L’annonce de l’élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon, après le départ de la députée caquiste Joëlle Boutin, donne lieu à d’intéressants débats. Parmi eux, le dilemme de la parité pour Québec solidaire. Dilemme parce qu’une investiture est un moment de démocratie (les militantes et militants votent pour la personne qui les représentera), mais qu’elle peut aussi se conclure par l’élection d’un homme, contrairement à la volonté de certaines directives (préférer une femme, pour accroître leur nombre au sein du caucus).

Des commentatrices ont eu des réflexions pertinentes, notamment la chroniqueuse et analyste Antonine Yaccarini, qui soulignait, dans un texte paru le 7 août1, la réflexion de fond que devront faire les partis et en particulier Québec solidaire (QS). Ce parti féministe devra en effet se demander comment concilier le manque de femmes dans ses rangs avec le système électoral tel qu’on le connaît et notamment le principe des investitures.

Ajoutons que ce n’est pas dans une partielle qu’on réglera le problème du déséquilibre femmes-hommes en politique, et il est particulièrement cruel que l’acteur principal de l’épisode soit un parti qui milite pour l’égalité depuis toujours. Peut-être que, dans un mode de scrutin différent (proportionnel, par exemple), il y aurait eu moyen d’augmenter le nombre de candidates ? Cette avenue serait sans doute intéressante à envisager.

Une course crève-cœur

L’autre point que soulève la situation de QS, est cette course au porte-parolat. Les trois candidates (Ruba Ghazal, Christine Labrie et Émilise Lessard-Therrien) sont toutes très efficaces, claires et féministes convaincues. Elles ne sont pas là pour colorer de rose leur parti, mais engagées pour de vrai.

Toutefois, on ressent un malaise de voir cette bataille entre trois femmes de qualité, dans une « course » qui a tout de la structure traditionnelle de la politique.

N’aurait-on pas pu choisir une autre voie, essayer quelque chose de nouveau et proposer une alternative ? La solution n’est pas simple, mais cette course a quelque chose de crève-cœur, même si c’est la politique qui le demande.

Une loi transformatrice

De son côté, Josée Boileau, dans une chronique publiée le 2 août dernier2, posait aussi une question pertinente sur les symboles de l’égalité. Doit-on absolument s’offusquer que QS ne compte pas dans son caucus un nombre égal d’hommes et de femmes ? Sans doute pas, car le souci d’égalité des genres est constitutif des principes du parti. Mais justement, c’est pour ça qu’il souhaite l’équilibre. Or ce n’est pas parce que la mécanique est complexe que l’on doit se priver de chercher des solutions.

À ce titre, il serait utile qu’une loi oblige tous les partis à la parité en ce qui concerne les candidatures. Si c’était la norme, les militants dans les investitures sauraient à quoi s’attendre, et on ne tomberait pas des nues chaque fois qu’il est question pour une femme de se présenter.

Essentialisme et socialisation

Ajoutons, en toute amitié, qu’il est inexact d’argumenter, comme l’écrit Josée Boileau, que la parité essentialise les femmes. C’est plutôt au nom de leur socialisation, telle qu’on la connaît depuis toujours, que la parité figure à l’agenda. Non pas pour des raisons biologiques. On ne demande pas l’égalité parce que les femmes prennent mieux soin des enfants, mais parce que le fait d’être mères les a discriminées, par exemple, du marché du travail.

La pandémie nous a bien montré que ce sont les femmes, en tant que catégorie sociale, qui ont perdu des postes, des revenus, des occasions d’avancement, entre autres parce qu’elles restaient à la maison pour s’occuper des enfants.

Les femmes sont aussi plus nombreuses à soigner les aînés, les enfants, les personnes vulnérables, à des salaires moindres et dans des conditions de grande précarité. Ce n’est pas du tout une question d’essence féminine.

Défendre leurs droits en tant que sujets politiques est progressiste parce que leur condition les a historiquement marginalisées.

Cela dit, ce qu’il y a de féminin (au sens de la socialisation féminine) dans le « prendre soin » doit être politisé, et c’est la raison pour laquelle il est souhaitable qu’un plus grand nombre de femmes aient voix au chapitre. L’histoire a prouvé que leur contribution (capacité juridique, patrimoine familial, politiques d’égalité, équité salariale) a déjà changé la vie de beaucoup de femmes au Québec.

Certes, et c’est normal, les élues ne sont pas toutes progressistes et féministes. Mais beaucoup finissent par le devenir dans ce milieu encore trop rigide, traditionnel et patriarcal.

(1) Lisez la chronique d’Antonine Yaccarini (2) Lisez la chronique de Josée Boileau Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion