Les questions concernant la langue et son enseignement suscitent régulièrement de l’intérêt dans les médias ; on l’a vu encore récemment à propos de la réforme de l’accord des participes passés. De nombreuses opinions ont été émises sur les réseaux sociaux, qui transportent malheureusement leur lot d’inexactitudes. Nous aimerions rectifier ici certaines perceptions erronées pour mieux recentrer le débat public autour des enjeux véritables.

Pourquoi les enseignants veulent-ils une réforme ?

Précisons d’abord que ce ne sont pas les enseignants du Québec qui ont proposé la réforme du participe passé. Cette proposition émane du Conseil international de la langue française (CILF), un organisme panfrancophone dont le siège est à Paris, et elle a été appuyée par diverses associations et organismes, dont la Fédération internationale des professeurs de français en 2016 et l’Association belge des professeurs de français en 2017. L’Association québécoise des professeur·e·s de français (AQPF) s’est jointe à ce mouvement en 2021. Et les débats se poursuivent, comme il se doit, dans la francophonie.

Les règles d’accord du participe passé ne reflètent pas toujours la logique générale des accords en français, car elles ont été en partie copiées sur la langue italienne au XVIe siècle. Elles ont souvent été critiquées depuis 400 ans, notamment par des écrivains célèbres tels que Molière et Voltaire. Au fil du temps, elles se sont complexifiées par l’ajout d’exceptions qui tendaient chaque fois vers plus d’invariabilité. Il est temps maintenant, pensent les spécialistes, de rétablir une cohérence dans ces règles afin de les rendre plus conformes au fonctionnement réel du français.

Ainsi, la réforme proposée par le CILF représente une clarification qui ne dénature pas fondamentalement la langue. Au Québec, elle correspond aux règles déjà enseignées au primaire, et elle supprimerait toutes les « exceptions » enseignées au secondaire, lesquelles doivent être répétées jusqu’à l’université. De nombreux enseignants sont exaspérés d’enseigner ces cas particuliers qui sont le plus souvent oubliés aussitôt les examens terminés, puisque leur fréquence est trop faible dans les vrais textes. Ils souhaitent concentrer leurs efforts sur les cas réguliers pour en assurer la maitrise. C’est pourquoi ils appuient généralement la réforme proposée.

Le ministère de l’Éducation peut-il changer la langue ?

Le Ministère ne peut pas changer la langue, mais il peut contrôler les priorités de l’enseignement et les contenus des examens en se basant sur les recommandations des experts.

En France, il est arrivé que le ministère de l’Éducation émette des directives pour modifier la correction des rédactions. Ainsi, l’arrêté Haby de 1976 avait demandé qu’on ne pénalise plus l’accord du participe passé précédé du pronom « en » ni l’invariabilité du participe « laissé » suivi d’un infinitif. Cette dernière tolérance a ensuite été avalisée par l’Académie française en 1990.

Idéalement, nous souhaitons que le Ministère puisse réunir autour d’une table des linguistes et des personnes d’expérience en enseignement quand viendra le temps de revoir les exigences des programmes et les critères de correction des examens.

Les faits étant rectifiés, le débat peut se poursuivre.

 * Cosignataires : Annie Desnoyers, linguiste et gestionnaire de projet en francisation à l’Université de Montréal ; Mireille Elchacar, professeure de linguistique à l’Université Téluq ; Marie Jutras, doctorante en sciences du langage à l’Université de Sherbrooke et enseignante

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