Au moment où le gouvernement conclut sa consultation pour l’élaboration du prochain plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’actualité nous rappelle avec force que la pauvreté et ses différentes manifestations ne prennent malheureusement pas de vacances : pénurie de logement, augmentation du recours aux banques alimentaires, hausse marquée du nombre de personnes en situation d’itinérance et manque de ressources d’aide pour répondre à leurs besoins, augmentation du coût de la vie, etc. Bien plus qu’un simple enjeu économique, la pauvreté constitue une atteinte à l’ensemble des droits et libertés protégés par la Charte québécoise, y compris le droit à l’égalité.

Mobilisant l’ensemble des responsabilités que lui confie la Charte, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la Commission) a formulé d’importantes recommandations en la matière. La Commission exprime aujourd’hui de vives inquiétudes face à l’absence de réponses appropriées à celles-ci.

Déjà, en 2003, la Commission soulignait notamment que la mise en œuvre des droits économiques et sociaux était devenue l’un des enjeux majeurs de notre époque face à la pauvreté. Ne pas consentir les efforts nécessaires pour assurer l’exercice de ces droits contribuerait à accentuer un certain nombre de fractures sociales déjà existantes. Cette affirmation est malheureusement toujours d’actualité.

Les solutions à la pauvreté dépassent les questions de volonté ou de responsabilité individuelle. Une perspective holistique et systémique est nécessaire pour comprendre l’ampleur de l’engrenage de la pauvreté et de la discrimination vécue par les personnes en situation de précarité.

Cela implique de mettre en œuvre tous les droits protégés par notre Charte, y compris les droits économiques et sociaux. Comment, par exemple, assurer l’exercice du droit au logement dans le contexte actuel, marqué par une pénurie persistante de logements ? Un nombre grandissant de ménages doivent faire des choix impossibles entre payer le loyer ou combler d’autres besoins de base essentiels. À cela s’ajoutent divers enjeux liés entre autres à l’insalubrité, au harcèlement, à la discrimination et aux situations de violence – la violence conjugale, par exemple –, qui perdurent faute de pouvoir déménager pour les fuir, etc.

Garantir le droit au logement

Il est donc urgent que des mesures gouvernementales structurantes et pérennes soient mises en place pour garantir le droit au logement, en particulier pour les locataires à faible revenu. Les prestations d’aide sociale demeurent par ailleurs insuffisantes pour assurer un niveau de vie décent, tel que le prévoit la Charte. La Commission a plusieurs fois déploré l’insuffisance des barèmes d’aide sociale pour satisfaire les besoins de base, besoins qui ne peuvent se limiter à ce qui est nécessaire à la survie. Elle a formulé d’importantes recommandations afin que les politiques en matière d’aide sociale tiennent compte des besoins réels des prestataires. Il est grand temps que celles-ci soient mises en œuvre.

D’autre part, l’exercice effectif du droit à l’instruction publique gratuite en pleine égalité n’est toujours pas garanti, et cette situation affecte plus particulièrement les enfants de familles à faible revenu. Ceux-ci n’obtiennent pas le soutien nécessaire pour favoriser leur réussite éducative.

À l’heure actuelle, 20 % des élèves de milieux défavorisés mettent fin à leurs études sans diplôme ou qualification.

Les frais exigés pour l’achat de matériel scolaire, pour obtenir des services de surveillance le midi ou pour participer à des sorties éducatives constituent des exemples parmi tant d’autres des obstacles à leur pleine participation à la vie scolaire. Un autre obstacle à cette participation réside dans la multiplication récente des projets pédagogiques particuliers dans les établissements d’enseignement public qui crée un marché scolaire dont les enfants de familles à faible revenu sont trop souvent exclus. Cette dynamique contribue à reproduire le cercle vicieux de la pauvreté et de l’exclusion sociale dont ces enfants et leurs familles sont victimes.

C’est pourquoi la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse rappelle, à nouveau, la nécessité de développer une stratégie gouvernementale concertée et structurante de lutte contre la pauvreté qui permet la mise en œuvre effective de l’ensemble des droits et libertés de la personne, y compris les droits économiques et sociaux protégés par la Charte. Seule une approche fondée sur les droits de la personne permettra de lutter efficacement contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

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