Avec la fête du Canada qui approche, il apparaît opportun de réfléchir au sens du pays qu’est le Canada et à l’avenir du Québec dans le contexte d’un Canada postnational. Nombreux sont les Québécois qui éprouvent un réel malaise à s’identifier comme Canadiens. Pour reprendre les mots du politologue Guy Laforest, ce sont des exilés de l’intérieur, des personnes qui se sentent mal à l’aise, qui vivent comme des étrangers au sein de leur propre pays⁠1.

Les Québécois ont longtemps nourri un rêve canadien, selon l’expression décrite par Laforest⁠2. Le vieux rêve canadien des Québécois reposait essentiellement sur le dualisme national, sur la reconnaissance constitutionnelle des deux nations, des deux peuples fondateurs au Canada. À des degrés divers ou sous des formes différentes, le dualisme aura été la position fondamentale des Étienne Parent, George-Étienne Cartier, Louis-Hippolyte La Fontaine, Henri Bourassa, André Laurendeau, Claude Ryan⁠3... Le fédéralisme devait permettre à la nation québécoise de jouir de l’autonomie suffisante pour protéger son identité culturelle et s’épanouir selon ses propres valeurs, comme condition d’adhésion à la nation politique canadienne.

La Charte canadienne des droits et libertés qui a été imposée au Québec n’intègre pas l’esprit fédéral et nie l’existence de la nation québécoise. Elle ne tient pas compte du fait que le Québec forme au Canada une société nationale distincte. Elle fait la promotion du multiculturalisme et porte atteinte aux pouvoirs de l’Assemblée nationale, notamment en matière linguistique.

Avec le rejet de l’accord du lac Meech en 1990 qui visait à réparer l’affront constitutionnel de 1982, le rêve dualiste des Québécois est véritablement mort et enterré !

La Constitution de 1982 n’a pas été soumise à l’approbation des citoyens, tout comme celle de 1867. Le non à la souveraineté du Québec n’a jamais signifié un oui formel et enthousiaste au Canada de la part des Québécois. Il n’est pas banal de souligner qu’aucun gouvernement québécois n’a endossé la Loi constitutionnelle de 1982.

Porte close

En 2017, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a invité le premier ministre Justin Trudeau à un dialogue sur la politique d’affirmation du Québec intitulée Québécois, notre façon d’être Canadiens, en soulignant notamment le sentiment d’exil intérieur des Québécois. Justin Trudeau a cavalièrement fermé la porte à toute discussion à ce sujet avant même d’avoir lu le document ! Plus près de nous, le premier ministre François Legault a réclamé d’Ottawa les pleins pouvoirs en matière d’immigration, avec des résultats similaires… La loi 96 adoptée récemment par Québec et portant sur la langue officielle et commune du Québec ne changera pas substantiellement la dynamique constitutionnelle et politique au Canada.

La demande répétée de reconnaissance nationale du Québec dans la Constitution canadienne est irrecevable, voire dépassée, dans un Canada devenu postnational, multiculturel, voire diversitaire.

En effet, selon Justin Trudeau, le Canada serait devenu le premier État postnational au monde sans culture commune, sans identité propre, sans société d’accueil, fondé sur la reconnaissance constitutionnelle de droits individuels et la diversité des identités comme finalité⁠4. En somme, le Canada constituerait une sorte de contenant désincarné. Dans la même ligne de pensée, en adoptant une politique d’immigration massive, le Canada favorise une marginalisation progressive du poids politique du Québec dans le Canada. La menace d’assimilation est plus forte que jamais.

La question existentielle se pose alors avec acuité pour les Québécois : peuvent-ils adhérer et participer pleinement à l’aventure canadienne sans abandonner leur identité propre ? Le Québec est-il condamné à disparaître comme nation, à mourir à petit feu, dans le contexte démographique et constitutionnel canadien ?

Pour éviter de subir encore longtemps l’exil à l’intérieur du Canada et avant qu’il ne soit trop tard, les Québécois doivent réfléchir à leur avenir collectif et se mobiliser. Le Québec n’est-il pas, « aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développemen⁠5 » ?

1. Un Québec exilé dans la fédération – Essai d’histoire intellectuelle et de pensée politique, Guy Laforest, Québec-Amérique, 2014

2. Trudeau : la mort d’un rêve canadien, Guy Laforest, Les éditions du Septentrion, 1992

3. Ibid.

4. Lisez « L’idéologie d’un État postnational »

5. Robert Bourassa, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 34e législature, 1re session, vendredi 22 juin 1990 – vol. 31 n° 62

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