Officiellement, le premier ministre Justin Trudeau sera le chef du Parti libéral aux prochaines élections et sollicitera un quatrième mandat. En fait, la campagne à sa succession est déjà ouverte. Justin Trudeau n’est pas encore parti… mais c’est tout comme.

Le grand effeuillage des mesures budgétaires du printemps est maintenant terminé. Et malgré toutes sortes d’annonces qui avaient tout pour être populaires, la cote du premier ministre n’a pas bougé, pas plus que les sondages qui indiquent toujours que les libéraux sont 20 points derrière les conservateurs de Pierre Poilievre.

En fait, le budget a nui aux libéraux. Selon un sondage Abacus réalisé pour le Toronto Star, 54 % des Canadiens disent avoir une plus mauvaise opinion du gouvernement depuis le dépôt du budget, alors que 20 % disent que leur opinion n’a pas changé.

Malgré ces mauvaises nouvelles, Justin Trudeau joue toujours le jeu. Il est à la période des questions, il sort d’Ottawa pour faire des discours. Mais c’est un peu comme si on ne l’écoutait plus.

Pas étonnant qu’une course à la direction du Parti libéral se dessine. D’autant que le temps commence à presser. Normalement, les prochaines élections fédérales auront lieu le 20 octobre 2025, si le gouvernement ne perd pas la confiance de la Chambre des communes d’ici là.

En vertu de la loi sur les élections à date fixe, il n’est plus possible pour un premier ministre d’étirer son mandat pour une cinquième année, en espérant – même si ça ne s’est produit que rarement – que les sondages deviennent meilleurs.

Mais ce qui est peut-être étonnant vu l’histoire du Parti libéral du Canada, c’est qu’il ne semble pas y avoir de candidat évident à la succession de Justin Trudeau actuellement. Voilà pourtant un parti qui semblait toujours avoir un chef en attente, prêt à prendre la place dès que le poste se libère.

John Turner pour Pierre Trudeau. Jean Chrétien pour Turner. Paul Martin pour Chrétien. Et ainsi de suite. Pour Justin Trudeau, ce n’est pas aussi clair.

Il y a encore quelques mois, on aurait pu penser que la ministre des Finances et vice-première ministre, Chrystia Freeland, allait se présenter à la direction du Parti libéral, mais tout indique que son intérêt s’est refroidi.

Il y a quelques semaines, on parlait beaucoup du ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc. Il a cependant déclaré, il y a quelques jours, qu’il s’attendait à être candidat aux prochaines élections sous la direction de Justin Trudeau, ce qui est la réponse habituelle dans les circonstances.

Le problème des autres ministres qui pourraient être intéressés par le leadership libéral, c’est qu’ils n’ont pas beaucoup d’appuis populaires. Un autre sondage Abacus réalisé pour le Toronto Star montrait aussi il y a quelques jours que les ministres Mélanie Joly, François-Philippe Champagne, Sean Fraser, Anita Anand et Dominic LeBlanc ne récoltaient que 4 ou 5 % d’appuis, pas plus.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Mark Carney en entrevue dans les bureaux de La Presse, en 2013, alors qu’il occupait les fonctions de gouverneur de la Banque du Canada.

Mais il y a un nom qui ressort un peu plus que les autres, et c’est celui de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada (et de la Banque d’Angleterre) Mark Carney. Il faut dire que, depuis quelques semaines, il a vraiment l’air d’être en campagne pour le leadership libéral. Dans le sondage Abacus, il obtenait 11 % d’appuis, ce qui n’est pas beaucoup, mais tout de même deux fois plus que tous les ministres du gouvernement Trudeau, à l’exception de Mme Freeland.

Il n’a peut-être pas d’expérience politique au sens partisan du mot. Mais il a survécu à des situations politiquement délicates. Comme de tenir tête au gouvernement conservateur de Boris Johnson pendant la campagne du Brexit. Parfaitement bilingue, il a un curriculum vitæ qui attire l’attention.

Il est actuellement envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique. Ce qui lui donne une tribune prestigieuse sur l’un des grands sujets de l’heure. Il a d’ailleurs pris deux fois la parole devant Canada 2020, un groupe de réflexion proche du Parti libéral.

Impossible, alors, de ne pas lui poser la question sur son intérêt pour la direction du Parti libéral. Il répond que ce n’est pas une question qui l’oblige à prendre une décision maintenant. Mais il refuse de rejeter catégoriquement cette possibilité.

Certains libéraux craignent que son manque d’expérience en politique partisane lui nuise. Au Parti libéral du Canada, on n’a pas encore oublié l’épisode Michael Ignatieff en 2011, quand les libéraux ont connu le pire résultat électoral de leur histoire. Mais cela ne semble pas être une grande préoccupation.

Reste à voir la décision finale de Justin Trudeau, qui dit toujours qu’il entend mener ses troupes pour une quatrième campagne électorale, alors que les sondages indiquent que les Canadiens veulent du changement et que l’avance de Pierre Poilievre ne semble pas vouloir diminuer.

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