Le 28 juin, on apprenait le départ du responsable des énergies renouvelables chez la pétrolière Shell, après une restructuration reléguant ce secteur d’activité aux unités géographiques de l’entreprise.

La nouvelle n’est pas passée inaperçue dans le milieu de l’énergie. L’arrivée en 2021 chez cette major britannique de ce cadre venant de la société danoise Orsted, Thomas Brostrom, avait inspiré les partisans de la transition énergétique. Car Orsted est l’exemple parfait d’une société ayant volontairement délaissé les énergies fossiles au profit des renouvelables, notamment l’éolien extracôtier, et ce, en seulement une dizaine d’années.

Si ce départ retient l’attention, c’est qu’il est symptomatique du manque réel de volonté de la part du « Big Oil » de basculer dans les énergies renouvelables.

Si les entreprises du « Big Oil » sont bien connues du grand public (les américaines ExxonMobil et Chevron, les européennes BP, Shell, TotalEnergies, etc.), il faut rappeler qu’elles sont responsables d’à peine 15 % de la production mondiale de pétrole. La majorité est assurée par les sociétés d’État de quelques pays producteurs, tels que l’Arabie saoudite, la Chine, l’Iran, le Qatar, la Russie et le Venezuela.

Étant sous la houlette de régimes non démocratiques, ces firmes ne subissent pratiquement aucune pression de la société civile visant à mettre sérieusement en œuvre des stratégies de décarbonation et de transition vers des énergies peu ou pas carbonée.

C’est le contraire pour les entreprises privées. Établies dans des pays démocratiques tels que les États-Unis, le Canada, la France et la Grande-Bretagne, elles sont cotées en Bourse, propriété de divers actionnaires, et sont davantage soumises aux pressions des analystes financiers et de la société civile.

Changement de cap ?

Parmi celles-ci, les entreprises européennes ont répondu à ces pressions en mettant le pied dans le secteur des énergies renouvelables au cours des dernières années. Elles l’ont fait dans des proportions modestes, mais tout de même appréciables à l’échelle des projets, étant donné le gigantisme de ces entreprises, dont les investissements annuels se chiffrent en dizaines de milliards.

Mais l’année 2022 semble avoir considérablement affaibli cette volonté, alors que les pétrolières ont engrangé des profits records. Leurs actionnaires, après une décennie de rendements inférieurs aux attentes, ont demandé à être grassement rétribués.

Par conséquent, les dirigeants sont plus que jamais encouragés à poursuivre résolument leurs activités dans la production pétrolière et gazière au lieu de réinvestir une partie de leurs profits dans les énergies renouvelables. En langage financier, ils veulent désormais rester des pure players, soit des entreprises collant à leurs activités centenaires.

Outre Shell, la firme BP a elle aussi indiqué vouloir réduire la voilure de ses ambitions de décarbonation pour le reste de la décennie. Alors qu’elle avait pour objectif de baisser de 40 % sa production de pétrole et de gaz d’ici 2030 par rapport à 2019, elle vient de ramener cet objectif à 25 %.

Plus que jamais, le point de vue du « Big Oil » est de déployer des efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre liées à ses propres activités tout en ouvrant grandes les valves de la production pétrolière et gazière. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale de pétrole augmentera de 2,4 millions de barils par jour cette année, pour atteindre 102,3 millions de barils par jour, un record.

Il y avait bien quelques espoirs que les ressources exceptionnelles dont jouissent ces entreprises soient mises au service de la transition énergétique. Mais tout porte à croire à présent que le « Big Oil » ne contribuera pas, au cours de cette décennie, à ce vaste chantier, qui est pourtant le grand défi de notre temps.

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