La situation financière de l’UQAM aura fait l’objet d’interventions publiques portant tantôt sur sa fragilité, mais aussi sur « l’iniquité linguistique » qui pourrait prévaloir dans l’attribution des subventions universitaires. Ce premier de deux textes discute de sa posture financière et des causes probables. Le second texte discute de solutions possibles, mais nuance également la conception d’iniquité institutionnelle en matière de financement des universités.

La subvention de fonctionnement qu’accorde Québec aux universités dépend des inscriptions étudiantes et des crédits budgétaires consacrés aux universités.

Si les inscriptions diminuent, la subvention diminue. Si les crédits budgétaires augmentent, la subvention augmente.

Les perspectives financières

Nous présentons les historiques d’inscriptions et de subventions de l’UQAM aux Figures 1a et 1b. Depuis 2015, l’UQAM est affligée d’une baisse de 16 % d’effectifs, ce qui se traduit par une baisse équivalente en droits de scolarité. Conséquemment, il y a une baisse associée à la subvention de fonctionnement.

Des dispositions techniques décalent et étalent cette diminution dans le temps, mais depuis 2017, sa subvention a diminué de 9 % (en dollars constants). Cette baisse est partiellement atténuée par l’apport de nouveaux fonds que consacre Québec aux universités.

Tant que l’établissement ne renoue pas avec les inscriptions et que les règles de subventions demeurent les mêmes, cette tendance ne sera pas appelée à changer.

Les causes probables

La pénurie de main-d’œuvre affecte les inscriptions universitaires. Elles ont tendance à baisser quand le taux de chômage est faible (et vice versa). Le taux de chômage est à peine au-dessus de son creux historique (4,2 % en mars 2023) et l’UQAM s’avère plus sensible que d’autres établissements à ces variations.

L’UQAM est alors doublement affectée : la baisse directe d’inscriptions, mais aussi le déplacement d’inscriptions d’étudiants qui avaient l’UQAM en deuxième choix vers d’autres établissements qui font aussi face à une demande moins forte.

Cet effet est probablement plus important chez les universitaires de première génération, qui ont moins de pression parentale pour obtenir un diplôme.

Une autre hypothèse plausible peut affecter les baisses récentes d’inscriptions. Le nouveau programme de bourses incitatives du gouvernement du Québec cible des secteurs jugés en pénurie de main-d’œuvre par l’entremise de disciplines qui sont moins présentes à l’UQAM. Si ces bourses augmentent les inscriptions dans les programmes ciblés, elles causeraient alors une substitution d’inscriptions vers d’autres établissements.

Finalement, l’ouverture d’un campus adjacent de HEC Montréal, qui est prévue cette année, pourra accentuer la baisse d’inscriptions. D’autres différences systématiques entre les établissements, qui ont peu changé au cours des dernières années, nous semblent peu convaincantes pour expliquer les variations d’effectifs.

La faute des ingénieurs ?

On évoque un désavantage de l’UQAM de par les politiques provinciales de subvention qui avantageraient les établissements avec des disciplines dites « payantes » aux fins de subventions. Ces affirmations méritent des nuances.

Les disciplines de génie et de sciences de la santé étant plus coûteuses, elles sont associées à une subvention de fonctionnement par étudiant qui est plus élevée. Ce faisant, les établissements avec des facultés de génie et de médecine reçoivent plus de subventions.

Pour illustrer l’impact, nous avons créé une « UQAM 2.0 » comprenant une faculté de médecine équivalente à celle de l’Université Laval et une faculté de génie équivalente à l’École de technologie supérieure. Cette UQAM 2.0 prend alors une taille, en termes d’inscriptions, comprise entre l’Université McGill et l’Université Laval. Nous lui accordons alors du financement en vertu des règles de subvention des 20 dernières années et la comparons à d’autres institutions. La figure 2a présente l’évolution de la subvention de fonctionnement alors que la figure 2b montre la subvention par étudiant.

On remarquera que l’UQAM 2.0 rivalise avec l’Université de Montréal, la championne en matière de subvention reçue. Mais attention aux mirages : cette UQAM 2.0 aurait également à financer les dépenses de deux nouvelles facultés coûteuses !

De plus, l’ajout de ces facultés est suffisant pour expliquer la différence de subvention de fonctionnement avec la plus avantagée (l’Université de Montréal), signifiant que la performance de l’UQAM à recevoir des fonds dans d’autres disciplines est égale ou supérieure aux autres établissements.

Finalement, c’est une université francophone qui trône au palmarès des subventions de fonctionnement reçues. En somme, l’idée que l’UQAM soit foncièrement désavantagée nous semble exagérée.

Il ne faut néanmoins pas oublier que les subventions de fonctionnement des universités ne constituent pas le financement complet des établissements. Dans un deuxième texte, nous nuancerons également l’idée qu’une division linguistique est facteur discriminant des universités. Ce qui est ici à retenir, c’est que le marché du travail est un facteur important pour expliquer l’état des inscriptions universitaires.

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