Le commerce de proximité à échelle humaine souffre. Énormément. La cascade d’annonces, ces derniers mois, de faillites ou de fermetures de petites et moyennes épiceries de quartier et autres commerces emblématiques est terrifiante pour le tissu commercial et les liens communautaires de nos villes et villages. Il ne s’agit de rien de moins qu’une catastrophe au ralenti pour les collectivités québécoises et leur population.

De Rouyn-Noranda à Forestville1 en passant par Ahuntsic2 et Saint-Sauveur, semaine après semaine, on voit s’éteindre de petits trésors de proximité.

Les causes sont multiples. La difficulté à trouver de la relève, l’accélération de l’achat en ligne depuis la pandémie, les problèmes de main-d’œuvre, l’inflation, les taux d’intérêt élevés, la concurrence des grandes surfaces sont autant de facteurs qui transforment de plus en plus de villes, villages et quartiers en déserts commerciaux.

Les conséquences de cette saignée sont profondes et se feront sentir pendant des décennies.

Du côté des budgets municipaux, l’attrition commerciale tend à effriter l’assiette fiscale, comme l’a démontré une étude réalisée pour l’Union des municipalités du Québec3. Cela amène une pression énorme sur l’impôt foncier résidentiel et le compte de taxes des citoyennes et citoyens.

La fermeture des commerces de proximité place de nombreuses personnes dans une situation de dépendance aggravée. Lorsqu’on ne peut pas ou plus conduire, les commerces de quartier sont souvent les seuls accessibles.

Alors qu’on souhaite favoriser un vieillissement actif, chez soi, dans sa communauté, la perte de commerces et services est une très mauvaise nouvelle qui pourrait nous coûter fort cher, puisqu’il faudra compenser d’une manière ou d’une autre – changement de lieu de vie, ou services à domicile ?

Moins de commerces à proximité, ce sont aussi des déplacements plus longs. En ville, s’ensuivent une plus grande dépendance à la voiture et un budget transport alourdi. Dans les milieux ruraux, une spirale de dévitalisation s’enclenche, chaque fermeture mettant à risque le tissu commercial restant. Partout, c’est plus de kilomètres, un bilan carbone aggravé, de l’énergie gaspillée.

Les commerces de proximité attirent de nouveaux habitants. Ils incitent les touristes à rester plus longtemps. Ils encouragent les entreprises à s’installer. Devant des façades placardées, ça prend une âme missionnaire pour s’investir dans un milieu de vie.

En faire une obsession

Le commerce de proximité souffre, et c’est nous qui en pâtirons si nous n’y mettons pas maintenant les efforts nécessaires.

Autant pour les gouvernements que pour les municipalités, soutenir le commerce de proximité doit devenir une obsession, dans toutes les politiques et lors de chaque décision.

On peut aider les commerces de proximité grâce à une fiscalité locale ajustée à cet objectif, comme le permettent les pouvoirs récemment alloués par le projet de loi 39. On peut aussi adopter un urbanisme commercial qui renforce les centralités et empêche la création de mégasurfaces commerciales aux abords du réseau routier. On peut également implanter des programmes de revitalisation, un soutien financier à l’animation, des politiques d’achat écoresponsable, des campagnes publicitaires, etc.

Le gouvernement a plusieurs fois promis 470 millions de dollars4 pour les cœurs de villes et de villages : voilà de quoi soutenir de nombreuses actions favorables au commerce de proximité ! Avec à peine 50 millions annoncés lors du dernier budget, on reste toutefois loin du compte.

Tout n’est pas perdu pour le commerce de proximité. Mais il ne faut plus se voiler la face. Malgré toute la bonne volonté du milieu, malgré le réel attachement de la population pour ses rues principales, les difficultés sont trop grandes. Ça ne se réglera pas tout seul.

Nous avons besoin du commerce de proximité, et c’est réciproque. Ça doit devenir une obsession collective de le soutenir. Il est là, notre projet de société identitaire, communautaire, rassembleur, sobre en carbone et rentable.

1. Lisez « Les commerces de proximité en voie d’extinction » 2. Lisez « Plus qu’une simple fermeture d’épicerie » 3. Lisez Économie numérique et changements démographiques : quel avenir pour l’impôt foncier ? 4. Lisez « Des organisations demandent à François Legault de tenir sa promesse d’investissement » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue