En adoptant la loi 23 en décembre, Québec a annoncé la création de l’« Institut national d’excellence en éducation » en 2024. D’apparence technique, l’Institut s’est pourtant retrouvé au cœur de polémiques enflammées. Comment assurer qu’il remplira bien sa mission, importante pour l’avenir de l’éducation ? Quels pièges éviter ? Le diable sera dans les détails, alors autant nous y intéresser.

La mission principale d’un tel institut est de produire des synthèses de la recherche sur des sujets clé pour la réussite scolaire (les devoirs, le suivi des apprentissages, les problèmes de comportement, etc.), en se basant sur des méthodes transparentes et établies, puis d’en tirer des guides pratiques pour soutenir les décisions des enseignantes, des directions scolaires et du politique. Bref, c’est un outil pour profiter de la recherche tout en évitant les modes ou les fausses bonnes idées.

L’idée ne sort pas de nulle part. On en discute au Québec depuis 2016 en s’inspirant de plusieurs États : la Finlande a créé le FINEEC en 2013, le Royaume-Uni, l’EEF en 2011 et l’Australie, l’AERO en 2021.

L’Ontario a l’EQAO depuis 1996 et l’« éducation basée sur les preuves » y a aidé à rehausser la réussite scolaire.

En 2022, la Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que le refus d’employer des approches soutenues par la recherche accroît l’inégalité et constitue un déni de droit. Les centres de service scolaires québécois ayant emprunté cette voie constatent une meilleure réussite et un recul de l’écart entre les élèves favorisés et défavorisés.

Quel Institut pour le Québec ?

Le Québec est-il en retard ? Soyons positifs et disons qu’on profitera de l’expérience des autres. Comment créer l’Institut dont nous avons besoin ?

La clé est de ne pas se disperser. Commençons par le début, avec un Institut apte à produire des synthèses méthodologiquement solides et des guides utiles. Il faut prioriser la création du comité scientifique, cœur véritable de tout organisme de ce genre.

Les bonnes pratiques internationales commandent trois priorités.

La première est que le comité scientifique reflète la diversité des approches en éducation – ce que la loi prescrit. Mais attention ! Pas un pluralisme de parade ou de compromis, juste pour apaiser ceux qui parlent fort. L’Institut doit privilégier le pluralisme que requiert la rigueur scientifique. Plusieurs documents, par exemple de l’UNESCO, détaillent les apports complémentaires des approches quantitatives et qualitatives aux politiques scolaires basées sur les preuves.

Seconde priorité : l’Institut doit se donner un cadre conceptuel et méthodologique clair et transparent sur les protocoles utilisés pour produire les synthèses. Le Québec ne manque pas de chercheurs compétents sur les pratiques d’excellence, la mobilisation des connaissances généralisables sur la réussite ou la recherche documentaire systématique, aptes à contribuer. L’Institut aidera aussi à utiliser la recherche francophone.

Enfin, il faut prévoir des comités permanents, qui creuseront certains enjeux et assureront le dialogue avec le terrain. L’Australian Education Research Organization a un comité dédié au lien avec le milieu scolaire, composé d’éducateurs et de directions. Il faudra aussi un comité sur l’accréditation des formations continues, car la loi prévoit sur ce point un régime qui rapprochera le corps enseignant des autres professions règlementées.

Tout écartillé : éviter la dispersion

Pourquoi faut-il prioriser ? Parce que le contexte fourmille de distractions. Par exemple, la loi demande à l’Institut de « formuler un avis » sur la formation initiale enseignante. Mais ne croyons pas pour autant qu’il doive reproduire la lourde structure du défunt Comité d’agrément (CAPFE). Cela nous ramènerait à une formule qui n’a pas livré ses fruits et divertirait des ressources précieuses. Aussi, la loi demande à l’Institut de produire l’avis sur « l’état et les besoins de l’éducation » que rédigeait depuis 1964 le Conseil supérieur de l’éducation. Mais cette tâche est exigeante et son caractère politique jure avec le mandat principal sur les données probantes. On risque de dénaturer le jeune Institut et d’en faire un animal à cinq pattes. Si on ne veut pas surseoir à cette demande, je suggère qu’on l’étale dans le temps, histoire de bien faire les choses.

Au moins, il y a un problème qui ne se pose pas. L’Ontario et la Finlande demandent à leurs organismes de données probantes d’évaluer les écoles. Le Québec ne s’aventure pas de ce côté.

Soyons clairs : l’Institut ne réglera pas tout. Mais des politiques basées sur les meilleures preuves réduisent les inégalités devant l’école et le Québec a du chemin à faire. Après un automne acrimonieux, un Institut bien fait, sans mauvaise surprise, ferait aussi un petit pas pour restaurer la confiance.

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