Ce n’est pas d’hier que les transporteurs maritimes, les armées occidentales et celles du Moyen-Orient s’inquiètent des attaques des houthis sur le transport maritime dans les points de passage névralgiques de la région.

Déjà, à l’été 2018, l’Arabie saoudite avait suspendu ses exportations de pétrole à travers la mer Rouge après que ses pétroliers eurent subi des attaques de milices houthies.

Depuis leur prise de contrôle d’une partie du Yémen en 2014, les houthis représentent une réelle menace au transport pétrolier et gazier à partir de cette région si importante en matière d’énergie qu’est le Moyen-Orient.

Le Yémen, situé aux abords du détroit nommé Bab el-Mandeb (« la porte des lamentations »), est un passage stratégique entre l’Érythrée, Djibouti d’un côté et le Yémen de l’autre, reliant le canal de Suez au golfe d’Aden pour aboutir dans l’océan Indien.

Un passage essentiel

Environ 12 % du pétrole acheminé en mer et 8 % des livraisons mondiales de gaz naturel liquéfié y transitent, dans une bande étroite d’environ 30 km.

Sans l’accès à ce détroit, la circulation des navires doit se faire par des routes bien plus longues, dont le cap de Bonne-Espérance, ajoutant plusieurs jours au transport, ce qui signifie des coûts plus élevés. Une telle éventualité n’augure rien de bon en vue d’atténuer une inflation que les autorités monétaires s’efforcent ardemment de juguler depuis deux ans.

PHOTO ROSLAN RAHMAN, ARCHIVE AGENCE FRANCE-PRESSE

Un navire passe près des côtes de Singapour en direction du détroit de Malacca, passage clé du transit des hydrocarbures vers la Chine.

À la suite des actes du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, et de la réplique israélienne, les houthis, en conflit avec l’Arabie saoudite et proches alliés de l’Iran, ont multiplié les attaques contre des navires circulant dans le détroit, visant, disent-ils, les transporteurs ayant des liens avec l’État hébreu.

Ces évènements rappellent grandement les années 1970 et 1980. Considérant le pétrole comme trop important pour leur économie, les Américains ont envoyé des troupes dans la région pour y assurer la libre circulation du pétrole dans les voies maritimes et contenir l’influence de Moscou. Ces troupes y sont toujours, donc depuis plus de 50 ans.

La Chine entre en jeu

En 2024, il y a une nouvelle donne : la Chine. Tout comme les États-Unis, Pékin s’est construit avec le temps une importante force navale, rivale des États-Unis. Elle aussi a pour mandat d’assurer la libre circulation des navires, notamment des pétroliers, principalement dans le détroit de Malacca (entre l’Indonésie et la Malaisie), un passage clé du transit des hydrocarbures vers la Chine.

Si bien que dans le présent conflit opposant houthis et des pays occidentaux, la Chine doit jongler avec des intérêts contradictoires. Pékin s’est rangé du côté palestinien dans le conflit actuel au Proche-Orient et les houthis prétendent agir en soutien à leur cause.

Mais, en même temps, les intérêts économiques de la Chine vont indubitablement dans le sens de la sécurité des routes maritimes, qui sont au cœur du fonctionnement d’une économie mondiale dont elle est un membre actif.

Depuis 2016, la Chine a une base militaire à Djibouti, sa première à l’étranger, entre autres pour protéger ce détroit de Bab el-Manded.

Au surplus, en bonne partie en raison de sa dépendance énergétique, le pays avait, début 2023, agi avec panache pour forcer un rapprochement entre les deux grands producteurs fossiles de la région, l’Arabie saoudite et l’Iran.

Ses importations de pétrole ont plus que doublé depuis une dizaine d’années et la Chine a besoin de la stabilité de ces pays producteurs disposant de grands gisements d’hydrocarbures.

Malgré sa rhétorique depuis quelque temps, plus frontale contre Washington, Pékin souhaite probablement, mais discrètement, que les Américains et ses alliés réduisent l’intensité des escarmouches déclenchées par les houthis, et ses effets potentiellement délétères pour sa sécurité d’approvisionnement en énergie.

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