Dès que la nouvelle a paru dans les médias, nous avons pensé que c’était un homicide en contexte de violence conjugale. Cependant, ce n’est pas une femme, mais bien deux enfants qui ont été tués dans un contexte de violence conjugale post-séparation.

Féminicides et filicides se répètent trop souvent et, à nouveau, on a dit que c’était un quartier tranquille, un père qui aimait ses enfants, un professionnel, un ami, et qu’aucun signe ne pouvait faire craindre un tel dénouement.

La maman d’Antoine et de Tristan a pris la bonne décision en dénonçant la surveillance qu’exerçait sur elle son ex-conjoint. Malheureusement, la violence coercitive ne se voit pas et n’a pas encore d’ancrage juridique de sorte que les policiers puissent agir et prendre au sérieux le fait que suivre les déplacements de son ex-conjointe est un signal d’alarme qu’il faut entendre.

Le travail en vase clos des acteurs qui doivent intervenir lorsqu’une possible situation de violence conjugale se produit a eu pour effet, encore une fois, de ne pas en reconnaître les signes.

De ne pas les contextualiser : dans ce cas-ci, une séparation récente, des enfants et une garde partagée. De ne pas donner à la police les moyens juridiques d’intervenir et de ne pas mettre en place un suivi immédiat auprès du père, suivi qui vise la responsabilisation des comportements de contrôle et leur désescalade.

Pour dépasser les enjeux systémiques en présence, le gouvernement du Québec doit instaurer un Secrétariat à la coordination et à l’intégration des actions en matière de violence sexuelle et conjugale, comme le recommande le rapport Rebâtir la confiance. Cela permettra d’avoir « une vision globale des problématiques et un leadership fort »⁠1.

Nous réagissons tous, et c’est humain, mais ce qui est nécessaire, c’est une mobilisation nationale, une mise en perspective de l’ensemble des mesures au-delà du juridique. Car pour se rendre au tribunal, s’il faut en arriver là, il faut être en vie.

Il est temps de regarder la violence conjugale, ses phénomènes et ses lourdes conséquences humaines. Les hommes doivent reconnaître que la rupture n’est pas la fin de leur rôle parental, mais plutôt une transition vers un autre modèle.

Nous devons être présents auprès de notre entourage, particulièrement lors d’une séparation, car c’est un moment crucial et potentiellement dangereux pour les victimes de violence conjugale et leurs enfants. Cela n’arrive pas qu’aux autres, et les ressources de soutien ne sont pas strictement professionnelles, elles sont aussi – et surtout – sociales (fratrie, clan, etc.).

Nous avons la responsabilité d’éviter de parler de ces homicides comme d’une fatalité, comme si nous n’avions ni les outils ni les perspectives pour y mettre fin. Nous avons le devoir de reconnaître que les filicides sont un acte de contrôle ultime envers une ex-conjointe.

Il est temps d’arrêter d’intervenir quand l’irréparable a été commis. Il faut mettre de l’avant et développer des initiatives de prévention de la violence conjugale dans nos écoles, les lieux de travail et le milieu communautaire. Chaque jour, des parents sont présents auprès de leurs enfants ; mettons l’accent sur le fait qu’ils doivent être débrouillards, travaillants et créatifs, mais aussi en maîtrise d’eux-mêmes et conscients de l’impact de leur comportement sur l’autre.

Toutes nos pensées à la maman d’Antoine et de Tristan.

1. Lisez le rapport du comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, 2021 Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion