Les soupers familiaux et les réceptions des Fêtes sont pour vous synonymes de légers cauchemars ? Parlez-en à ceux qui vivent avec des intolérances et des allergies alimentaires ! Ou à ceux qui les reçoivent…

Je commence en me livrant (je sais que vous m’accueillez sans jugement) : je ne mange plus de gluten depuis trois ans parce que ça me rend malade. Assez malade pour être suivie par un gastro-entérologue.

La restriction alimentaire est donc réelle et, surtout, nouvelle. Je cherche encore mes repères, notamment lorsqu’on m’invite à souper… Dois-je amener mon repas ? Proposer de cuisiner pour le groupe ? Risquer d’offusquer l’hôte en lui demandant de nommer chacun des ingrédients qu’il compte utiliser ?

Je me sens vulnérable et impolie.

En contrepartie, lorsque je reçois des invités qui composent avec une allergie, je panique. Je les noie de questions pour assurer leur survie.

Je me sens stressée et envahissante.

Avec les Fêtes qui approchent, je me suis dit qu’il serait bien d’enfin clarifier l’étiquette des repas de groupe qui impliquent des risques pour la santé. Je me suis tournée vers des femmes qui s’y connaissent, j’ai nommé : Katrine Paradis (cofondatrice de K pour Katrine, une plateforme de recettes sans gluten ni produits laitiers) et Valérie Vaillancourt (diététiste-nutritionniste qui collabore avec Allergies Québec).

Étape 1 — Avoir un plan d’intervention

Qu’on soit hôte ou invité, une bonne manière de réduire notre angoisse est de savoir comment intervenir en cas de réaction allergique, estime Valérie Vaillancourt.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Valérie Vaillancourt, diététiste-nutritionniste qui collabore avec Allergies Québec

« C’est bien de se rappeler qu’on sait comment utiliser un EpiPen, par exemple. Parce qu’il faut préciser que le risque zéro n’existe pas ! »

D’ailleurs, tout repose sur une question : à quel point est-on prêt à gérer les risques ?

C’est en devenant mère que Katrine Paradis a commencé à explorer le fabuleux monde de l’alimentation compliquée. Sa fille Margaux souffrait de nombreuses allergies graves, au point où Katrine devait préparer tous ses repas lorsqu’elle souhaitait la faire garder par sa grand-mère. C’est que cette dernière ne voulait prendre aucun risque pour la santé de sa petite-fille…

« Et je comprenais ! précise Katrine Paradis. C’est plate à dire, mais les allergies entraînent la responsabilisation personnelle. C’est ton problème à toi, il faut le gérer ! Sauf que tu peux aider ton enfant à avoir une attitude positive dès le départ… »

Lorsqu’un ami célébrait son anniversaire, Katrine expliquait à Margaux qu’elle pouvait être de la fête sans problème. Elle ne pouvait juste pas goûter au gâteau… Ce qu’elle pouvait manger, par contre, c’était ses bonbons préférés. Un mal pour un bien, non ?

Étape 2 — Se préparer (mais vraiment)

« Ce qui est difficile quand on a des allergies, c’est qu’on ne peut pas manger sous le coup de la spontanéité, admet Valérie Vaillancourt. Il faut prendre le temps de valider plusieurs informations. »

D’ailleurs, est-ce que ça se fait, questionner notre hôte quant aux ingrédients qu’il compte utiliser ? La réponse de la cofondatrice de Référence-nutrition me surprend. Non seulement on peut le faire sans gêne, mais encore on devrait le faire pour tester ses connaissances…

Elle m’explique que plusieurs personnes ignorent que la mention « peut contenir » n’est pas obligatoire. Si un produit contient un allergène, c’est indiqué sur son emballage. Or, s’il n’y a que des risques de contamination croisée, le fabricant n’est pas légalement tenu de l’écrire.

Il faut appeler la compagnie, si on a des doutes. Quand on reçoit, on doit être réaliste : est-ce qu’on a le temps de valider tous les ingrédients ?

Valérie Vaillancourt, diététiste-nutritionniste

D’ailleurs, en tant que bon invité, on peut glisser une phrase déculpabilisante à notre hôte. Un petit « je ne t’en tiendrai pas rigueur si tu me dis que c’est trop compliqué » ne fait jamais de tort.

Katrine Paradis prend les devants, elle. Pour éviter qu’autrui ne se casse la tête, elle s’occupe des repas.

« Il y a des gens qui aiment recevoir des consignes, mais il y en a pour qui c’est plus compliqué. Il faut leur enlever du stress. Ils ne doivent pas avoir peur de nous inviter chez eux. »

Pour Valérie Vaillancourt, il faut surtout qu’une chose soit claire : « La personne qui veut absolument recevoir quelqu’un qui a des allergies veut prouver son amour, mais il y a d’autres manières de le faire. »

Étape 3 — Prendre ses précautions

Si on se lance dans la grande aventure du repas partagé, il s’agit ensuite d’être prudent.

Bonne nouvelle : on peut trouver différents outils sur le site web d’Allergies Québec, notamment un guide pour les hôtes et un pense-bête pour réduire les risques.

« En plus de s’assurer que tous les ingrédients sont sans allergènes, il faut faire attention à la contamination croisée, illustre Valérie Vaillancourt. Ça veut dire se laver les mains et ne pas utiliser un même ustensile pour brasser plusieurs sauces, par exemple. Le grille-pain peut lui aussi être un véhicule de transmission, comme le beurre… »

Une fois que les hôtes ont pris connaissance de tous ces défis, ils sont parfois refroidis, remarque la nutritionniste. Pourquoi ne pas se tourner vers un traiteur qui offre un menu sans allergène, alors ?

« On donne une pause de cuisine à notre invité quand même ! » (Et ça, c’est précieux.)

Étape 4 — Être ouvert

Malgré toutes les bonnes intentions des hôtes, il arrive qu’on vive de petites déceptions. Qu’on doive se passer d’un des plats ou même d’un des services, par exemple.

C’est pourquoi Katrine Paradis recommande d’apporter un mets, même lorsque les hôtes disent s’occuper de tout… Dans le meilleur des cas, on sera ravi de le partager avec les convives et dans le pire, il nous empêchera de mourir de faim.

Peut-on aller aussi loin qu’apporter son lunch ?

« Ah ben oui ! répond sans hésiter Valérie Vaillancourt. Ça n’enlève rien à l’amour qu’on porte à la personne qui nous reçoit. L’important, ce n’est pas de manger le même repas, mais de passer du temps de qualité ensemble. »

Voilà une phrase qui peut nous éviter bien des soucis (ou rien qu’un pain-sandwich).