En pleine crise de l’itinérance et des opioïdes, les auteurs de cette lettre sollicitent le soutien des citoyens de l’arrondissement du Sud-Ouest, de l’administration municipale montréalaise et du gouvernement du Québec en vue de l’ouverture prochaine du nouveau refuge de la Maison Benoît Labre.

En tant que médecins engagés dans notre communauté, mais aussi pour plusieurs en tant que parents et résidents du quartier, nous souhaitons attirer votre attention sur un enjeu crucial qui touche l’arrondissement du Sud-Ouest : la crise croissante des surdoses d’opioïdes et le problème persistant de l’itinérance. Nous croyons fermement que le nouveau refuge de la Maison Benoît Labre qui inclut une panoplie de services, dont deux cubicules de consommation supervisée, est une réponse nécessaire et éclairée à ces défis complexes. Nous souhaitons partager notre soutien à cette initiative indispensable.

Le Canada est actuellement aux prises avec deux crises, une crise des surdoses d’opioïdes et une crise de l’itinérance. Ces deux vagues s’entrechoquent maintenant dans notre quartier, après s’être intensifiées pendant la pandémie. Les statistiques troublantes de l’INSPQ révèlent que, chaque jour au Québec, plus d’une personne décède d’une surdose1. De plus, les enjeux de dépendance constituent la deuxième raison de la perte de logement2. Il faut créer un lieu sécuritaire et inclusif pour les personnes aux prises avec des dépendances que nous côtoyons au quotidien.

Le refuge de la Maison Benoit-Labre est le résultat de la mobilisation des acteurs locaux qui ont pris le temps de réfléchir, de discuter et de planifier ce projet depuis plusieurs années, en concertation avec la communauté. Il comprendra un centre de jour, des logements supervisés, des services alimentaires, des services de santé et un petit espace réservé à la consommation supervisée. Cette approche holistique offre un accompagnement psychosocial complet. Un comité de bon voisinage est également prévu. Tout y est pour que ça fonctionne bien !

C’est important d’insister : le refuge vise à prendre soin de personnes avec des dépendances qui sont déjà présentes dans le quartier. L’ouverture d’un service de consommation supervisée leur permettra de consommer dans un endroit sécuritaire et supervisé, plutôt que dans l’espace public. De l’enseignement et de la sensibilisation y seront faits, puis si une personne recherche de l’aide pour aborder ses enjeux de dépendance, elle pourra être accompagnée dans ses démarches. De cette façon, toute la communauté va en bénéficier.

Nous reconnaissons les inquiétudes légitimes de certains membres de notre communauté concernant l’implantation d’un refuge où certains usagers pourront consommer sur place. Or, ces inquiétudes ont été anticipées par la Maison Benoit-Labre : des mesures en collaboration avec le SPVM, nos services de santé et plusieurs autres partenaires communautaires ont été prévues pour assurer la sécurité de toutes et tous. Par exemple, on y a même prévu une brigade propreté supervisée avec un projet de réinsertion sociale afin d’assurer la propreté du parc adjacent à la Maison. Aussi, même si la proximité de ce nouveau centre avec une école peut créer des inquiétudes, il est important de comprendre que les problèmes d’itinérance et de toxicomanie sont déjà présents dans les rues du quartier. Nous y sommes déjà tous exposés. Une fois en place, ce centre permettra de les diminuer parce qu’il sera présent là où la problématique existe déjà.

Des données probantes soutiennent indéniablement ce type de projet. Les services de consommation supervisée améliorent la sécurité publique en réduisant la consommation de substances en public et n’entraînent pas d’augmentation de la criminalité. Ils réduisent également les décès par surdose en offrant un environnement sûr et une intervention immédiate en cas de surdose. Enfin, ces services contribuent à la réduction de la transmission des infections, facilitent l’accès aux soins de santé et aux traitements pour les personnes aux prises avec des dépendances.

Nous appelons chaleureusement la communauté à soutenir la Maison Benoît Labre. En encourageant la compréhension, la compassion et la solidarité envers nos voisins aux prises avec des dépendances, nous pouvons envisager les avantages à long terme d’une cohabitation harmonieuse.

Ensemble, bâtissons un quartier plus sûr, plus sain et plus inclusif pour toutes et tous.

Cosignataires : DSimon Gingras-Palardy (médecine familiale, Montréal), Dre Julie Bruneau (médecine familiale et médecine des toxicomanies, Montréal), Dre Wahiba Ramtani (médecine familiale, Montréal), Dre Chantal Proulx (médecine familiale, Montréal), Dre Stéphanie Marsan (médecine familiale, Montréal), Dre Christelle Lam (médecine familiale, La Prairie), Dre Isabelle Leblanc (médecine familiale, Montréal), Dre Marie-Louise Daigneault (médecine familiale, Montréal), Dre Isabelle Panneton (médecine familiale, Montréal), Dre Marie-Ève Turgeon (médecine familiale, Montréal). Ainsi que plus de 50 autres médecins qui pratiquent pour l’essentiel la médecine familiale.

1. Lisez le rapport de l’INSPQ 2. Lisez l’article « L’itinérance a bondi de 44 % en cinq ans au Québec » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue