L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 a permis à la Pologne, plus réputée pour ses tensions avec l’Union européenne (dont elle est membre) sur des questions d’État de droit, de se refaire une réputation. Elle est devenue un pilier majeur de l’OTAN et un des alliés les plus fidèles de l’Ukraine.

Elle est également l’un des États qui accueillent le plus de réfugiés fuyant ce conflit. Le président américain Joe Biden est venu deux fois à Varsovie, faisant de la Pologne l’un des pays européens les plus visités par son administration.

Cet activisme s’explique par des raisons historiques.

Pologne et Russie : un intérêt commun pour l’Ukraine

La Pologne est un État influent en Europe centrale qui s’est historiquement positionné comme un rival de la Russie depuis des siècles.

Le fait que ce pays ait été sous occupation russe et soviétique plusieurs fois dans son histoire a contribué à un fort ressentiment polonais, exacerbé par le partage de son territoire à la fin du XVIIIsiècle entre la Prusse, l’Empire russe et l’Empire d’Autriche ou par l’occupation soviétique après la Seconde Guerre mondiale.

À cet égard, la crainte de l’URSS reste présente dans la mentalité des Polonais. La guerre soviéto-polonaise de 1920 entre l’Union soviétique naissante et la Pologne qui venait de retrouver son indépendance après la fin de la Première Guerre mondiale, le pacte germano-soviétique qui amena l’Allemagne nazie et l’URSS stalinienne à envahir la Pologne et les révélations sur le massacre d’une partie des élites polonaises dans la forêt de Katyn en 1940 sont des exemples d’évènements qui ont alimenté une perception négative des Russes par les Polonais. Cette antipathie joue aujourd’hui un rôle crucial dans le conflit russo-ukrainien.

À cela s’ajoute le fait que l’Ukraine s’est retrouvée dans la zone d’influence des deux pays et a été occupée par ceux-ci. Au XIVe siècle, sous le règne du roi polonais Casimir le Grand, la Galicie-Volhynie, qui correspond en partie à l’ouest de l’Ukraine moderne, est annexée par la Pologne qui procède alors à une politique d’acculturation des peuples ukrainiens. Celle-ci s’achève en 1569 quand le territoire devient polonais, étant désormais intégré dans celui de la nouvelle Pologne-Lituanie. Toutefois, cette acculturation va être contestée. Au XVIIe siècle, les populations cosaques, qui peuplaient l’est de l’Ukraine, organisent des soulèvements pour que les territoires ukrainiens puissent acquérir une certaine indépendance vis-à-vis de la Pologne. La Russie moscovite est alors appelée à l’aide, menant, en 1654, au traité de Pereïaslav et à la mise sous protection russe d’une partie non négligeable de l’Ukraine.

La fin de la Première Guerre mondiale va à nouveau modifier la situation ukrainienne. L’ouest de l’Ukraine (autour de la région de Lviv) redevient un territoire polonais, tandis que le reste du pays reste dans l’URSS naissante. Cette division géographique a encore des conséquences non négligeables à l’heure actuelle : les Ukrainiens les plus partisans d’un rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN se situent dans les anciennes régions polonaises.

Une Pologne attentive au devenir de l’Ukraine au XXIsiècle

La Pologne, à l’instar des pays baltes, va se montrer attentive et active vis-à-vis de la situation géopolitique de l’Ukraine au XXIe siècle, et ce, tout particulièrement dès les manifestations pro-européennes en Ukraine en 2013, appelées « Euromaidan », et après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Outre le fait que l’Ukraine et la Pologne partagent une frontière avec la Russie, qu’il s’agisse du territoire métropolitain ou de l’enclave russe de Kaliningrad, limitrophe du territoire polonais, ces pays embrassent également la même volonté d’empêcher un retour en force de la Russie en Europe, surtout sous la forme d’un interventionnisme militaire.

Conformément à la volonté du gouvernement conservateur (PiS) actuellement au pouvoir en Pologne de devenir une puissance régionale et de retrouver une zone d’influence en Europe, Varsovie a multiplié les initiatives pour soutenir l’Ukraine, et ce, bien avant 2022.

Les plus notables sont la création du Bucharest Nine en 2015, un forum informel au sein de l’OTAN composé des pays membres d’Europe centrale pour pousser l’Organisation à faire face à la Russie, ou le triangle de Lublin créé en 2020 entre la Pologne, la Lituanie et l’Ukraine pour renforcer la coopération entre les trois pays.

Il convient de rappeler que Lublin est la ville où fut signée l’Union entre la Pologne et la Lituanie en 1569, marquant la naissance de la république des Deux Nations. Une référence historique qui n’est pas anodine dans un contexte où les différents camps utilisent et instrumentalisent l’Histoire pour justifier leurs politiques internationales.

Ainsi, l’Ukraine est désormais redevenue le terrain de la rivalité russo-polonaise. Toutefois, le mérite polonais est de mener pour l’instant sa politique d’influence par la diplomatie.

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