À travers les bons coups et, parfois, les moins bons, nos critiques de restaurants vous racontent leur expérience, présentent l’équipe en salle et en cuisine, tout en expliquant ce qui a motivé le choix du restaurant. Cette semaine, Jaja, fin prêt à sortir de l’ombre de feu Pastaga.

Pourquoi en parler ?

Fin mai, Jaja soufflera sa première bougie. Mais l’établissement qui a succédé au Pastaga de Martin Juneau ne semble pas avoir tout à fait réussi à faire sa place au soleil dans le paysage occupé de la restauration montréalaise. Pourtant, ce n’est pas le talent en cuisine ni la qualité dans l’assiette qui font défaut, comme je l’ai constaté, plus tôt ce mois-ci.

Qui sont-ils ?

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Frédérique Duca, maître d’hôtel, en compagnie des propriétaires Francis Duval et Geneviève Beaudoin

Le parcours de Francis Duval et de Geneviève Beaudoin est solide. Les deux sont aux fourneaux, lui au salé, elle au sucré. L’histoire est mignonne : ils se sont rencontrés au Pastaga, alors qu’ils faisaient leurs premières armes en cuisine. Ils ont ensuite fait leur chemin, Francis notamment chez Butterblume et Hélicoptère ; Geneviève, chez Patrice Pâtisier et au Mousso.

Quand Martin Juneau et Louis-Philippe Breton ont mis fin à l’aventure du Pastaga, ils étaient fin prêts à piloter leur propre établissement, à prendre la relève. D’abord tout en douceur, au début de 2023, sans changer de nom, puis de façon plus officielle, en mai 2023, sous la nouvelle identité du Jaja. L’équipe est petite. En salle, leur précieuse acolyte, la maître d’hôtel Frédérique Duca, mène le bal avec aisance et professionnalisme.

Notre expérience

Mon passage au Jaja a été l’occasion de me questionner sur ce qui définit la coolitude montréalaise. J’ai visité très souvent des coqueluches du mois très achalandées, à l’ambiance certes dynamique, mais où le résultat dans l’assiette n’était pas toujours à la hauteur du hype (pardonnez l’anglicisme).

Mais il est rare que l’inverse m’arrive : une salle presque vide – je l’admets, cette froide soirée pluvieuse d’avril n’avait rien pour donner envie de sortir, mais quand même –, une ambiance plutôt à plat, mais une enfilade de petits plats tous aussi délicieux les uns que les autres et une excellence sélection pour s’abreuver.

Bref, il y a une part de mystère dans l’alchimie qui fait en sorte qu’un restaurant lève ou pas, dans un marché surchargé et volatil. Peut-être parce que la salle à manger est restée somme toute inchangée – de l’extérieur, un œil inattentif pourrait croire que le Pastaga y vit toujours. On le sait, le nouveau est attirant. Mais on peut comprendre que plutôt que d’investir dans une nouvelle déco, les nouveaux propriétaires ont préféré se concentrer sur ce qu’ils connaissent bien : la bouffe et le vin.

Et ça, ils le font très bien. Beaucoup trop pour ne pas être connus davantage.

Jaja applique une formule en vogue, soit celle des petits et moyens plats et vins nature. Mais les assiettes, mettant de l’avant les produits locaux et saisonniers, sont particulièrement élégantes et bien composées, et leur présentation, soignée. On sent le lien de parenté avec les anciens établissements où sont passés les cuisiniers, notamment avec l’Hélicoptère.

  • Le plat de calmars, concombre et chili est un classique de l’endroit.

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    Le plat de calmars, concombre et chili est un classique de l’endroit.

  • Pleurotes, burrata, peau de poulet : un trio gagnant !

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    Pleurotes, burrata, peau de poulet : un trio gagnant !

  • Une création particulièrement réussie que ces ris de veau avec topinambour et miel.

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    Une création particulièrement réussie que ces ris de veau avec topinambour et miel.

  • Le talent de la chef pâtissière ne fait aucun doute, comme en témoigne ce gâteau au fromage et à la pomme.

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    Le talent de la chef pâtissière ne fait aucun doute, comme en témoigne ce gâteau au fromage et à la pomme.

  • Au Jaja, petits plats et vins nature se marient.

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    Au Jaja, petits plats et vins nature se marient.

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À trois, nous avons écumé une bonne partie du menu d’une douzaine de plats. J’ai beaucoup aimé les pleurotes bien charnus, déposés sur une crème de burrata, dont le côté crémeux et terreux était équilibré par le craquant et salé de morceaux de peau de poulet frits. Quant à la mignonne gougère, très généreusement garnie de mousse de foie gras de volaille et de cerises, elle manquait de légèreté. Avec son penchant sucré, je l’aurais davantage prise en fin de repas qu’en apéro.

En deuxième service, on a aimé la dodue saucisse chipolata maison, tendre et juteuse, nappée de sa sauce charcutière et accompagnée de rapinis grillés. Réconfortant. Jolie, l’assiette mettant en vedette l’omble urbaine d’Opercule était bien équilibrée entre sa sauce crémeuse au beurre blanc, l’amertume des radicchios grillés et l’acidité des raisins rouges Somerset de chez Bourdelais.

Les ris de veau façon pop corn ont volé des cœurs, avec leur laquage au miel et leur déclinaison de topinambours : rôtis, en espuma et en chips, accompagnés de dés de poire, pour une pointe fruitée. Encore là, une belle harmonie en bouche.

Évidemment, il ne faut pas manquer les desserts ! L’étagé de gâteau au fromage, compote de pommes, pâte phyllo et chantilly au miel d’automne d’Anicet était ravissant et savoureux – seul hic, la pâte phyllo, difficile à casser, manquait de légèreté. Je lui ai préféré l’incroyable pannacotta avec son cake à l’huile d’olive, surmontée de clémentines et de meringue croquante, avec son petit côté marmelade, tout en fraîcheur et en gourmandise.

À boire

  • Le cocktail gin/gingembre/vert de miel

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    Le cocktail gin/gingembre/vert de miel

  • La carte est composée de vins naturels et d’artisans.

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    La carte est composée de vins naturels et d’artisans.

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Une courte sélection de cocktails invite à l’apéro. Pas d’esbroufe, mais des propositions simples et bien équilibrées, qui mettent à l’honneur des produits locaux, à l’exemple du menu. Ma coupette, où cohabitent le gin sauvage Cirka, du sirop de gingembre du Québec et le vermouth Vert de Miel de Desrochers, m’a ravie avec ses saveurs herbacées et son acidité. Parfait pour ouvrir l’appétit.

Passionnés de vin nature, Francis et Geneviève s’occupent de la sélection, assez courte, qui fait la place aux nouveaux arrivages et aux vins d’artisans. Les trouvailles sont nombreuses, réjouissantes. Notre choix, le Nu Rosé du Domaine Syfany, en République tchèque, était un délice absolu, tout en fruits, frais et avec une croquante acidité, mais avec juste assez de tenue pour bien se marier à nos petits plats.

Prix

Entre 17 $ et 23 $ pour les entrées froides, de 19 $ à 25 $ pour les plats chauds, environ 15 $ par dessert. Menu dégustation 4 services à 75 $ par personne. Les cocktails vont de 13 $ à 17 $ ; côté vin, quelques choix dans les 50 $ et plusieurs autour de 60 $-70 $.

Bon à savoir

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Jaja est situé sur le boulevard Saint-Laurent.

Jaja célébrera son 1er anniversaire le 28 mai, avec comme invité spécial le chef David Ollu, de l’Hélicoptère. On promet plusieurs surprises ! Les détails seront dévoilés sous peu.

Info

Du mardi au samedi, dès 17 h 30

6389, boulevard Saint-Laurent, Montréal

Consultez le site du Jaja