Alors que la nature se déglingue de partout, les multiples espoirs que l’humain mettait dans son avenir se voient aujourd’hui âprement déçus. Car bien qu’il soit un fruit exceptionnel de l’évolution, avec les changements climatiques, il apparaît de plus en plus comme une excroissance indue.

Il faut dire que l’humain a sottement placé tous ses espoirs en la science. Ne croyant qu’en celle-ci, il s’est mis en tête de modifier la nature et d’augmenter son rendement pour qu’elle lui soit compatible et utile à 100 %. À ce stade, on ne parle déjà plus d’exploration scientifique, mais plus correctement… d’exploitation scientifique !

On se doit de constater que les 100 milliards de neurones qui constituent notre cerveau sont une générosité de l’évolution dont nous aurions probablement eu avantage à nous passer ! Le biologiste Jean Rostand ne disait-il pas du cerveau humain qu’il était une monstrueuse tumeur de l’univers ? (Confidences d’un biologiste, p. 207) Avec nos corps dégingandés et nos grosses têtes lourdes, nous ressemblons davantage à des épouvantails perdus dans la nature qu’aux dieux de l’Olympe…

Quand comprendrons-nous enfin qu’au fil de l’évolution nous sommes devenus anormaux par rapport à l’ordre du vivant ?

Car bien que notre intelligence soit quelque chose en soi d’extraordinaire, celle-ci s’est faite si envahissante qu’elle est devenue incapable de garder ses distances par rapport à l’ordre éminemment fragile du vivant.

Pourtant, dans leur sagesse, Platon et Socrate n’affirmaient-ils pas que, quoi qu’il fasse, l’humain agit toujours pour son bien ? Serions-nous alors devant un comportement d’un genre nouveau ? Pourquoi, devant le danger imminent que représente pour nous l’état actuel de la planète, n’avons-nous pas agi drastiquement pour notre bien et préférons-nous encore nous satisfaire de demi-mesures mielleuses de politiciens ?

Il faut dire que, dans son orgueil, l’humain accepte difficilement de ne pas se considérer comme le maître incontesté de la Terre. Il avait, croyait-il, réussi au cours des siècles précédents à la dompter par l’agriculture et ensuite par l’industrialisation… Et il préfère encore aujourd’hui se montrer en parfait contrôle et continue aveuglément à veiller à ce que celle-ci lui soit encore totalement redevable.

Pourtant, cette planète ne se reconnaît plus. Elle croupit sous des tonnes et des tonnes de déchets toxiques de toutes sortes. Elle a été transformée en un dépotoir volant !

Cette merveille de l’univers, la planète bleue, d’où l’espèce humaine surgit un jour, se transforme présentement sous nos yeux en un vaste tombeau.

Déjà au XIXe siècle, Nietzsche (1844-1900) ne se gênait pas pour dire que notre raison, si extraordinaire soit-elle, loin d’être un signe de supériorité, est plutôt la prémisse de toutes nos illusions quant à notre avenir. Écoutons la fable qu’il avait inventée : en quelque coin écarté de l’univers répandu dans le flamboiement d’innombrables systèmes solaires, il y eut une fois une étoile sur laquelle des animaux intelligents inventèrent la connaissance. Ce fut la minute la plus arrogante et la plus mensongère de l’histoire universelle : mais ce ne fut qu’une minute. (Le livre du philosophe, Paris, Aubier Flammarion, 1969, p. 171)

Aussi bien alors l’accepter tout de suite : le XXIe siècle sera le début de la fin pour l’Homo sapiens. Nous avons atteint un point de non-retour. Après avoir fait fi depuis au moins 30 ans des avertissements de tous les spécialistes en environnement, nous frappons aujourd’hui un mur ! Il est trop tard pour remédier à la situation et nous devons maintenant faire avec. C’est la seule option qui nous reste !

Tôt ou tard, l’être hirsute que nous sommes disparaîtra du paysage terrestre pour laisser sa place à des êtres moins intelligents que nous certes, mais en harmonie avec la nature. Rappelons qu’en celle-ci rien n’est définitivement acquis. Ce que l’on y rencontre, c’est une panoplie incroyable d’êtres vivants toujours en situation d’équilibre précaire. Et il est dommage que dans nos folles ambitions l’on ait oublié cette simple prémisse.

Nous aurions beau rêver, grâce à notre technologie avancée, d’aller vivre ailleurs sur d’autres planètes pour suppléer à notre situation dantesque actuelle, cela ne changerait rien à cette donne. Au mieux, nous risquons de nous retrouver confrontés avec exactement le même défi que celui qui a fait notre condamnation sur Terre : concilier les débordements de notre intelligence avec la nature que nous y trouverions.

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