Les soldats israéliens se sont retirés lundi du complexe hospitalier d’al-Chifa à Gaza après deux semaines d’opérations, laissant derrière eux d’immenses destructions et des cadavres selon un médecin du plus grand hôpital du territoire palestinien meurtri par près de six mois de guerre.

Alors que le conflit entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et Israël continue de faire rage, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé la mort d’au moins 60 personnes, en majorité des civils, dans les bombardements nocturnes israéliens sur la petite bande de terre palestinienne menacée de famine.

La guerre a aussi exacerbé les tensions dans la région. Onze personnes, dont sept Gardiens de la révolution – l’armée idéologique de l’Iran – ont été tuées lundi dans un raid imputé à Israël contre la section consulaire de l’ambassade iranienne à Damas.

Interrogé lundi soir lors sur ces frappes, le porte-parole de l’armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré : « Je ne commente pas les informations de la presse étrangère ».

Téhéran a promis « une réponse décisive ». « Ce crime ne passera pas sans que l’ennemi soit puni », a averti pour sa part le Hezbollah, mouvement chiite libanais allié de la Syrie, de l’Iran et du Hamas palestinien.

En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui a été opéré dimanche soir « avec succès » d’une hernie, devrait sortir mardi de l’hôpital, a annoncé son bureau.  

Lundi soir, une nouvelle manifestation réclamant sa démission et la libération des otages israéliens retenus à Gaza a rassemblé des milliers de manifestants à Jérusalem.

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Manifestation à Jérusalem

Bâtiments détruits, calcinés ou aplatis, rues jonchées de décombres et gros monticules de sable : des images de l’AFP montrent un paysage de dévastation dans le complexe hospitalier d’al-Chifa à Gaza (Nord) pris d’assaut le 18 mars par l’armée après avoir accusé le Hamas, qui dément, de s’en servir comme centre de commandement.  

Lundi, l’armée a annoncé la fin de ses opérations à al-Chifa lors desquelles elle a affirmé avoir tué plus de 200 « terroristes » et trouvé de nombreuses armes.

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Des Palestiniens inspectent les dégâts causés à l’hôpital d’al-Chifa après le retrait des forces israéliennes, le 1er avril dans la ville de Gaza.

« Nous avons tué plus de 200 terroristes et arrêté plus de 900 personnes suspectées d’actes terroristes qui se sont rendues. Parmi elles, plus de 500 membres du Hamas ou du Djihad islamique, dont certaines haut placées », a déclaré le porte-parole de l’armée israélienne.

« Il n’y avait que 300 patients et membres du personnel médical. Nos forces ont pris toutes les précautions nécessaires pour ne blesser ni malade, ni membre du personnel, ni civil dans le complexe hospitalier pendant l’opération et les ont évacués en toute sécurité », a-t-il ajouté.

300 morts à al-Chifa

Un porte-parole de l’agence de défense civile de Gaza, dirigée par le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, a fait état de 300 morts à l’intérieur et autour de l’hôpital durant l’opération israélienne.

Des médecins et civils présents dans le complexe ont déclaré à l’AFP qu’au moins 20 corps avaient été retrouvés, dont certains semblaient s’être fait rouler dessus par des véhicules militaires.

Plusieurs corps ont été retrouvés près de l’entrée ouest du complexe, utilisée par l’armée au moment de son retrait lundi, d’après les mêmes sources. Un correspondant de l’AFP a vu près de l’entrée un corps décomposé portant des traces de pneus, mais sans pouvoir dire datant de quand.

« Les chars sont passés sur des corps », a dit un témoin qui a préféré taire son nom.

Interrogée par l’AFP, l’armée n’a pas commenté dans l’immédiat.

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Deux femmes pleurent devant l’hôpital d’al-Chifa après le retrait des forces israéliennes, le 1er avril dans la ville de Gaza.

Alliés historiques d’Israël, les États-Unis ont annoncé lundi leur intention de demander « plus d’informations » au gouvernement israélien sur le sujet, jugeant que les faits rapportés, s’ils sont « vrais », étaient « très préoccupants ».

Les troupes israéliennes poursuivent en outre des opérations dans les secteurs des hôpitaux de Nasser et al-Amal à Khan Younès dans le sud, selon le Hamas.

Offensive à Rafah

Les responsables israéliens ont échangé avec leurs homologues américains à distance lundi et ont « accepté de prendre en compte » les préoccupations américaines au sujet de l’offensive prévue par Israël sur Rafah, dans le sud de Gaza, a fait savoir la Maison-Blanche.

La situation de cette ville du sud de la bande de Gaza, où s’entassent 1,5 million de Palestiniens, pour l’essentiel des déplacés, devait déjà faire l’objet d’une réunion en personne à Washington, mais Israël avait annulé l’envoi de sa délégation il y a une semaine.

Durant deux heures d’un échange vidéo « constructif », les États-Unis ont « exprimé leurs inquiétudes sur plusieurs plans d’action à Rafah », selon un communiqué de l’exécutif américain.

« La partie israélienne a donné son accord pour prendre en compte ces inquiétudes et tenir de prochaines discussions entre experts », a ajouté la Maison-Blanche.

Une rencontre « en personne » pourrait avoir lieu « dès la semaine prochaine », a-t-elle précisé.

Côté américain, Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, et Antony Blinken, son chef de la diplomatie, ont participé à la réunion.

Israël était représenté par le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et le conseiller à la sécurité nationale Tzahi Hanegbi, selon la Maison-Blanche.

L’annonce par Israël d’une offensive prochaine à Rafah a suscité beaucoup d’inquiétudes au sein de la communauté internationale, alors que la bande de Gaza, menacée de famine, subit déjà une catastrophe humanitaire.

Le but de la réunion était de « comprendre quels sont leurs plans pour tout type d’opération à Rafah, de comprendre comment ils vont se déplacer ou mener des opérations avec une population très dense, plus d’un million de personnes », avait déclaré plus tôt à la presse une porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh.

Israël avait décidé de ne pas envoyer comme prévu une délégation à Washington au sujet de Rafah, après l’abstention des États-Unis à l’ONU le 25 mars, qui a permis l’adoption pour la première fois d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant un « cessez-le-feu » immédiat dans la bande de Gaza, après près de six mois de guerre.

Les États-Unis, principal soutien militaire d’Israël, s’opposent à toute offensive terrestre de grande ampleur à Rafah.

Le 7 octobre, des commandos du Hamas infiltrés de Gaza ont mené une attaque dans le sud d’Israël qui a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes, essentiellement des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles. D’après Israël, environ 250 personnes ont également été enlevées et 130 d’entre elles sont toujours otages dont 34 sont mortes, à Gaza.

Israël a juré de détruire le Hamas, considéré comme un groupe terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, et son armée a lancé une campagne de bombardements aériens intenses sur Gaza, suivie 20 jours plus tard d’une offensive terrestre qui a permis à ses soldats de progresser du nord au sud de la petite bande de terre.

La sœur de Haniyeh arrêtée en Israël

Les opérations israéliennes ont tué 32 845 personnes, la plupart des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza et provoqué une catastrophe humanitaire et des destructions colossales.

L’armée israélienne a annoncé que 600 soldats avaient été tués depuis le 7 octobre, dont 256 dans l’offensive terrestre.

Près de six mois après le début du conflit, la police israélienne a annoncé avoir arrêté Sabah Abdel Salam Haniyeh, la sœur du chef du Hamas âgée de 57 ans et qui a la nationalité israélienne, dans sa maison à Tel-Sheva, dans le sud d’Israël où elle vit. Elle est notamment « soupçonnée d’incitation à commettre des actes de terrorisme en Israël ».

Son frère, Ismaïl Haniyeh, est basé au Qatar.

C’est au Qatar et en Égypte où ont eu lieu ces derniers mois des discussions indirectes entre Israël et le Hamas via les médiateurs internationaux – Égypte, Qatar, États-Unis – en vue de conclure un accord de trêve associée à une libération d’otages.

Mais cet accord est loin, les deux protagonistes s’accusant mutuellement de le bloquer.  

Et ce malgré les appels pressants à un cessez-le-feu des organisations internationales, alertant sur un risque de famine pour la majorité des 2,4 millions d’habitants de Gaza, soumise par Israël à un siège depuis le 9 octobre et à un blocus total depuis 2007.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Un navire de l’ONG Open Arms transportant de l’aide alimentaire attend l’autorisation d’accoster à Gaza, le 1er avril.

Un deuxième bateau venant de Chypre et transportant de l’aide humanitaire a été vu au large de Gaza, selon le site Vesselfinder.com, alors que les aides entrent au compte-gouttes dans le territoire.