À toi qui es devenue maman dans les derniers jours ou les derniers mois, j’ai envie de te raconter une histoire. C’est la mienne, mais elle résonnera peut-être avec toi.

Cette histoire, c’est celle d’une femme qui est devenue une mère, sans savoir ce que cela impliquerait pour son droit à l’indépendance et à la liberté. C’est l’histoire d’une maman qui, quelques mois à peine après avoir donné la vie, s’est mise à angoisser à l’idée de ne pas trouver de place en garderie pour son enfant. Et donc de ne pas retrouver sa place au travail.

Cette histoire, tu l’entends peut-être en boucle depuis trois ans déjà : aux nouvelles, de la bouche de tes amies, sur les réseaux sociaux… C’est l’histoire que je répète partout depuis trois ans et qui fait écho à celles des milliers d’autres femmes qui, comme moi, ont décidé de prendre la parole dans l’espace public.

Cette histoire d’une femme qui perd sa place, nous la répétons sans relâche. Nos bébés dans les bras, nous dénonçons ce qui n’a aucun sens : notre obligation de rester à la maison.

Il y a presque exactement trois ans fut donné le coup d’envoi médiatique d’un mouvement féministe national qui a soudé une génération de mères québécoises. La génération dont tu fais maintenant partie. Trois ans de lutte, ça doit te paraître long et épuisant. Je te confirme que ce l’est.

Devant le refus du gouvernement caquiste de compléter le réseau des garderies, je te comprends d’être découragée. Devant l’immobilisme de glace du monde politique face au recul des droits des femmes, je te comprends d’être terrifiée. Je l’étais aussi à l’époque où j’ai lancé le mouvement #maplaceautravail.

Après le dépôt du dernier budget provincial, je suis tout aussi inquiète et en colère de voir que nos actions trouvent si peu d’échos.

Or, c’est tout de même un message d’espoir, d’amour et de courage que j’ai envie de te transmettre aujourd’hui avec ce récit qui est, avant tout, une histoire de solidarité entre mères. Des mères qui sont devenues des sœurs de lutte.

Une force insoupçonnée

Il y a trois ans, tu sais, j’étais loin de me douter de l’ampleur de ma force et de ma résilience.

Je ne pouvais concevoir que j’avais en moi le courage de militer et de bercer dans un même geste. Je pouvais encore moins imaginer que je militerais aussi longtemps et aussi fort, mon bébé Jules dans les bras. J’ai appris depuis qu’il ne fallait jamais sous-estimer l’amour d’une mère et la colère d’une femme à qui on retire des droits fondamentaux.

Si tu lis ce texte avec ton petit dans les bras, en pantalon mou et les cheveux en broussaille, tu te dis peut-être que tu n’as pas l’étoffe d’une guerrière ou qu’on ne te prendrait pas au sérieux. Or, tu n’as rien à envier aux ministres de ce monde.

Ceux-ci ont justement commis l’erreur de nous sous-estimer. Ils ont sous-estimé le pouvoir des liens qui nous unissent. Ensemble, nous sommes partout.

Bien que souvent invisibles et presque toujours fatiguées, nous sommes portées par une force qui nous transcende. Une force qui n’a ni limites ni frontières : celle de l’amour.

Aujourd’hui, je voulais simplement m’adresser à toi, la mère qui est avant tout une femme. Je tiens à te dire que la place est tienne, même si on te l’a enlevée.

Tu as ta place et tu la reprendras parce que c’est ce qui est juste.

Si le combat t’épuise, permets-toi de mettre un genou par terre le temps de reprendre des forces. Nous serons là pour t’aider à te relever, tant qu’il le faudra.

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