En réponse à la lettre d’Isabelle Melançon sur la crise de l’habitation, « Pour que la crise ne devienne pas perpétuelle »1, publiée le 20 juillet

Isabelle Melançon, dans son appel, identifie de bons constats sur la crise de l’habitation, notamment sur les éléments conjoncturels qui ont cours particulièrement depuis la pandémie (pénurie de main-d’œuvre, baisse de l’offre, augmentation des taux d’intérêt et des matériaux).

Mais la crise était dans le rétroviseur depuis déjà quelques années, bien qu’à différents degrés selon la région et selon les groupes de la population qui subissaient déjà la crise de l’abordabilité.

Sans opposer crise de l’abordabilité et crise de l’offre, trop peu d’acteurs présentement différencient les deux, prenant des raccourcis en stipulant que plus d’offre nous ramènera de l’abordabilité. Nul ne peut être contre une vérité de La Palice quand on en omet des éléments clés.

L’abordabilité en logement doit être mesurée par le taux d’effort (la part du budget) qu’un ménage doit consacrer aux dépenses en logement. Or, depuis quelques années, on a tendance dans différents milieux à parler d’une abordabilité basée sur le coût médian des loyers qui, lui, a augmenté beaucoup plus rapidement que les revenus, appauvrissant les ménages, même si de façon générale, leurs revenus ont augmenté.

Si, dans la conjoncture actuelle, il est vrai qu’il y a une frilosité des promoteurs à aller de l’avant avec des projets, c’est surtout en lien avec l’incertitude du rendement des unités à vendre à un prix que de moins en moins de ménages peuvent payer.

Ces rendements étaient tels que jusqu’à récemment, les mises en chantier étaient au rendez-vous, malgré quelques barrières municipales déjà existantes qu’évoque Mme Melançon.

On a souvent décrié du côté des promoteurs, par exemple, que le règlement forçant une inclusion ou contribution en logement social ou abordable et familial de la Ville de Montréal (communément appelé le 20-20-20) était un frein à la construction. Pourtant, dans les deux premières années de l’application de ce règlement, Montréal comme le reste du pays a connu des mises en chantiers records.

Oui, il est important de regarder les leviers permettant davantage de construction, de densification, de nouveaux principes de construction, de règles du jeu, etc. Mais une offre augmentée en unités de logement ne fera pas baisser les prix. Au mieux, cela atténuera l’accentuation de la crise. Mais, si le prix de l’unité de logement livrée atteint des seuils que 60 %, voire 70 %, des ménages québécois ne peuvent payer, la crise de l’abordabilité ne s’atténuera pas.

D’autant que dans le marché privé existant, quand les logements se libèrent, une tendance lourde semble se confirmer, soit celle d’une augmentation des prix beaucoup plus élevée que ce que les barèmes du Tribunal administratif du logement (TAL) indiquent.

Faute de réel contrôle des ajustements de loyers au Québec et d’une méconnaissance des règles par les ménages ou d’une crainte de contester son propriétaire, nous avons assisté à un nivellement des prix vers le marché neuf dans le marché privé existant, alors qu’il devrait y avoir un plus grand écart.

Pour réellement amener une réponse durable à la crise, faute de solutions magiques à court terme dans l’augmentation d’une offre abordable et pérenne, il est essentiel, d’une part, de construire davantage de logements subventionnés pour les segments de la population à faible et modeste revenus, mais également de mettre à l’abri de la spéculation une partie du parc de logements privés existant en le socialisant par l’encouragement des sociétés sans but lucratif à les reprendre.

1. Lisez la lettre d’Isabelle Melançon « Pour que la crise ne devienne pas perpétuelle » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion