À l’occasion de son passage au Royaume-Uni la semaine dernière, la ministre de la Défense, Anita Anand, a rencontré son homologue britannique afin de discuter d’enjeux communs, dont la guerre en Ukraine.

Contrairement à Ben Wallace, la ministre Anand a refusé de se commettre en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Cette position est non seulement contraire aux engagements passés du Canada, elle aura aussi pour conséquence de rendre la politique de défense canadienne plus coûteuse, moins crédible et moins efficace.

En vue du sommet de l’OTAN à Vilnius les 11 et 12 juillet, le premier ministre Trudeau devrait revoir la position canadienne et promouvoir un processus formel d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.

PHOTO STEFAN ROUSSEAU, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La ministre de la Défense du Canada, Anita Anand (à gauche), et son homologue britannique, le secrétaire Ben Wallace, le 29 juin dernier à Londres

Lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008, le premier ministre Harper militait en faveur d’une adhésion complète de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Alliance atlantique. À l’époque, la majorité des pays européens s’y opposait, arguant qu’une telle démarche provoquerait une agression russe. Le 24 février 2022 a démontré que la Russie n’avait pas besoin d’une excuse pour envahir l’Ukraine.

L’absence d’alliés prêts à défendre l’Ukraine a conduit le président Poutine à croire qu’une guerre éclair lui permettrait de faire tomber le gouvernement ukrainien et de prendre le contrôle du pays.

Si les alliés avaient adopté la position canadienne en 2008, le président russe y aurait pensé à deux fois avant de donner l’ordre d’attaquer brutalement l’Ukraine. Les Ukrainiens n’auraient pas payé le prix du sang et les alliés n’auraient pas déboursé des dizaines de milliards pour soutenir l’Ukraine, dont plus d’un milliard du Canada.

Une garantie pour l’avenir

L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est la meilleure façon d’empêcher toute future agression russe – et la moins coûteuse. En refusant, comme en 2008, un processus formel d’adhésion, les alliés signaleront au Kremlin qu’il est possible de gagner la guerre en poursuivant son occupation militaire de l’Ukraine.

La paix en Ukraine repose sur la capacité d’imposer des coûts prohibitifs à la Russie, de façon à la forcer à mettre fin à son invasion. En refusant l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, les alliés devront accroître significativement leur soutien militaire à l’Ukraine s’ils souhaitent convaincre la Russie que l’invasion n’en vaut pas la peine.

Les alliés débattent d’autres façons de signaler leur solidarité à l’Ukraine en deçà d’une adhésion formelle à l’OTAN. Certains proposent par exemple l’offre de garanties de sécurité sans traité formel d’alliance. Or, l’Ukraine bénéficiait déjà de telles garanties, dans le mémorandum de Budapest de 1994, ce qui n’a pas empêché l’invasion russe.

La principale crainte d’une adhésion formelle consiste à croire que cela obligerait les alliés à défendre l’Ukraine et, donc, les forcerait à entrer en guerre directe contre la Russie. Un tel scénario est évidemment à éviter, mais il n’est pas inéluctable.

L’adhésion n’est pas automatique

Le lancement d’un processus d’adhésion ne signifie pas que l’Ukraine serait membre immédiatement et que les alliés devraient invoquer l’article 5 qui stipule que l’agression de l’un des alliés est une agression contre tous les alliés. Le processus d’adhésion habituel passe par un Plan d’action pour l’adhésion (PAA), qui impose des conditions (par exemple, des réformes démocratiques) qui prennent des années à réaliser avant l’adhésion. Ainsi, le Monténégro a rejoint l’OTAN 8 ans après le début du PAA, la République de Macédoine, 11 ans, et la Bosnie-Herzégovine n’est toujours pas membre après 13 ans de PAA.

Bien sûr, la Finlande a rejoint l’OTAN en moins d’un an en raison de l’absence de conditions posées à son adhésion. Cela n’est pas le modèle le plus probable et le plus adapté à l’Ukraine, car cette dernière devra apporter un nombre important de réformes avant de pouvoir rejoindre l’Alliance.

Autrement dit, l’offre d’un PAA à l’Ukraine lors du sommet de l’OTAN à Vilnius n’entraînerait pas une adhésion immédiate ni une obligation automatique de défense, mais signalerait à Poutine qu’il est inutile de prolonger sa guerre : l’Ukraine ne sera jamais sous son giron.

L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ne serait pas une panacée. Les pays baltes sont membres de l’Alliance, mais requièrent néanmoins la présence de dizaines de milliers de troupes alliées sur leur territoire afin de dissuader la Russie de les envahir. Mais l’adhésion demeure l’option la moins chère pour assurer la sécurité de l’Ukraine et de l’Europe. Il est beaucoup plus dispendieux de prolonger la guerre en n’offrant pas suffisamment d’aide militaire à l’Ukraine pour vaincre les forces russes sur son territoire ou en augmentant son aide afin de lui donner les moyens de repousser les agresseurs.

La meilleure façon de mettre fin à cette guerre est de faire comprendre au président Poutine qu’aucune victoire n’est possible. Pour ce faire, il faut changer la perception que la Russie pourra contrôler l’Ukraine si elle poursuit assez longtemps son invasion, jusqu’à ce que les Occidentaux – et un nouveau président américain – se lassent de soutenir Kyiv.

L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est la solution la moins coûteuse pour mettre fin à la guerre. Espérons que le gouvernement Trudeau aura le courage d’œuvrer pour la paix.

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