Ce matin du lundi 6 novembre, j’ai pris le bus et me suis rendue sur la ligne de piquetage devant l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Pourquoi cet hôpital en particulier ? Parce que mon conjoint et moi y avons été traités (et fort bien traités !) à plusieurs occasions. HMR est LE gros hôpital de l’est de Montréal. Un mammouth où se dévouent des milliers de travailleuses et de travailleurs dans des locaux souvent vétustes et inadaptés.

Sur mon chemin, plusieurs groupes manifestaient énergiquement devant des écoles primaires et secondaires. J’ai noté que de nombreux automobilistes et camionneurs klaxonnaient avec bonne humeur. Devant l’hôpital, elles étaient au moins 200. Oui, il y avait aussi des travailleurs, mais franchement, on parle ici de très nombreuses femmes mobilisées devant un gouvernement qui, pour l’instant, ne cède rien.

Je souhaitais surtout écouter ces femmes et ces hommes. Je leur ai demandé de me raconter leur quotidien.

J’ai insisté : « Dites-moi pourquoi vous, personnellement, vous piquetez sur le trottoir ce matin ! » Les réponses n’ont pas tardé. Une travailleuse sociale lance : « Parce que c’est injuste ! Je travaille fort. Le gouvernement ne veut même pas m’aider à affronter l’inflation ! Mais surtout, je n’en peux plus d’être obligée de limiter les services que j’offre aux gens mal pris, simplement par manque de personnel. Il ne comprend pas ça, le gouvernement ? Des salaires trop bas, des travailleuses qui quittent le réseau, des services insuffisants. J’en pleure parfois ! »

Puis, une femme me prend à part. Elle me dit : « Comprenez-vous ça, madame David, quand c’était la pandémie, le gouvernement nous appelait ses anges gardiens. Moi, je quittais la maison à 6 h du matin pour faire ma journée à l’hôpital pendant que la majorité des gens pouvaient travailler de chez eux. Je les enviais, mais j’ai fait le travail. Parce que c’est mon travail ! Ce que je demande maintenant, c’est un meilleur salaire et des conditions de travail qui tiennent la route. Surtout : du respect ! »

Un ouvrier de métier ajoute : « Moi, j’ai de bonnes conditions de travail, mais le salaire ne suit pas. Un jeune qui commence à travailler dans l’industrie de la construction est mieux payé que moi avec toute mon expérience. Si je ne faisais pas de temps supplémentaire, je n’arriverais pas. D’ailleurs, plusieurs collègues partent, ils voient bien qu’ailleurs, dans le privé, ils sont mieux payés. Ça n’est pas normal ! »

Une technicienne qui travaille dans un service de diagnostics d’imagerie numérique me parle longuement de son travail. Elle est surchargée. Les heures supplémentaires sont courantes. Elle a commencé à s’impliquer syndicalement parce qu’elle voyait des collègues quitter le secteur public et courir dans des agences. Pas seulement à cause des salaires insuffisants. Surtout parce que les conditions de travail y sont meilleures. Elle se demande combien de temps encore elle va pouvoir rester dans le secteur public sans y perdre sa santé.

J’écoute ces femmes et ces hommes et je ne peux m’empêcher de penser que le gouvernement Legault rate une belle occasion de démontrer son soutien à des services publics qui vont mal, trop mal. Non pas parce que les personnes qui y travaillent ne mettent pas les efforts nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches. Non ! Des milliers de travailleuses réclament qu’on leur donne les moyens de bien le faire, leur travail ! Elles aiment leurs patients. Elles adorent nos enfants. Elles veulent soutenir adéquatement les aînés. Et bien sûr, elles réclament un salaire qui leur permet de faire face à la hausse brutale du coût de la vie. Une hausse dont on ne voit pas la fin.

Quitte à me faire répondre que je ne comprends rien à l’économie (je souris, ici), je plaide que si l’État québécois a les moyens de subventionner l’entreprise Northvolt à hauteur de 7 milliards et de baisser les impôts de tous, y compris des plus riches, ce même État a les moyens de payer correctement son personnel.

Ou alors, c’est le gouvernement Legault qui n’entend rien aux bénéfices sociaux et économiques qu’apportent des services publics performants dans toutes les régions. Il ne souscrit pas non plus à une conception féministe de l’économie. Une vision qui reconnaît l’immense travail accompli par les femmes du Québec. Je ne parle pas ici de l’éternelle tape dans le dos. Je parle de salaires et de conditions de travail.

Je sais, il ne sera pas facile de faire face aux inconvénients d’autres journées de grève. Bien des grands-parents seront mobilisés comme animateurs et animatrices d’enfants. J’en ferai partie ! Mais si on se disait ceci : « S’il faut que ces centaines de milliers de femmes et d’hommes se mobilisent ainsi pour qu’un gouvernement entende raison, eh bien, appuyons-les ! »

Parce que c’est vrai que c’est injuste. Le Québec d’aujourd’hui et de demain n’est pas seulement celui des barrages, des routes, des lignes électriques, des batteries. Il est aussi et peut-être surtout celui du bien-être de la population et du respect dû à celles et ceux qui travaillent sans relâche à nous rendre la vie meilleure.

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