L’économie russe plie, mais ne rompt pas. Après un an de guerre, elle supporte encore sa mise au ban et le poids de sanctions économiques sans précédent.

En 2022, le produit intérieur brut russe a reculé de 2,2 %, un bilan bien moins catastrophique que ne l’avaient prévu la plupart des observateurs. L’inflation pointe à 11,8 % au début de 2023, selon l’agence officielle de statistique russe, Rosstat, dont les chiffres doivent toutefois être considérés avec précaution.

Faute de mieux, le Fonds monétaire international s’y appuie et prévoit une croissance positive en 2023 pour le pays qui fait preuve d’une formidable capacité d’adaptation à son nouvel environnement économique.

Les mesures prises pour couper les ailes de l’économie russe ont fait mal, mais leur plein effet met du temps à se faire sentir. Il y a encore des trous dans le blocus érigé par les pays alliés contre la Russie.

Un reportage de Radio-Canada en Géorgie nous a montré la semaine dernière comment les Russes pouvaient s’approvisionner en ordinateurs, en téléphones cellulaires et autres produits essentiels à partir de pays voisins, qui les importent légalement afin de les réacheminer en Russie.

Depuis le début, le secret de la résilience de l’économie russe tient essentiellement à deux choses : le pays s’est constitué un trésor de guerre et il était prêt à faire face aux sanctions ; de plus, ses ressources pétrolières et gazières, dont le prix a monté en flèche, lui ont assuré un flux de revenus constants pendant l’année écoulée.

La manne pétrolière et gazière des Russes commence toutefois à se tarir. Les pays européens, qui ne pouvaient pas se passer d’un seul coup de l’approvisionnement russe, ont réussi à réduire leur dépendance. L’embargo sur le pétrole a pris son plein effet en décembre dernier, en même temps que l’imposition d’un prix plafond pour les acheteurs de pétrole russe à 60 $ US le baril.

Le 5 février dernier, un autre embargo, sur les produits dérivés du pétrole russe, a été mis en vigueur. Ça pourrait changer la donne.

Guerre d’usure

Maintenant que l’invasion de l’Ukraine se transforme en guerre d’usure, la stratégie russe pourrait faire long feu.

Avant le conflit, la Russie fournissait 25 % du pétrole et 40 % du gaz naturel consommés dans les pays de l’Union européenne, selon l’agence Eurostat. Ensemble, ils ont envoyé plus de 100 milliards de dollars en Russie entre le début du conflit et la fin de 2022, quand l’embargo a été renforcé.

La Russie a trouvé d’autres acheteurs pour son pétrole. La Chine, l’Inde et la Turquie lui ont permis de maintenir ses exportations au niveau d’avant-guerre, selon l’Agence internationale de l’énergie. Le volume d’exportation a été maintenu, mais pas les revenus.

Le prix du pétrole russe, l’Oural, privé de ses principaux débouchés, a chuté lourdement depuis le début de l’année. L’Oural se négociait vendredi dernier autour de 49 $US le baril, près de la moitié du prix international. Tout indique que les acheteurs de pétrole russe, peu nombreux, sont en position de négocier des prix encore plus bas.

Pendant que les revenus russes fondent, l’argent pleut sur l’Ukraine. L’aide financière, militaire et humanitaire augmente de jour en jour, comme la détermination de ses alliés d’aller au bout de cette guerre.

À l’occasion du premier anniversaire du conflit, plusieurs d’entre eux ont augmenté leurs engagements, dont le plus important, les États-Unis. Le Canada, qui enverra d’autres chars Leopard, et le Japon qui s’est engagé à verser 5 milliards US pour reconstruire les infrastructures détruites, viennent aussi d’augmenter leur soutien à l’Ukraine.

La Russie a déjà subi de lourdes pertes humaines, au front et au profit d’autres pays qui ont vu arriver des dizaines de milliers de ses citoyens fuyant la guerre. Elle devra affronter un adversaire plus fort avec des moyens plus limités. Des choix difficiles s’annoncent. Non, l’économie russe n’est pas à genoux, mais on peut prédire que le pire est à venir.

Consultez la liste des sanctions imposées à la Russie (en anglais)