Dans son compte rendu vidéo quotidien aux Ukrainiens, enregistré le 18 février dernier, le président Volodymyr Zelensky, malgré une fatigue évidente qui marque ses traits et son regard après un an de guerre défensive contre l’agression de son voisin russe, s’est pourtant réjoui au vu des résultats anticipés de la Conférence de sécurité de Munich : « L’agression russe n’aura qu’une seule finale, à savoir la défaite de l’État terroriste. Et nous devons tout faire pour hâter la défaite russe. La pression du monde doit être telle que la Russie n’ait pas le temps de trouver de nouvelles formes de terreur. »

Alors qu’on souligne le premier anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ; alors que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, déclarait, le 18 février dernier, dans une entrevue sur les ondes du réseau CBS, que la Chine envisage de fournir un soutien létal, notamment des armes et des munitions, pour aider Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine ; alors qu’on dénombre depuis 7199 civils morts et plus de huit millions de réfugiés dispersés en Europe selon les Nations unies, il est toujours opportun de se demander si les sanctions économiques imposées à la Russie sont vraiment efficaces pour hâter la défaite russe.

Rappelons d’entrée de jeu que l’objectif déclaré des sanctions est double : premièrement, affaiblir l’économie russe en réduisant également, de manière conséquente, la portée et l’impact de ses forces militaires disponibles. Deuxièmement, envoyer un message politique et stratégique clair à la Russie – la cohésion et la fermeté des alliés de l’Ukraine est solide. Ces alliés parlent d’une seule voix face à l’agression russe perpétrée contre l’Ukraine et sa population.

Cela dit, précisons aussi que les sanctions économiques contre un État s’inscrivent généralement dans une perspective à moyen et à long terme. Les sanctions ne sont pas les outils privilégiés dans le court terme.

À titre d’exemple révélateur, souvenons-nous que les sanctions partielles adoptées par les Occidentaux au lendemain de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 n’ont pas eu les résultats escomptés ; elles étaient trop faibles pour freiner la croissance de l’économie russe de manière sentie et efficace.

De plus, elles n’ont pas dissuadé du tout la Russie d’agresser l’Ukraine de nouveau au matin du 24 février 2022.

La raison principale de l’échec des sanctions économiques imposées en 2014 s’explique donc par leur caractère trop sélectif et restreint. Le pétrole et le gaz notamment, les principales ressources d’exportation de l’économie russe, n’ont alors été affectées que très partiellement et sans grande conséquence pour les finances de l’État poutinien.

Catastrophe économique pour la Russie ?

De la même façon, si l’on en croit un article récent paru dans The Economist, les sévères sanctions européennes et américaines introduites dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine en février 2022 étaient censées isoler l’économie russe. Or, avec seulement la moitié du monde observant ces mesures, la réalité s’est révélée notoirement plus complexe.

Les commerçants de pays amis comme la Turquie, le Kazakhstan, l’Inde et la Chine facilitent désormais l’importation des biens soumis aux restrictions dont la Russie a besoin, moyennant un prix. Ainsi, en septembre 2022, les importations russes en dollars ont dépassé leur valeur mensuelle moyenne de 2019. Ces pays ont également pris une grande partie des exportations de matières premières que la Russie envoyait autrefois vers l’Europe avec, cette fois, une forte réduction.

Cela a permis au Kremlin d’éviter une catastrophe économique. Le produit intérieur brut (PIB) s’est contracté de seulement 2,2 % l’année dernière, ce qui a battu en brèche les prévisions de nombreux économistes qui tablaient au printemps sur une baisse de 10 % ou plus, ce qui est loin d’être suffisant pour paralyser l’effort de guerre de Poutine.

Le chômage reste faible. Les prix de l’immobilier ont cessé d’augmenter, mais il n’y a aucun signe d’effondrement. Les dépenses de consommation pèsent sur l’économie, mais pas de manière significative.

En 2023, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit même que la Russie connaîtra une croissance supérieure de 0,3 % à celle de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne… !

En somme, cela explique pourquoi les pays membres de l’Union européenne ont adopté, difficilement et après des négociations serrées, le vendredi 24 février 2023, jour du premier anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine, un dixième paquet de sanctions contre la Russie.

Ce nouveau paquet de sanctions consiste notamment en un renforcement des restrictions aux exportations de biens à usage civil ou militaire à la Russie et en des mesures contre des entités soutenant l’effort de guerre et la communication de la Russie, ainsi que la livraison de drones aux Russes.

Les Vingt-Sept ont arraché cet accord alors qu’il ne leur restait plus que deux heures pour y parvenir en cette date symbolique du premier anniversaire de la guerre en Ukraine. Pour arriver à ce résultat, il leur a fallu surmonter les réticences de la Pologne, adepte d’une ligne dure à l’égard de la Russie.

Pour l’Union européenne, ces sanctions visent à compliquer le financement par la Russie de son intervention militaire en Ukraine et à priver son armée des technologies et des équipements nécessaires à son effort de guerre.

Ces mesures ciblent également des individus considérés par les pays occidentaux comme des propagandistes du Kremlin ou, selon Kyiv, comme des responsables de l’enlèvement d’enfants ukrainiens vers la Russie, ou encore des personnes impliquées dans la fabrication de drones iraniens déployés sur le front.

Ce nouveau paquet de sanctions élargit aussi la liste des banques écartées du système SWIFT de paiements internationaux, telles qu’Alfa-Bank et Tinkoff, et réduit de plus de 10 milliards d’euros supplémentaires les échanges commerciaux entre l’Union européenne et la Russie, selon la Commission européenne.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion