Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale de la justice internationale. Un 17 juillet ciblé pour combattre l’impunité des auteurs de crimes les plus graves touchant la communauté mondiale. Actuellement, le plus virulent des crimes est la pédocriminalité.

Il y a quatre mois, j’agissais à titre de témoin expert dans une vaste étude concernant la traite des filles et des femmes au Canada, instiguée par le Comité permanent de la condition féminine à la Chambre des communes d’Ottawa. Mon allocution condensée sur les nouveaux enjeux de nos escouades intégrées face au trafic sexuel des jeunes Québécoises mineures a vite fait d’interpeller les députés autour de la table, peu importe leur allégeance politique.

J’y ai abordé les particularités des drogues dites « aphrodisiaques », coupées avec des « boost » d’opioïdes et utilisées par les trafiquants de chair pour désinhiber les filles et les rendre instantanément accros. Des lois interprovinciales décalées empêchant nos policiers et policières d’aller chercher, avec un mandat, des mineures qui passent la frontière ontarienne pour servir de dessert dans un buffet à volonté, où la faim des « clients » est intarissable. Des recommandations de formations scolaires permanentes pour nos enfants âgés de plus de 12 ans sur les pièges à éviter sur le web.

Nous n’en sommes plus à un « virage » technologique de l’exploitation sexuelle. Il s’agit d’un casse-tête monstrueux pour les cyberenquêteurs…

L’intelligence artificielle (IA) générative est une technologie sans code moral reconnue pour créer du contenu à une vitesse impressionnante. Par exemple, la plateforme « Stable Diffusion » est un générateur d’images permettant de créer des photos réalistes à partir d’une simple commande vocale ou d’une description textuelle. Des millions de photos d’agressions sexuelles et de viols d’adolescentes et d’adolescents, ainsi que de jeunes enfants, sont diluées un peu partout.

Certains diront : « Au moins, ce ne sont pas de vraies personnes qui subissent de tels assauts. » De grâce, chers citoyens et citoyennes, questionnez-vous plus de 15 secondes. Le flot exorbitant de ce matériel pédocriminel engendre une normalisation aux yeux des internautes. Pour cause, certains consommateurs de contenu pédopornographique, qui n’avaient pas encore osé emboîter le pas, passent maintenant à l’acte, et les intervenants en sécurité publique en sont témoins.

Faites attention aux photos du dernier « party piscine » de votre plus jeune que vous mettrez en ligne sur Facebook ou Instagram. Elles pourraient être reprises, modifiées et circuler à des fins malsaines.

Les modérateurs de forum sont extrêmement efficaces. Les photos et vidéos de pédopornographie dites « soft » ou modérées transitent vers des sites au Japon où l’âge légal de consentement sexuel était de 13 ans jusqu’à tout récemment (il est passé officiellement à 16 ans en juin dernier) et où le laxisme relié à la prostitution juvénile est plutôt flagrant. Par ces sites, en utilisant des codes précis, les déviants sexuels sont redirigés vers des plateformes américaines qui régissent des communautés sans algorithme ni publicité intrusive. Il est donc possible pour eux de s’abonner à leur créateur de contenu pédocriminel préféré en sous-réseau. Et ces créateurs ne se gênent pas pour rentabiliser leur popularité. Les grandes plateformes américaines disent avoir une politique très rigide à ce sujet, mais ne nient pas être complètement inondées et en sous-effectif devant ce raz-de-marée.

Et les vraies victimes là-dedans ?

Elles en payent gravement le prix. La pédopornographie fabriquée par IA est loin de faire en sorte que les victimes réelles subissant viols et maltraitance à répétition sont en diminution, au contraire. Cela rend la tâche plus difficile aux cyberenquêteurs pour repérer les enfants et les adolescents exploités. Celles et ceux sans surveillance parentale tombent encore plus vite sous le joug des prédateurs. Nos enquêteurs en cybercriminalité jonglent avec les leurres d’enfants, les extorsions, les menaces de mort, les incitations au suicide, alouette. Le plus récent rapport annuel de notre ligne de signalements anonymes montre d’ailleurs une nette augmentation de la cybercriminalité.

De la vente directe de personnes sur le « dark web » et des trafiquants de pornographie juvénile qui sont les parents des mineurs exploités : oui, ça existe.

Il y a les consommateurs de contenu, les producteurs et les distributeurs. Ceux qui font partie de ces trois catégories simultanément sont souvent des proches de la famille de l’enfant exploité sexuellement, ou la famille elle-même.

Les ressources d’aide pour les pédocriminels sont minces. Il existe le Centre d’intervention en délinquance sexuelle, qui offre des services aux personnes ayant commis ou non un délit sexuel et aux personnes aux prises avec des fantasmes déviants sans passage à l’acte. Le Centre d’entraide et de traitement des agressions sexuelles (CETAS) et les Centres d’intervention en violence et agressions sexuelles (CIVAS) offrent aussi des services d’aide.

Pour faire face au problème, le gouvernement devra décupler le financement aux organismes d’aide spécialisés en déviances sexuelles qui s’attaquent au cœur du problème. La cause doit se faire entendre beaucoup plus fort sur tous les paliers, autant à l’Assemblée nationale qu’au parlement d’Ottawa.

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