Nous, médecins du Québec, nous sentons grandement interpellés par la situation humanitaire catastrophique qui empire de jour en jour à Gaza.

158 jours de dévastation. 31 272 tués et 73 024 blessés. 1,5 million de réfugiés. Ces chiffres sont une estimation minimale et ne tiennent pas compte des milliers de disparus.

Le réseau de la santé a été anéanti et les infrastructures détruites dans tout le territoire. En date du 13 mars 2024, l’Organisation des Nations unies (ONU) a recensé 804 attaques contre des établissements de santé, dont 666 ont touché le personnel et 566 ont touché les patients. Au moins 364 travailleurs et travailleuses de la santé ont été tués.

Garder le silence devant l’ampleur de cette souffrance nous apparaît contraire à notre rôle de médecin et une abdication de notre humanité commune.

En appui à nos collègues médecins et professionnels de la santé à Gaza qui continuent à sauver des vies dans des conditions inhumaines et dans la lignée de l’Organisation mondiale de la santé, Médecins sans frontières, Médecins du Monde et la Société canadienne de pédiatrie, nous demandons à nos associations médicales de réclamer un cessez-le-feu permanent, un accès à de l’eau potable, un libre passage à l’acheminement de nourriture et de l’aide humanitaire, et la libération des otages de part et d’autre.

Selon l’ONU et de nombreuses autres organisations internationales, le droit international est complètement mis à mal à Gaza1. L’armée israélienne bafoue à répétition son devoir de protection de la population civile, et les enfants et les mères en sont les plus grandes victimes. 70% des décès sont des femmes et des enfants et 90% des bébés et des femmes enceintes ou qui allaitent souffrent de pauvreté alimentaire. En novembre, on parlait de cadavres de bébés retrouvés dans les décombres des soins intensifs pédiatriques de l’hôpital Al-Nasr, qui avait été évacué d’urgence suite à une attaque. Aujourd’hui, un enfant sur 6 est malnutri et on décrit des bébés morts de faim. L’UNICEF prévient que les milliers de bébés qui naîtront dans les prochaines semaines risquent de mourir : environ 5500 mères enceintes accouchent chaque mois à Gaza, mais elles n’ont aucun suivi de grossesse ni lieu sécuritaire où accoucher, en raison des bombardements.

D’autres bribes d’histoires d’horreur nous parviennent à travers les quelques sources d’informations provenant de Gaza. Des amputations traumatiques chez des enfants d’à peine un an. Des milliers de chirurgies sans anesthésie. Plus d’une centaine de civils tués pendant qu’ils attendaient une livraison de nourriture dans ce que de nombreux observateurs ont qualifié de «massacre de la farine»2. Des attaques ciblant les établissements de santé et les véhicules de Médecins sans frontières. Des hôpitaux sans électricité remplis de gens malades et mourants, faute de personnel et d’équipements.

La Cour internationale de justice, instruite par l’Afrique du Sud, a jugé « plausible» que certains droits des Palestiniens de Gaza ne soient pas respectés, dont celui « d’être protégés contre les actes de génocide »3. Devant une insécurité alimentaire affectant maintenant l’entièreté de la population à Gaza (2,2 millions de personnes), un niveau de famine catastrophique touchant 200 000 personnes et des camions d’approvisionnement qui se massent à la frontière, empêchés de pénétrer pour ravitailler la population, il est urgent que le corps médical se mobilise et honore le serment d’Hippocrate.

Nous, médecins signataires, demandons une prise de position immédiate de la part du Collège des médecins du Québec, de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et du Collège québécois des médecins de famille, sur les enjeux suivants :

  • Un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent
  • Un accès immédiat à l’eau potable
  • Un libre passage à l’acheminement de nourriture et d’aide humanitaire
  • Une fin au blocus illégal, qui empêche l’entrée de fournitures médicales, médicaments et équipements de soins
  • La libération sécuritaire de tous les otages de part et d’autre

Ayons le courage et l’humanité de défendre la vie, la santé et la dignité des victimes de Gaza, avant qu’il ne soit trop tard.

*Consultez la liste des signataires 1. Consultez un communiqué du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (en anglais) 2. Consultez un communiqué du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (en anglais) 3. Consultez l’article « Le jugement de la Cour internationale de justice sur Gaza et Israël décortiqué en cinq questions» du Devoir Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue