Originaire de l’Alberta, Melanie Leeson a bifurqué de ses études en psychologie pour travailler dans le monde du café. On considère aujourd’hui qu’elle fait partie des meilleurs acheteurs de cafés verts du milieu et, depuis 2020, ce sont les torréfacteurs (et les consommateurs !) montréalais qui bénéficient de sa grande expertise.

À la recherche des perles rares

Si, il y a une vingtaine d’années, on ne se posait pas trop de questions sur ce qui se trouvait dans sa tasse, on sait aujourd’hui à quel point la petite graine énergisante est complexe (de même que toute l’économie qui s’y rattache). Le secteur du café de spécialité est devenu compétitif et on s’arrache les meilleures « origines », le fruit des fermes les plus attentionnées, le produit des procédés de fermentation les plus innovants.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Une torréfactrice teste le goût final de son café torréfié récemment, dans le local de la Société canadienne de torréfaction, rue Saint-Patrick, à Montréal.

Melanie Leeson est là pour trouver les perles rares, les meilleurs rapports qualité-prix, les plans les plus éthiques, etc. Elle aide les petits torréfacteurs indépendants à développer leur « menu » de cafés, pour qu’ils aient une offre qui leur ressemble et qui se démarque. Elle donne aussi des formations de cupping, une manière de déguster qui permet d’identifier les qualités et les défauts d’un échantillon.

Son employeur principal est la Société canadienne de torréfaction (CRS), où des marques comme Myriade, Ambros, Micro Espresso, Structure, Traffic, Melk, Jungle et bien d’autres entreposent, cuisent et ensachent leurs grains. Tous les membres de la CRS n’ont pas recours aux services de l’acheteuse, la majorité préférant faire son propre « magasinage » et bâtir ses propres relations, mais elle se charge de l’approvisionnement pour toutes les étiquettes privées qui sont produites sur place, pour certains cafés et restaurants.

  • Tomas Zylak (torréfacteur en chef de la Société canadienne de torréfaction) récupère un sac de grains. Tous les cafés verts dans cet étalage ont été sélectionnés d’un peu partout par Melanie Leeson.

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    Tomas Zylak (torréfacteur en chef de la Société canadienne de torréfaction) récupère un sac de grains. Tous les cafés verts dans cet étalage ont été sélectionnés d’un peu partout par Melanie Leeson.

  • En quelques minutes de cuisson très contrôlée, le café passe du vert au brun.

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    En quelques minutes de cuisson très contrôlée, le café passe du vert au brun.

  • Myriade Roasting Co. est un des clients de la Société canadienne de torréfaction. Melanie Leeson déniche ses cafés à la source.

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    Myriade Roasting Co. est un des clients de la Société canadienne de torréfaction. Melanie Leeson déniche ses cafés à la source.

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Le chemin du café

Avant d’être le petit grain brun au parfum enivrant que l’on connaît, le café est une fève verdâtre qui cache bien son potentiel. Le torréfacteur la reçoit ainsi, au terme d’un long chemin depuis l’arbuste. Après la cueillette, il y a tri, dépulpage (sauf pour les cafés dits « naturels », qui fermentent à l’intérieur de la cerise), lavage et fermentation, séchage, entreposage et affinage, retrait de la parche, exportation, etc.

Mélanie Leeson commande systématiquement des échantillons des cafés qu’elle pense acheter pour ses clients, les torréfie sur sa toute petite machine et en fait la dégustation (cupping) pour identifier qualités et défauts. Jamais elle n’achètera sans goûter. Et elle n’est pas dupe, sachant bien que le petit « avant-goût » qu’on lui envoie n’est pas toujours représentatif de l’ensemble du lot.

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Avant d’être le petit grain brun au parfum enivrant que l’on connaît, le café est une fève verte.

Et on en vient à ces « cafés excitants » que Melanie Leeson se fait un grand plaisir de dénicher. Ce sont généralement des grains plus nichés, plus chers, qui mettent les buveurs au défi, provoquent la surprise par leurs goûts uniques. Disons qu’on est bien loin de l’espresso italien réconfortant. C’est pour les connaisseurs ou pour ceux et celles qui veulent sortir de leur zone habituelle. Mélanie Leeson elle-même ne buvait pas de café avant de découvrir la « troisième vague ». Ça peut rappeler le phénomène des « vins naturels ».

« D’un point de vue gustatif, la palette que je recherche tend plutôt vers les agrumes, les baies et les fleurs comme la violette et le jasmin. C’est éclatant, avec une acidité marquée, mais en équilibre. »

L’acheteuse devient fébrile lorsqu’elle tombe sur des « variétés locales » (landraces en anglais) éthiopiennes du Yirgacheffe, sur certaines variétés développées il y a une centaine d’années pour le terroir kényan par Scott Laboratories (SL28 et SL34) ou sur de petits ovnis comme le bourbon rose colombien.

J’aimerais que le public comprenne à quel point ces cafés sont rares et spéciaux, surtout en cette ère de changements climatiques où les variétés de laboratoire prennent de plus en plus de place, pour leur résistance aux maladies et leur productivité. Mon rêve, c’est que plus de consommateurs soient prêts à dépenser autant d’argent pour un sac de café que pour une bouteille de vin et qu’ils le dégustent avec autant d’attention.

Melanie Leeson, acheteuse de cafés

Cette petite graine que l’on a pendant longtemps tenue pour acquise, lui confiant avant tout la mission de nous sortir des bras de Morphée, commence à peine à être appréciée à sa juste valeur. Et s’agissant de « valeur », justement, les « cafés excitants » de Melanie Leeson sont souvent ceux qui rapportent le plus aux producteurs. « Nous payons à la base beaucoup plus cher pour ces grains spéciaux, ce qui profite aux familles qui les cultivent et les transforment. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Melanie Leeson et son collègue Tomas Zylak (torréfacteur en chef) font des tests de torréfaction.

Changer le monde un grain à la fois

Celle qui a toujours eu l’équité et la justice sociale à cœur a trouvé dans cette industrie une manière de changer le monde tout en s’amusant. Comme l’univers du vin artisanal, le café de spécialité a tendance à attirer les chercheurs de sens et d’authenticité. À la Société canadienne de torréfaction, Melanie Leeson côtoie des passionnés de café venant des horizons les plus divers, que ce soit l’informatique ou la boxe thaïlandaise !

Pour elle, ça a commencé tout simplement par un boulot de barista à temps partiel chez Transcend, à Edmonton. « Je ne buvais même pas de café avant de goûter à mon premier café “troisième vague” », révèle Melanie Leeson. Trois ans plus tard, elle gérait les trois cafés-boutiques de l’entreprise, après avoir tâté de la torréfaction et fait un voyage aux origines, au Honduras.

Prise d’un très vif intérêt pour le milieu, Melanie Leeson a ensuite traversé l’Atlantique (et la mer du Nord !) pour s’installer en Norvège, haut lieu du café de spécialité depuis une vingtaine d’années. Elle a aidé à mettre sur pied l’entreprise d’importation Collaborative Coffee Source et y a travaillé comme directrice du marketing et du développement pendant six ans. « Mon emploi de rêve m’est tombé dessus », déclare-t-elle.

En parallèle, l’éternelle curieuse a également réalisé une maîtrise en environnement et en développement durable à l’Université d’Oslo. Elle s’est intéressée à l’impact de l’industrie du café de spécialité sur l’économie du Burundi. « J’ai constaté que les travailleurs là-bas étaient fortement encouragés et motivés par l’intérêt que le reste du monde avait pour leur café. »

Aujourd’hui, le Burundi demeure une origine bien désirable, même s’il est affecté par une persistante maladie du caféier (potato defect ou PTD). « Et il reste encore beaucoup à faire pour que les salaires permettent aux employés des fermes et des stations de transformation du Burundi et de bien d’autres pays de nourrir leur famille », affirme Melanie Leeson.

Apprenez-en plus sur les variétés de café

Quelques cafés à découvrir

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Grains de café

Seuls les grains de la Myriade Roasting Co. ont été sélectionnés par Melanie Leeson, dans la liste de cafés qui suit. Mais toutes ces suggestions figurent parmi les cafés les plus « excitants » sur le marché en ce moment. Il y a une foule d’autres cafés à découvrir à la Société canadienne de torréfaction, qui est ouverte au public de 9 h 30 à 15 h 30 tous les jours, et chez les autres torréfacteurs québécois de cafés de spécialité.

Extra Extra de Traffic

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE TRAFFIC COFFEE

Extra Extra de Traffic

Ce café est un typica à 100 %, une des variétés les plus anciennes d’arabica (la plus fine des deux grandes familles de grains, l’autre étant la robusta). Le typica est aujourd’hui assez peu commun, parce qu’il est difficile à cultiver. Celui-ci vient de la Hacienda Sonora, au Costa Rica. Il a subi un « yellow honey process », traitement qui se situe entre les procédés « naturel » et « lavé » et consiste à laisser – pendant la transformation – un peu de mucilage (miel) autour du grain pour le fruité et la sucrosité.

Consultez le site de Traffic Coffee

Kenya Kii de Za & Klo

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE ZA & KLO

Kenya Kii de Za & Klo

Composé des variétés SL28 et SL34, très prisées chez les connaisseurs de cafés de spécialité, ce café a un profil kényan classique d’agrumes et de fruits rouges. Le ruiru a largement remplacé les plus délicats SL28 et SL34 pour des raisons de résistance aux maladies et de rendement, ces dernières années. Aussi est-ce réjouissant de trouver de pures « cuvées » de SL, ces variétés développées par Scott Laboratories il y a une centaine d’années.

Consultez le sit de Za & Klo

Chelbesa de Micro Espresso

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE MICRO ESPRESSO

Chelbesa de Micro Espresso

Ce « naturel » éthiopien de Yirgacheffe – le grain reste à l’intérieur de la cerise, qui fermente et sèche pendant trois à quatre semaines – présente des notes de pêche et de fleurs blanches. C’est un bel exemple d’un café issu de cette méthode sèche qui n’a pas de défauts de fermentation désagréables.

Consultez le site de Micro Espresso

Cabañas de Myriade Roasting Co.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE MYRIADE ROASTING CO.

Cabañas de Myriade Roasting Co.

Il est rare de trouver des cafés au procédé naturel au Honduras, mais un trio réputé de producteurs de La Paz a décidé de se lancer. En résulte une explosion de fruits, avec une dominante d’orange et d’abricot.

Consultez le site de Myriade Roasting Co.

San Agustín de Myriade Roasting Co.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE MYRIADE ROASTING CO.

San Agustín de Myriade Roasting Co.

Parce qu’il a un gros pamplemousse rose sur son étiquette, ce sac fait peur aux amateurs de cafés chocolatés et noisettés. Mais si on aime se faire des filtres bien éclatants et fruités, ce bourbon rose de Colombie est à essayer.

Consultez le site de Myriade Roasting Co. Consultez le site de la Société canadienne de torréfaction