La sphère publique est aujourd’hui un lieu de pressions entre la privatisation de l’industrie de l’alcool et le maintien d’un modèle basé sur notre société d’État : la Société des alcools du Québec (SAQ). Si la voix de l’industrie de l’alcool taille sa place dans les médias, la santé, elle, est la grande oubliée. Miser sur les politiques en santé est un investissement économique.

Sans pour autant réprimer la consommation d’alcool, il est crucial de reconnaître que l’encadrement de cette substance psychoactive demeure essentiel pour assurer la santé et la sécurité de la population. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les coûts sociaux et de santé⁠1 associés à la consommation d’alcool étaient estimés à 3,24 milliards en 2020 au Québec. Ces coûts sont d’ailleurs sous-estimés, car ils excluent tous les coûts liés aux hospitalisations, opérations d’un jour, visites aux urgences et services ambulanciers.

La société d’État permet d’assurer un rôle que le privé ne pourra jamais assurer, celui de préserver la santé de la population.

Contrairement à un modèle basé entièrement sur la privatisation, les sociétés d’État permettent d’encadrer les ventes, tout en générant des revenus pour la collectivité. Selon les comptes publics de 2022-2023, la SAQ a enregistré un surplus de 1,43 milliard et la vente de boissons alcooliques a rapporté 635 millions en taxes. Cette source considérable de revenus pourrait être mise à profit pour pallier les coûts associés à la consommation d’alcool.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Les autrices soulignent que « 82 % des personnes consultées dans un sondage de l’ASPQ mené par Léger en novembre 2023 souhaitaient une augmentation de la prévention et des ressources de soutien liées à la consommation d’alcool ».

Financer la prévention

Dans ce contexte, la priorité ne serait-elle pas avant tout de repenser l’encadrement de l’alcool pour que l’État remplisse son rôle à son plein potentiel, notamment par l’entremise de la SAQ ? Au Québec, aucun financement n’est encore exclusivement destiné à la prévention, à la recherche, à la réduction des méfaits et au traitement liés à l’alcool. D’ailleurs, 82 % des personnes consultées dans un sondage de l’ASPQ mené par Léger⁠2 en novembre 2023 souhaitaient une augmentation de la prévention et des ressources de soutien liées à la consommation d’alcool.

En 2018, le Québec a fait preuve d’audace en instaurant une Loi encadrant le cannabis axée sur la santé et la sécurité de la population.

La mission de la Société québécoise du cannabis (SQDC), orientée sur la vente dans une perspective de protection de la santé, se démarque de celle de la SAQ, qui assure le commerce des boissons alcooliques.

Le Québec a l’occasion de repenser un modèle qui permettrait la cohabitation entre l’économie et la santé. Dotons-nous de politiques publiques en alcool qui placent la santé et la sécurité de la population québécoise au premier plan.

1. Utilisez l’outil CEMUSC (coûts et méfaits de l’usage de substances au Canada) 2. Consultez le rapport Perception de la consommation de drogues et d’alcool Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue