !

Consultez le site du Mangeoir

Dans la forêt des mal-aimés

PHOTO FOURNIE PAR LES MAL-AIMÉS

Le bâtiment des Mal-aimés a été construit par Yannick Côté, également chef et jardinier !

« Les Mal-aimés, c’est d’abord une histoire d’amour », dit Julie Myre-Bisaillon, pendant son bref discours qui précède le créatif repas en 10 services que nous nous apprêtons à déguster.

Cette histoire d’amour, elle existe au sein des deux couples propriétaires, formés par Julie Myre-Bisaillon et son « Cuisinier déchaîné », Yannick Côté, et par le chef Daniel Charbonneau (L’Empreinte, Sherbrooke) et Mélanie Alain (organisme communautaire La grande table). Elle s’exprime aussi dans les soins prodigués à des produits un peu laissés pour compte, comme les abats et certains légumes. Le cœur de cerf, par exemple, est servi à la péruvienne en anticucho (brochette), pendant l’apéro qui se prend dehors. Les rabioles, le kale et le salsifis reçoivent eux aussi le traitement royal, bichonnés par les cuisiniers d’expérience.

  • Les brochettes pour l’apéro sont faites avec du cœur de cerf.

    PHOTO FOURNIE PAR LES MAL-AIMÉS

    Les brochettes pour l’apéro sont faites avec du cœur de cerf.

  • Astucieuse idée de service que cette sauce réinjectée dans une coquille d’œuf !

    PHOTO FOURNIE PAR LES MAL-AIMÉS

    Astucieuse idée de service que cette sauce réinjectée dans une coquille d’œuf !

1/2
  •  
  •  

« Ici, on vous invite à vous arrêter, à prendre le temps avec la ou les personnes que vous aimez », poursuit notre hôtesse Julie Myre-Bisaillon. Et en effet, il n’y a rien de mieux qu’un long repas pour connecter avec ses êtres chers.

De plus, le lieu magique se prête bien aux rapprochements et au lâcher-prise. On est à la ferme du Jardinier déchaîné (Yannick Côté), à Cookshire-Eaton, petite ville située à une trentaine de kilomètres à l’est de Sherbrooke (deux heures de Montréal). M. Côté est un talentueux touche-à-tout. Il a bâti le restaurant de ses mains, du petit chemin en bois, qui traverse la forêt pour nous mener au bâtiment, jusqu’aux terrasses. L’élément signature de cette construction d’une rusticité élégante ? Un mur complet de vieilles fenêtres en « patchwork ». Même le grand barbecue à l’avant du « restaurant » a été fait sur mesure par les deux chefs, qui adorent cuisiner sur le feu.

  • Serait-ce le retour du shabby-chic ? Cet assemblage de fenêtres anciennes crée une belle ambiance dans la salle à manger.

    PHOTO FOURNIE PAR LES MAL-AIMÉS

    Serait-ce le retour du shabby-chic ? Cet assemblage de fenêtres anciennes crée une belle ambiance dans la salle à manger.

  • La terrasse arrière est le théâtre des fins de soirée autour du feu.

    PHOTO FOURNIE PAR LES MAL-AIMÉS

    La terrasse arrière est le théâtre des fins de soirée autour du feu.

1/2
  •  
  •  

Le temps étant à la pluie, nous ne pouvons malheureusement pas profiter des chaises Adirondack installées autour d’un foyer extérieur, à l’arrière du bâtiment. C’est dans ce bel espace entouré de vert, où paissent tranquillement les vaches du voisin, que les convives pourront normalement digérer et cuver leur alcool après le copieux repas. Heureusement, la maison propose un demi-accord de vin et un accord sans alcool pour que le retour se fasse en toute sécurité.

Le menu de 10 services, servi les jeudi, vendredi et samedi soir, puis le dimanche midi, coûte 145 $ par personne. Du vendredi au dimanche midi, il y a aussi des paniers gastronomiques à 150 $ pour deux, comprenant vin, bière ou cidre, sur réservation.

Consultez le site des Mal-aimés

Des tables dans le champ

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’expression « table champêtre » est réservée aux producteurs agricoles qui en font la demande auprès de l’organisme Terroir et saveurs du Québec et qui répondent aux exigences.

Des projets comme la Cabane d’à côté (Mirabel), Cantine Pollens & Nectars (Miels d’Anicet, Ferme-Neuve), Parcelles (Austin), Ferme & cuisine Bika (Saint-Blaise-sur-Richelieu) et Les Cocagnes ont reparti le bal des expériences gourmandes à la campagne. Plusieurs autres établissements participent maintenant à la renaissance de la table fermière un peu partout au Québec.

Mais avant de passer aux suggestions, il est important de préciser que l’expression « table champêtre », elle, est une marque déposée au Québec, depuis les années 1980. Elle est réservée aux producteurs agricoles qui en font la demande auprès de l’organisme Terroir et saveurs du Québec et qui répondent aux exigences. Entre autres, ces établissements doivent être installés sur des terres qui fournissent au moins 51 % de ce qui se trouve dans l’assiette des clients. Certaines tables champêtres, comme La Rabouillère et le Domaine de la Templerie, existent maintenant depuis plus de 30 ans.

Dans notre liste de découvertes récentes, nous avons inclus non seulement des entreprises accréditées ou en attente de l’être, mais aussi quelques restaurants en région mettant en vedette les meilleurs ingrédients des alentours.

  • Plus de 300 variétés de végétaux sont cultivées sur les terres d’Au pâturage.

    PHOTO FOURNIE PAR AU PÂTURAGE

    Plus de 300 variétés de végétaux sont cultivées sur les terres d’Au pâturage.

  • Au pâturage est installé à Sainte-Perpétue.

    PHOTO FOURNIE PAR AU PÂTURAGE

    Au pâturage est installé à Sainte-Perpétue.

  • L’endroit propose un menu de cinq services raffiné les vendredi et samedi soirs.

    PHOTO FOURNIE PAR AU PÂTURAGE

    L’endroit propose un menu de cinq services raffiné les vendredi et samedi soirs.

  • La chef Chloé Ouellet

    PHOTO FOURNIE PAR AU PÂTURAGE

    La chef Chloé Ouellet

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Au pâturage

Installée à Sainte-Perpétue, la chef Chloé Ouellet tient à faire de la gastronomie accessible, mais sans compromis. « Ça m’est arrivé au moins 30-40 fois qu’on m’appelle pour commander une pizza ou une poutine ! lance-t-elle. À un moment donné, on s’est demandé si on ne devrait pas faire des steak-frites et des tartares pour être plein tout le temps, mais je ne suis pas une personne qui pile sur ses valeurs. Même si on ne fait que six clients dans une soirée, le bouche-à-oreille va se faire. »

Et en effet, les Québécois commencent à entendre parler d’Au pâturage, table raffinée où il est possible de manger un menu en cinq services pour 85 $ les vendredi et samedi soir, des plats à la carte le jeudi et un brunch à prix raisonnable les samedi et dimanche. Chloé tient mordicus à ce que les « gens du coin » s’approprient le resto et y fassent des découvertes.

« On cultive plus de 300 variétés de végétaux pour essayer des choses funky. Il y a peut-être moins de rendement, mais les goûts sont plus spéciaux. On va faire des conserves et être capables de rouler à l’année. Il n’y a rien qui rentre ici qui ne soit pas du Québec. Et comme j’ai décidé de faire une cuisine de vraie saisonnalité, le menu doit changer toutes les semaines. Pas le choix. Ça bouge vite au champ. Alors on a de très bons coups, mais aussi des moins bons, parce qu’on doit se revirer de bord très vite. »

Pour la chef originaire de Matane, cuisiner à la campagne est un choix et une question de valeurs. « Je n’aurais jamais travaillé en ville », confirme-t-elle.

Consultez le site d’Au pâturage

Auberge Saint-Mathieu

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’AUBERGE SAINT-MATHIEU

Un service autour de la framboise à la table du chef Samy Benabed

Chef et copropriétaire, avec ses partenaires Florent Borrel, Étienne Prud’homme et Nicholas Trottier-Lacourse, Samy Benabed a remporté le Laurier de la révélation de l’année, à la fin du mois de mai. Mais même avant cette reconnaissance, la rumeur qui provenait de cette nouvelle table gastronomique de Saint-Mathieu-du-Parc était très, très favorable. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous y rendre, mais ça ne fait aucun doute que la cuisine « boréale » que l’on pratique au bord du lac Bellemare est particulièrement soignée et accompagnée de boissons de circonstance. Ici, le menu quatre services coûte 65 $ et celui de huit services est à 90 $. Des prix qu’on ne voit pas en ville !

Consultez le site de l’Auberge Saint-Mathieu

Chef Oli

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le chef Olivier Louissaint nous parlait de sa nouvelle émission Chef Oli vire champêtre, lors d’une excursion au marché Jean-Talon en décembre 2022.

Le chef Olivier Louissaint, alias Chef Oli, a sillonné le Québec dans le cadre de la première saison de sa série documentaire présentée à Télé-Québec. Celle-ci le suit dans sa quête pour définir son projet de table gourmande à la campagne. Cet été, Oli s’installe à la Terre Bowker, dans la municipalité de Warden, en Haute-Yamaska, pour proposer des repas à manger sur place en formule « boîte à lunch ». Le billet à 59,99 $ par adulte (les enfants mangent pour 20 $) donne droit à une boisson qu’il faut cueillir d’abord à la brasserie La Ferme, à cinq minutes de voiture. Au menu : baguette et terrine, viande à griller et deux salades d’accompagnement. Un lieu magnifique et une cuisine à découvrir.

Achetez votre billet pour le repas

Projet La Ruche

  • Projet La Ruche jumèle table champêtre, boutique et gîte.

    PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE PROJET LA RUCHE

    Projet La Ruche jumèle table champêtre, boutique et gîte.

  • L’entreprise agrotouristique est située à Baie-des-Sables.

    PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE PROJET LA RUCHE

    L’entreprise agrotouristique est située à Baie-des-Sables.

1/2
  •  
  •  

Vous prenez le chemin de la Gaspésie cet été ? Une petite escale à Baie-des-Sables pourrait s’imposer. Projet La Ruche est une entreprise agrotouristique familiale qui jumelle table champêtre, boutique et joli gîte de quatre chambres. Ferme apicole d’abord, la terre s’est diversifiée sous l’impulsion de la jeune Gabrielle Trigaux, diplômée de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) en gestion de la restauration. On visite puis on mange à la carte ou en formule carte blanche (60 $ par personne). Il y a aussi de jolies choses à boire.

Consultez le site du Projet La Ruche

Maison de Soma

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @MAISONDESOMA

La buvette de Maison de Soma ouvrait le 1er juillet.

Cet ambitieux projet d’un couple d’ex-Montréalais, Édith Foliot et Didier Lortie, donnera à coup sûr un élan gourmand à Tremblant. Ferme, restaurant, buvette, boutique, laboratoire, cidrerie, miellerie, etc. ! Maison de Soma sert ses premiers clients aujourd’hui même. Notre journaliste Isabelle Morin vous en parle très bientôt dans nos pages.

Consultez le site de Maison de Soma