Saviez-vous qu’encore aujourd’hui, les travailleuses et les travailleurs de la santé et des services sociaux qui travaillent au sein de leur propre communauté autochtone ou inuite ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que le reste du personnel ?

En effet, à l’issue de luttes syndicales passées, les salariés recrutés dans les milieux urbains du sud de la province pour aller travailler au Nunavik ou dans les établissements cris et naskapis bénéficient de conditions particulières. Ils ont notamment accès à des droits de sortie leur permettant de bénéficier de voyages remboursés, plusieurs fois dans l’année, pour séjourner à l’extérieur de leur localité d’embauche. Ces sorties visent à compenser l’éloignement de leur famille et de leur cercle social. Ces sorties leur permettent aussi de se procurer des biens et des services qui ne sont pas offerts dans le Grand Nord, ou hors de prix.

De leur côté, les travailleuses et les travailleurs natifs du Grand Nord n’ont pas droit à ces conditions dont bénéficient leurs collègues allochtones qui travaillent dans ces établissements.

Ce régime est discriminatoire et décourage les Autochtones de faire carrière au sein des services sociaux et de santé de leur propre communauté. Cela va à l’encontre des objectifs que nous devons viser collectivement, notamment ceux d’augmenter la proportion de travailleuses et de travailleurs provenant de ces communautés dans le réseau public et de s’assurer que le personnel des établissements soit représentatif de leur communauté. Les employeurs du Grand Nord réclament eux aussi que le gouvernement mette fin à cette discrimination.

Dans son rapport final publié en 2019, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès a d’ailleurs relevé cette iniquité. Elle soulignait : « Les avantages sociaux (voyages annuels, hébergement, frais de déménagement, etc.) dont jouissent les candidats externes sont en effet presque quatre fois supérieurs en termes financiers à ceux de leurs collègues inuits : 40 171 $ contre 10 809 $ annuellement. » Malgré l’appel à l’action de la Commission à cet effet, la situation est demeurée inchangée.

C’est pour cette raison que le Front commun tout entier (CSN, CSQ, FTQ et APTS), qui représente 420 000 travailleuses et travailleurs de l’État, partout au Québec, a inclus dans ses revendications la demande formelle de mettre fin à cette iniquité scandaleuse dans la présente ronde de négociation du secteur public.

De plus, cette négociation doit permettre non seulement d’améliorer les services, mais également d’inciter davantage de personnes autochtones à se joindre au réseau public. On parle sans cesse de la pénurie de main-d’œuvre à la grandeur du Québec. Or, elle est encore plus marquée dans les communautés du Grand Nord. Malheureusement, le gouvernement néglige de rendre le réseau plus attractif pour les Autochtones qui sont déjà sur place. En effet, plusieurs titres d’emploi, comme les préposés aux bénéficiaires (PAB), agents d’intervention et agentes administratives, sont exclus de la prime Grand Nord, pourtant versée à la majorité de leurs collègues.

Doit-on rappeler que le salaire horaire insuffisant des PAB cause d’énormes défis de recrutement, même dans le Sud ? Il s’agit ici encore d’un obstacle important au recrutement au sein de ces communautés. Rappelons que cette prime ainsi que quelques autres primes doivent prendre fin le 30 septembre, à moins que le gouvernement accepte d’en prolonger la durée. Cela aggraverait encore la situation. Cette prime du Grand Nord doit être maintenue, bonifiée et élargie à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs des communautés inuites, cries et naskapis.

Une occasion en or

Certes, comme organisation syndicale, nous avons notre part de responsabilité dans ces injustices. Force est d’admettre que nous avons reconduit au fil des années ces conditions de travail discriminatoires à l’égard des Autochtones faisant face à des gouvernements qui se souciaient peu ou pas des effets de leurs décisions sur les populations nordiques et autochtones.

Aujourd’hui, nous appelons à un changement de paradigme. Collectivement, la société québécoise prend conscience de la nécessité d’éliminer toute discrimination à l’égard des Autochtones et cela doit aussi se refléter dans les conditions de travail.

Nous appelons le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, ainsi que la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, à travailler avec nous sans attendre pour éliminer, enfin, toute discrimination en emploi pour les Autochtones, en commençant par les grands réseaux publics dont l’employeur est l’État québécois.

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