L’auteur réagit au texte de David Morin, paru le 8 juillet 2023

Dites-moi que je rêve, ai-je bien lu ? Oui, j’ai pourtant bien lu.

À propos des récentes émeutes en France, David Morin a cette phrase sidérante : « […] pour une partie des jeunes Français, la violence est une façon d’être entendu, d’exister et de réclamer un statut de citoyen à part entière […] ».

Donc, si vous ne vous sentez pas citoyen à part entière, vous pouvez brûler des Restos du cœur, démolir des roulottes itinérantes de dépistage de problèmes cardiaques, foutre le feu à des milliers de véhicules (12 000 selon L’Obs), en plus de tenter d’assassiner femmes et enfants d’élus, de ravager centres de bénévolat, écoles et bibliothèques, et de vandaliser 200 communes tout en pillant des commerces à l’avenant.

Que doit-on faire alors devant cet embrasement urbain ? Surtout pas d’importantes interventions policières, répond l’auteur, ce serait nourrir la violence. Dans certains cas, l’intervention de l’État aurait certaines vertus, mais le réflexe sécuritaire alimenterait le cercle vicieux de la violence ! Moi qui pensais que depuis Hobbes, le principal théoricien de l’État moderne, on considérait la sécurité comme la finalité principale de l’État.

La sécurité n’est pas un droit parmi d’autres, en effet, mais le préalable à l’exercice de tous les droits. Demandez donc aux citoyens qui voient les bus incendiés, les écoles attaquées, s’ils se sentent en sécurité !

Dans les banlieues périphériques mêmes où vivent les mutins, vous entendrez la même plainte, la même désolation. Une citoyenne déplorait cet embrasement urbain : « Désacraliser des monuments aux morts, je ne peux voir ça comme une forme d’hommage à Nahel ». Elle ajoutait que la violence renforçait les stigmates qui marquent les cités.

Bien sûr, il faut lutter contre le fléau de la discrimination, mais si on veut vraiment comprendre, il faut cesser de dénier et tout regarder, y compris les traits culturels et familiaux des émeutiers. Un élément qui a retenu l’attention des observateurs de ces émeutes, c’est le jeune âge des enragés, des jeunes de 13 ans même.

Leur rage destructrice aurait-elle pour source un milieu familial et clanique violent ?

S’appuyant sur les travaux de psychologues maghrébins et entourés d’une équipe des Centres Éducatifs Renforcés dont la majorité des membres est issue d’Afrique du Nord, le pédopsychiatre Maurice Berger répondrait oui, car il œuvre précisément sur le terrain auprès des mineurs violents de sa région dont une majorité est issue de l’immigration.

Son travail déborde du cadre psychothérapeutique classique, mais cherche à pallier les négligences et maltraitances à l’intérieur de familles souvent liées à un milieu intégrant l’inégalité homme-femme.

Soixante-neuf pour cent des adolescents très violents rencontrés ont en effet été exposés à des scènes de violence conjugale pendant les deux premières années de leur vie. Ces enfants se réfugient malheureusement dans les clans où la virilité rime avec violence et absence de limites, où la loi du groupe prime sur la loi de l’État. Le quartier devient un oripeau d’identité. L’entretien curatif permet aux adolescents de vivre une expérience d’affrontement sans destruction au sens de Winnicott⁠1.

Ce médecin, qui a également enseigné à l’École nationale de la magistrature, n’est pas un populiste de la droite identitaire, Monsieur Morin, c’est un spécialiste internationalement reconnu de la violence chez les adolescents. Écoutons-le.

La voie éducative et l’assistance aux parents devraient être valorisées. Est en effet essentielle la transmission familiale de la valeur du respect d’autrui dans toutes ses dimensions. Une justice qui n’abuse pas des peines avec sursis aiderait aussi. On s’épargnerait un travail de reconstruction, non seulement de la personne, mais aussi de la Cité.

⁠1 Voir en particulier M. Berger, Sur la violence gratuite en France : Adolescents hyper-violents, témoignages et analyse, Ed. L’Artilleur, 2019.

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