Les coûts de la transition énergétique font peur.

Les Québécois voient Hydro-Québec planifier des investissements qui pourraient atteindre 175 milliards – quand même ! – en se disant qu’ils vont écoper d’une sacrée facture au bout du compte.

« Qui va payer pour ça ? C’est-tu les entreprises ? C’est-tu les commerces ? C’est-tu le résidentiel ? C’est-tu le gouvernement ? C’est-tu Hydro-Québec ? », s’est demandé tout haut jeudi dernier le ministre Pierre Fitzgibbon en dévoilant son projet de loi sur l’énergie.

Le ministre a même annoncé la création d’un fonds spécial pour aider les particuliers à encaisser les hausses de tarifs d’électricité.

On a un peu l’impression qu’un état de compte d’Hydro-Québec a été attaché à une épée de Damoclès qui pend au-dessus de nos têtes. Et on se demande quand, et sur qui, elle s’abattra.

Mais desserrez les dents et respirez par le nez, citoyens. Car j’ai une nouvelle aussi surprenante que réjouissante pour vous : loin de vous ruiner, la transition énergétique mettra des sous dans vos poches.

Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Conseil canadien de l’électricité dans un costaud rapport sur l’avenir de l’électricité au Canada dévoilé lundi1.

Quoi ? Des investissements historiques dans les infrastructures électriques nous feraient économiser ? Vous n’êtes pas seuls à froncer les sourcils. Les chercheurs qui ont fait l’analyse se sont eux-mêmes demandé un moment s’ils n’avaient pas appuyé sur le mauvais bouton de leur calculatrice.

« C’est très contre-intuitif, admet Philippe Dunsky, analyste en énergie et président du Conseil canadien de l’électricité. Mais malgré beaucoup de scepticisme au départ au sein du Conseil, nous sommes arrivés à la conclusion que la transition peut être très bénéfique pour les consommateurs. »

Comment ça se peut ? Suivez-moi.

La transition énergétique aura quatre effets sur votre portefeuille.

1) Elle fera grimper les tarifs d’électricité, parce que les nouveaux projets produisent de l’électricité à un coût plus élevé que les anciens.

2) Elle vous amènera à acheter des équipements qui coûtent cher – voiture électrique, thermopompe.

3) Elle diminuera votre consommation de combustibles fossiles (gaz pour le chauffage, essence pour la voiture).

4) Elle vous fera consommer moins d’énergie au total, parce que l’électricité est de deux à quatre fois plus efficace que l’énergie qu’elle remplace.

Vous aurez compris que les deux premiers points font grimper vos factures, alors que les deux autres les font baisser.

En brassant tout cela dans des outils de modélisation, les experts calculent que 70 % des Canadiens économiseront davantage qu’ils ne paieront en plus d’ici 2050. Économie moyenne pour un ménage : 1500 $ par année. C’est plus qu’une poignée de change.

Philippe Dunsky me confirme que le chiffre québécois est très près de celui de la moyenne canadienne. Seules l’Alberta et la Saskatchewan, deux provinces pétrolières où les tarifs d’électricité sont très élevés, ont plus à perdre qu’à gagner avec la transition énergétique.

Mieux : si des efforts musclés d’efficacité énergétique sont faits, les économies pourraient même s’avérer plus élevées.

« En termes de communication, c’est le plus grand enjeu qu’on a au Québec, estime M. Dunsky. Tout le monde pense : tarifs = coûts. Sauf que quand on consomme moins de quelque chose de plus cher, la facture peut diminuer. »

Il y a quand même un bémol dans l’affaire. Partout au pays, les ménages à faibles revenus profiteront moins de la transition énergétique. C’est surtout parce qu’ils sont moins nombreux à posséder une voiture et qu’ils ne tireront donc pas autant profit des économies sur l’essence.

L’analyse du Conseil canadien de l’électricité entre-t-elle en contradiction avec le fait que Pierre Fitzgibbon a annoncé jeudi dernier un fonds pour aider les particuliers à affronter les hausses tarifaires ?

Je ne le crois pas. Les modélisations du Conseil canadien de l’électricité sont réalisées sur le long terme et il y aura peut-être des chocs tarifaires à encaisser entre-temps.

Mais disons que cette analyse apporte un éclairage drôlement intéressant. On peut se demander, par exemple, si ce fonds d’aide devrait bénéficier à tout le monde ou seulement aux ménages les plus vulnérables.

Le débat sur les tarifs d’électricité en contexte de transition énergétique ne fait que commencer, mais il part sur de drôles de bases. Le premier ministre François Legault a déjà décidé de plafonner la hausse des tarifs d’électricité résidentiels à 3 % pour tous jusqu’à 2026.

Le problème est que cette décision est politique plutôt que de découler d’une analyse. Et elle vient protéger les plus gros consommateurs – ceux qui chauffent leur spa et leur triple garage l’hiver.

Le ministre Fitzgibbon a bien ouvert la porte à une modulation des tarifs, mais on a fini par apprendre que celle-ci restera volontaire, du moins au début. Pour serrer la vis aux gaspilleurs, on a déjà vu plus convaincant.

Ce qui devrait guider nos choix est pourtant clair : il faut décourager la surconsommation tout en protégeant les ménages vulnérables. Savoir qu’une majorité de Québécois, dont les plus nantis, s’enrichiront à long terme avec la transition énergétique change complètement la donne.

Aucun doute : des discussions intéressantes sur les tarifs d’énergie nous attendent !

1. Consultez le rapport du Conseil canadien de l’électricité Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue