Alors qu’on nous encourage à consommer local, certains nous invitent plutôt à penser local. Et si on prenait soin de notre monde, cette année ?

Je vous préviens, cette chronique porte sur une initiative disparue. Si j’écris à son sujet, c’est qu’elle me hante depuis deux ans et que je suis convaincue qu’elle mérite de renaître de ses cendres. Que ce soit dans sa forme originale ou dans une explosion de gestes solidaires…

C’est le calendrier de l’avent inversé.

Peut-être que ça vous dit quelque chose ? Pour Noël 2020, les Montréalais étaient invités à donner un article par jour plutôt qu’à manger un chocolat quotidien (quoique l’un n’empêchait probablement pas l’autre). Le concept était simple : il fallait déposer 25 objets dans une boîte, emballer joliment ladite boîte et la laisser dans un point de collecte. Les cartons étaient ensuite remis aux résidants et résidantes de différents refuges de la métropole.

J’ai participé à l’exercice, et une chose m’a rapidement frappée : ça nécessitait une empathie consciente. Vous savez, on est souvent appelé à donner, dans le temps des Fêtes. Bien entendu, pendant un instant, on pense à la personne qui recevra nos denrées non périssables ou nos quelques dollars, mais pour la première fois, je devais très consciemment me mettre dans la peau d’un individu sans maison ni sécurité.

De quels 25 objets peut bien avoir besoin une personne qui passe Noël dans un refuge ?

J’en croise chaque jour, de ces personnes. Pourtant, je ne connais rien de leurs envies.

J’ai mis des heures à essayer de trouver le parfait équilibre entre l’utile, le doux et l’essentiel. Je voulais que ma boîte procure l’effet d’un cadeau, mais sait-on vraiment réchauffer le cœur de gens qu’on ignore à longueur d’année ?

Le calendrier de l’avent inversé, c’était une plongée dans ce que j’évite de voir autour de moi. Nommément le fait qu’il y a du monde qui espère simplement recevoir des produits d’hygiène, des sous-vêtements, des conserves, des lampes-torches ou de quoi avoir moins froid aux mains.

L’instigatrice du calendrier de l’avent inversé nous encourageait tout de même à ne pas oublier les plaisirs quotidiens. Pourquoi ne pas ajouter un livre, un cahier de notes, un jeu de cartes ou des biscuits dans notre boîte ? Tant qu’on laissait de côté l’alcool et les objets susceptibles de se casser…

PHOTO FOURNIE PAR MAÏTÉ PETIT

Maïté Petit

Pour dresser cette liste de suggestions, Maïté Petit s’est fiée aux recommandations de différentes ressources d’hébergement. Parce que rapidement, plusieurs ont été charmées par ses calendriers de l’avent inversés : Mission Old Brewery, Projets autochtones du Québec et Maison Oxygène, entre autres. Or, en quelques semaines, Maïté a reçu tant de boîtes qu’il a fallu trouver plus d’organismes ! Logifem et Moisson Montréal se sont greffés au groupe pour faire plus d’heureux et d’heureuses.

Les Montréalais ont finalement offert 637 boîtes, laissant l’instigatrice du projet soufflée par tant d’engagement.

Ça n’a l’air de rien, mais c’est demandant de sélectionner 25 objets ! Et ce que j’ai surtout aimé, c’est toute la chaîne humaine que ça a créée… Des gens qui ont fait des boîtes à ceux qui les ont reçues, en passant par les points de collecte qui ont joué le jeu. Il y avait un salon de tatouage, un espace de coworking, des boutiques, des cafés, des supermarchés. La portée du truc a été énorme !

Maïté Petit, instigatrice du calendrier de l’avent inversé à Montréal

Partout en ville, des réseaux locaux se sont formés pour soutenir la communauté. Tout ça grâce au simple appel lancé par une psychologue alors en congé de maternité depuis neuf mois… « Je pense que j’avais besoin de faire quelque chose, résume en riant Maïté Petit. J’avais envie de porter encore plus que mon bébé ! »

L’idée n’est toutefois pas tombée du ciel. Maïté naviguait sur Facebook quand elle a aperçu une publication au sujet d’un calendrier de l’avent inversé en France. Un appel à la solidarité et à l’action humaine lancé par l’association La bulle inattendue.

Ce fut aussitôt clair : il fallait faire ça chez nous aussi !

Elle a écrit à Mangaïa Bar, l’une des deux instigatrices du projet français, qui lui a donné quelques conseils pour fonder une section montréalaise. Le 14 novembre (lire : à cinq semaines de Noël !), la psychologue s’est donc lancée dans la création de publicités, la recherche de refuges et le recrutement de lieux de collecte.

« Je voulais que ça touche autant de gens que possible ! »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU CALENDRIER DE L’AVENT INVERSÉ

Camion bien rempli qui fera la joie des moins nantis.

La réponse a été si positive que Maïté Petit, ébahie, a dû louer un camion pour distribuer toutes les boîtes qu’elle a reçues…

Rétrospectivement, c’était beaucoup à gérer. De retour au travail — et maintenant consciente de l’ampleur colossale de la tâche —, la psychologue n’a pas osé renouveler l’exercice. Par contre, elle rêve qu’un groupe le fasse et elle est convaincue que le projet connaîtrait du succès. Après tout, plusieurs personnes lui ont écrit en espérant que l’expérience soit reconduite…

Entre-temps, rien ne nous empêche d’offrir de telles boîtes à des organisations qui sauront bien les utiliser, mais Maïté Petit propose plus simple encore.

« Notre démarche n’est pas obligée d’être compliquée ! On peut contacter les organismes de notre quartier pour savoir quels sont leurs besoins ou laisser de la nourriture dans un frigo communautaire. On n’a pas nécessairement à mettre des objets dans une boîte pour être dans l’entraide. Ça passe aussi par les gestes du quotidien, par remarquer de quoi les gens autour de nous ont besoin. »

La psychologue prône les grandes idées spontanées autant que les coudes tendus pour aider les aînés à traverser une rue glacée. Elle espère une variété de gestes pour rappeler à notre communauté qu’on forme un groupe solidaire. Que l’entraide ne s’est pas laissé engourdir par l’hiver.

« J’ai envie que ces gestes deviennent contagieux ! Est-ce que c’est pas ça, l’esprit de Noël ? »

Consultez la page Facebook du calendrier de l’avent inversé 2020