Dans l’histoire canadienne, il y a seulement deux autres événements qui ont rivalisé avec la COVID-19 pour la perte de vies canadiennes : la Deuxième Guerre mondiale avec 45 000 morts et la virulente grippe espagnole (1918-1920) avec 50 000 morts.

Aujourd’hui, nous comptons plus de 53 000 Canadiens décédés de la COVID-19. Et donc, juste pour cela, prendre le temps de se poser et de comprendre ce qui s’est passé est le minimum d’exercice de reddition de comptes.

Cette semaine, le British Medical Journal1 a publié une série d’articles écrits par une liste de 13 experts de divers domaines, entre autres ceux de la médecine, de la santé publique, des soins infirmiers, de la recherche, du droit, de l’humanitaire. Ces articles mettent en relief les points forts et les lacunes de la réponse du Canada à la pandémie dans différentes circonstances ou secteurs. Le point fort incontestable du Canada est la couverture vaccinale contre la COVID-19 de plus de 80 %.

1. Consultez l’article « Accountability for Canada’s COVID-19 response » (en anglais)

Quelques lacunes

Concernant la crise « prévisible » dans les foyers de soins de longue durée, la pandémie a seulement dévoilé au grand jour la fragilité de ces milieux.

Pour rappel, quoique les résidants de ces foyers aient comptabilisé seulement 3 % des cas de COVID-19 en décembre 2021, ils représentaient 43 % des morts liés à cette dernière.

Les trois grands contributeurs identifiés de cette crise sont l’incompréhension de la complexité du statut médical des résidants, le soutien inadéquat au personnel soignant en ce qui a trait à sa charge de travail, son salaire, sa protection, et le manque d’intégration de ces foyers dans les ministères des Services sociaux et de la Santé dans différentes provinces. Sur ces trois fronts, nous avons la capacité de changer la donne.

De façon générale, à travers le pays, on observe un angle mort général pour communiquer clairement et répondre aux besoins différenciés de groupes vulnérables et marginalisés comme les groupes racialisés, les travailleurs migrants temporaires, les travailleurs de services essentiels, les communautés autochtones vivant dans les réserves.

D’une part, les différences dans les messages de santé publique d’une province ou d’un territoire à l’autre ont été décriées et, d’autre part, ont causé la confusion générale et ont créé un terreau fertile à la méfiance envers nos différentes autorités en santé publique.

Une investigation nationale réclamée

Je suis un des coauteurs de l’article sur la contribution du Canada sur l’équité vaccinale. Comme mentionné dans le passé2, le Canada a beaucoup fait pour protéger les Canadiens en sécurisant différentes options vaccinales en développement. En début de crise pandémique, nous ne pouvions pas imaginer qu’il y aurait plusieurs candidats vaccinaux efficaces.

2. Lisez la lettre d’opinion « Vaccination contre la COVID-19 : 32 millions de raisons d’être pragmatiques et solidaires »

Où le Canada a perdu des plumes sur son engagement international, c’est sur son partage très tardif du surplus de vaccins en stock et sa frilosité à soutenir une levée des brevets sur les innovations en temps de crise.

Les experts de cette série d’articles demandent une investigation nationale sur la réponse à la COVID-19. Tous, citoyens et dirigeants, repoussent l’idée avec vigueur, voire avec passion. Je me permets de nuancer la demande. Je suis profondément convaincue que prendre le temps de comprendre ce qui nous est arrivé dans les trois dernières années vaut le coup pour le devoir de mémoire des gens perdus, pour nos vies professionnelles et personnelles mises en pause pour ces dizaines de mois consécutifs.

Ce n’est pas un exercice « à qui la faute », mais plutôt pour avoir une vue globale de la façon dont nous avons géré cette pandémie et faire l’inventaire des bonnes pratiques selon les différents contextes à travers nos provinces et territoires.

Nous savons qu’au cours des trois dernières années, il y a des pratiques qui ont bien fonctionné à un moment « x » dans un contexte « y ». Nous avons un trésor de pratiques sanitaires à décortiquer et à analyser au Canada. Faire la liste de toutes ces pratiques, avoir un cahier des charges des changements à apporter pour mieux se protéger collectivement, et puis passer à autre chose.

Je sais, tout le monde veut passer à autre chose maintenant. Je ne vous blâme pas, moi aussi. Mais je n’ai pas envie de revoir de mon vivant mes proches mourir seuls ou en compagnie de cosmonautes anonymes.

Nous nous souvenons qu’après la crise du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) de 2003, où 44 Canadiens ont perdu la vie, le Canada a fait une enquête nationale. À part la création de l’Agence de santé publique du Canada, la majorité des recommandations sont passées à l’as. Et de tous les pays affectés par le SRAS, le Canada a été le moins performant avec la COVID-19.

Tout ça pour dire que le jeu en vaudra la chandelle si cet exercice de réflexion pandémique vient avec des recommandations concrètes et « actionnables » que nos autorités s’engagent à mettre en œuvre. Sinon, ce serait un exercice de figures imposées beaucoup trop coûteux.

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