Dernièrement, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a entrepris une nouvelle étude pour déterminer le profil particulier d’enfants autistes qui répondraient de manière positive aux interventions comportementales intensives (ICI). Par le fait même, on souhaite déterminer le profil d’enfants autistes pour qui ces interventions ne seraient pas bénéfiques.

À noter qu’en 2014, l’INESSS a conclu dans un rapport⁠1 que « les données probantes sur l’efficacité des interventions de réadaptation demeurent insuffisantes pour conclure hors de tout doute qu’une intervention produit les effets attendus ». De plus, l’INESSS ajoutait que dans la revue systématique⁠2, « le niveau de preuve quant à l’efficacité des interventions a été évalué comme “insuffisant”, à l’exception du programme UCLA/Lovaas pour lequel ce niveau est qualifié de “faible” ». Malgré cette insuffisance d’efficacité, l’INESSS a recommandé que les ICI continuent d’être dispensées au Québec pour les enfants d’âge préscolaire.

Ainsi, si l’INESSS conclut elle-même que les ICI ont une efficacité insuffisante, comment pourrait-elle faire une étude qui déterminerait le profil d’enfants autistes chez qui les ICI seraient efficaces ? Puis tout d’abord, comment se fait-il que l’INESSS a recommandé une intervention médicale qui ne produit pas les effets attendus chez de jeunes enfants autistes en 2014 ?

Une intervention médicale ne devrait pas être recommandée à la légère. Scientifiquement, une intervention doit démontrer son efficacité. Surtout, les études doivent démontrer que les bénéfices de l’intervention sont supérieurs aux préjudices encourus. Est-ce le cas ?

Depuis plusieurs années, il subsiste énormément de controverse quant aux ICI. Déjà en 2016, le DLaurent Mottron⁠3 soulignait que « l’intervention précoce en matière d’habiletés sociales et de langage chez les autistes n’a pas donné de résultats concluants ». Lorsqu’on utilise ces méthodes, « c’est comme si on criait à un sourd congénital, au lieu de l’aider avec le langage des signes », illustrait-il. Tout récemment, le rapport de l’Académie canadienne des sciences de la santé (ACSS)⁠4 mentionnait que bien que de nombreux travaux de recherche avaient été menés au sujet des interventions comportementales intensives (ICI) et que ceux-ci démontraient leur efficacité, la rigueur méthodologique de ces recherches était faible.

Modifier notre regard

La communauté autistique se prononce en défaveur de ces programmes intensifs qui sont une forme de violence faite aux autistes. Grâce à la voix de nombreux autistes, la reconnaissance de l’autisme comme profil cognitif divergent par l’entremise du concept de la neurodiversité a également permis de modifier notre regard sur l’autisme et de diminuer les efforts pour atténuer les caractéristiques intrinsèques de l’autisme et ainsi, respecter le profil atypique des autistes. Le paradigme de la neurodiversité invite à mettre l’accent sur le soutien au développement des compétences naturelles, sur la régulation des émotions, sur la participation inclusive, sur la mise à profit des forces et sur l’importance d’offrir des conditions optimales pour que les autistes aient une vie épanouissante⁠5.

En plus de ne pas correspondre au profil particulier des autistes, ces méthodes outrepassent les droits fondamentaux des enfants.

Ces interventions sont contraires à l’éthique et c’est également le constat fait par le dernier rapport de l’ACSS. Toutes les problématiques liées à l’éthique ne sont aucunement considérées lorsque Québec recommande les interventions comportementales intensives, soit la violence inhérente de ces méthodes envers les autistes⁠5. De plus en plus d’adultes autistes ayant été contraints de suivre ces interventions comportementales témoignent des violences subies et des traumatismes engendrés qui affectent grandement leur qualité de vie en tant qu’adultes aujourd’hui. D’ailleurs, il a été mis en évidence que 46 % des autistes ayant été exposés à ces interventions dans leur enfance présentent à l’âge adulte un syndrome de stress post-traumatique⁠6.

Involontairement, les interventions comportementales envoient le message suivant à l’enfant : mes comportements, mes gestes sont mauvais, je suis donc mauvais, je suis nul, je n’ai pas de valeur. Quand je suis en détresse, je suis ignoré, je suis seul. Mes émotions et mes besoins ne sont pas légitimes. Également, ces interventions rendent les autistes complètement dépendants de leur environnement extérieur, incapables de reconnaître leurs émotions et leurs besoins fondamentaux⁠7.

À l’inverse des interventions comportementales, une approche développementale basée sur le soutien de la maturité cérébrale, l’accueil et la régulation des émotions permet à l’enfant de prendre conscience de son corps, de ressentir pleinement ses sensations, ses émotions qui sont à la base même de ses besoins et donc de son autonomie. Que souhaitons-nous offrir aux autistes ?

1. Lisez le rapport de l’INESSS

2. Une revue systématique réalisée aux États-Unis pour l’Agency for Healthcare Research and Quality en 2011 et mise en contexte pour le Québec, c’est-à-dire des données probantes.

3. L’intervention précoce pour enfants autistes, Laurent Mottron, MARDAGA, 2016

4. Lisez les réflexions de l’Académie canadienne des sciences de la santé

5. Ali et coll., 2012 ; Milton et coll., 2014 ; Mottron, 2017 ; Lai et coll., 2020

6. Lisez le texte de Michelle Dawson (en anglais) 7. Lisez le texte de Mélanie Ouimet Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion