Après quatre mois de tergiversation, le rideau tombe enfin : les programmes d’aides financières pour les conseillers agricoles de tout genre viennent d’être (enfin) annoncés.

Pour les gens étrangers aux rouages de l’agriculture québécoise, ces programmes nous permettent d’avoir accès, nous les agriculteurs, à des conseillers compétents, reconnus, indépendants, et ce, dans toutes les sphères de l’agriculture : agroenvironnement, gestion, finance, mise en marché, technologique et bien plus. Ce sont les programmes qui aident à financer nos agronomes indépendants et autres personnes-ressources essentielles sur qui nos entreprises s’appuient pour devenir plus résilientes et satisfaire l’ensemble des exigences justifiées des consommateurs.

Mais, contre tout attente, au moment où une récession se fait sentir, que l’achat local est plus difficile, que les coûts de production explosent et que mère Nature nous rappelle durement que c’est elle la patronne, ces programmes se font charcuter par le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne.

Ainsi, pour une entreprise comme la mienne qui est biologique et est issue de la relève agricole, on voit nos aides pour le volet agroenvironnement passer de 85 % à 75 %, et pour le reste des volets, de 85 % à 65 %.

Mauvais timing, qui arrive alors que la saison 2023 est plus qu’entamée, surtout quand les services sont en cours depuis plus de trois mois.

Les impacts ? Ça nous coûte (énormément) plus cher pour payer nos conseillers, alors que tout augmente (et que nos revenus, eux, stagnent). On parle ici de plusieurs milliers de dollars supplémentaires dans des budgets déjà restreints, sans parler des précieux conseils dont nous nous priverons simplement faute de fonds.

Alors on fait comme tout gestionnaire responsable : on coupe. On coupe dans le temps que nos conseillers nous consacrent. On fragilise nos fermes sur tous les aspects de celles-ci, dans un contexte qui demande, au contraire, une résilience inégalée.

Parce qu’on ne veut pas non plus refiler la facture aux consommateurs qui en payent assez.

Naviguer à vue

Sans parler de l’impact sur la santé des sols, des cours d’eau, de la qualité de vos aliments et, surtout, du prix de ceux-ci. Pour nous adapter, nous retournerons donc au calendrier de production, qui nous dicte « à peu près » comment et quand appliquer nos engrais, nos produits phytosanitaires (comprendre ici nos pesticides) et toutes autres actions agricoles, ce qui nécessairement impliquera plus de ces produits dans nos champs et, donc, dans l’environnement.

Ça équivaut à se crever les deux yeux, et à se fier uniquement aux indications de son copilote pour conduire un 53 pieds très chargé, en hiver. Pas très rassurant, je vous le dis.

Pour compenser, le Ministère annoncera probablement un programme un peu sorti de nulle part qui encouragera les investissements faits par nos entreprises pour se « moderniser ».

Mais comment faire de tels investissements quand l’agriculteur moyen a déjà les genoux fléchis sous le poids financier de son entreprise, et que notre cher gouvernement vient de lui faire une belle jambette ?

Qui va sortir gagnant de tout ça ? Certainement pas la relève agricole qui en sortira affaiblie.

M. Lamontagne, avec vos fonctionnaires, sortez nous voir. Comprenez nos enjeux, l’importance qu’ont ces services pour nous, surtout pour les fermes en démarrage.

Considérez-nous comme un investissement plutôt qu’une dépense. Le Québec tout entier en ressortira gagnant.

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