En réaction à la lettre de François Vincent sur la pénurie de main-d’œuvre⁠1, publiée le 24 juillet

Une récente lettre d’opinion publiée dans ces écrans par François Vincent, vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, vient soulever de nombreux points intéressants quant aux difficultés auxquelles font face les entreprises dans le recrutement de la main-d’œuvre. Selon lui, plus de 85 % des PME sont lourdement touchées par le manque de personnel qualifié.

J’ai tendance à être d’accord avec le leader patronal quand il écrit que le gouvernement pourrait mettre en place des politiques d’immigration qui répondent aux besoins spécifiques des PME tout en élaborant des formations adaptées pour faire échec au manque de personnel.

Mais il y a quelque chose qui me chicote quand je regarde de plus près.

Avant de faire appel à la main-d’œuvre immigrante, il me semble que d’autres gestes pourraient être faits. Et on n’a pas besoin des gouvernements pour nous faciliter la vie.

Comme entrepreneur, j’estime que mes chances de trouver la perle rare augmentent sensiblement si je cherche aussi du côté de gens qui sont trop souvent écartés du processus de sélection. Par exemple, les personnes en situation de handicap, celles qui sont neurodivergentes, les gens qui ont un casier judiciaire, les personnes nées ici ou issues de l’immigration dont les diplômes ne sont pas reconnus pourraient être des candidatures très intéressantes, voire surprenantes.

Et je ne vous parle pas des potentielles recrues provenant de secteurs d’activité qui provoquent parfois de la méfiance, comme le syndicalisme. Celles-ci restent souvent coincées sur la voie d’accotement, victimes de procès d’intention douteux.

Je le sais, je l’ai vécu.

On pourrait aussi parler de l’âgisme qui est un phénomène très frustrant pour celles et ceux qui composent avec lui. De fait, je me suis fait dire à quelques reprises que mon âge vénérable (54 ans) était un inconvénient pour les entreprises dans mon secteur d’activité. Comme si la société dans laquelle nous vivons devenait incompréhensible après une certaine date de péremption. Pourtant, ma génération et moi avons encore une bonne dizaine d’années de bons et loyaux services à donner, voire plus encore. Et en prime de l’expérience qui compenserait largement pour le salaire un peu plus élevé que nous commandons !

Un réflexe futé

J’aimerais aussi qu’on envisage la possibilité d’aménager minimalement certains postes pour que des gens de grand talent qui ne répondent pas à la totalité des exigences – elles font parfois un kilomètre de long sur les offres d’emploi – soient considérés sérieusement. C’est d’ailleurs un réflexe futé qui fait lentement son chemin chez des employeurs à la fine pointe des méthodes de recrutement, et qui accessoirement sont conscients qu’ils doivent faire des compromis pour répondre à la demande.

Parlant de recrutement, on me rapporte de plus en plus souvent que les tâches qui sont discutées lors des entrevues « évoluent » dans une direction imprévue quand les recrues sont finalement embauchées.

Par exemple, des cadres intermédiaires doivent effectuer sur une base quotidienne des tâches opérationnelles alors que rien de tout cela n’avait été discuté avant l’embauche. Une belle manière de désintégrer vite fait la confiance envers l’employeur et incidemment de mettre à mal la réputation d’une entreprise. Au final, cela nuit aussi à la capacité de recrutement parce qu’en cette ère des réseaux sociaux, les nouvelles voyagent vite.

Qu’on me comprenne bien ici : les défis auxquels font face les PME sont réels et j’en suis solidaire. De nombreux gestes doivent être faits par nos gouvernements pour nous faciliter la tâche. Cependant, je suis d’avis que nous devons résister à la tentation de choisir des solutions qui ne sont pas avantageuses à longue échéance.

Je n’ai pas encore besoin d’embaucher, mais lorsque cela deviendra nécessaire, je suis convaincu que bien des gens qui sont déjà ici (issus de l’immigration ou non) auront des candidatures très intéressantes à me proposer.

Des hommes et des femmes talentueux et talentueuses attendent qu’on leur tende la main. Et vous savez quoi ? Je suis convaincu qu’ils et elles vont se fendre en quatre pour l’entreprise qui leur donnera une chance bien méritée.

Encore faut-il voir plus loin que nos préjugés et le CV.

1. Lisez le texte : « Pénurie de main-d’œuvre : les mesures favorables aux PME doivent affluer » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion