(Ottawa) Le commerce du Canada avec la Russie a chuté au cours des 10 premiers mois après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe il y a un an.

Pourtant, certains secteurs restent épargnés par les restrictions.

Les données d’Industrie Canada montrent qu’entre mars et décembre 2022, la valeur des importations totales en provenance de Russie a chuté de 78 % pour atteindre 414 millions, comparativement à 1,9 milliard lors de la même période de dix mois en 2021.

En novembre et décembre, les importations canadiennes en provenance de Russie avaient dégringolé de 98 % par rapport à l’année précédente. Au cours des deux mois, la valeur totale des importations en provenance de Russie était de 9 millions, contre 433 millions au cours des deux derniers mois de 2021.

La valeur des exportations du Canada vers la Russie entre mars et décembre a chuté de 91 %, passant de 584 millions en 2021 à 52 millions l’année dernière.

« L’empreinte canadienne en Russie s’est effondrée », selon les observations de William Pellerin, un avocat spécialisé dans le commerce basé à Ottawa au sein du cabinet McMillan LLP.

Les données fédérales montrent que le Canada importe toujours une quantité importante de pneumatiques, de carburéacteurs et de contreplaqué, mais que seule une poignée des 25 principaux produits importés de Russie en 2021 et 2022 ont connu une augmentation.

Cela comprend les minerais de nickel, que le Canada a tendance à transformer pour l’exportation, ainsi que le nitrate d’ammonium, principalement utilisé dans les engrais. La valeur des importations des deux a plus que doublé entre les deux années, bien que le Canada n’en ait pas importé après juin 2022.

L’avocat Pellerin explique que les données sur les engrais reflètent le cycle annuel des achats des agriculteurs avant la saison des semis du printemps. Les achats liés à la saison de cette année apparaîtront dans des données ultérieures.

Le Canada a imposé un tarif de 35 % sur les produits russes et biélorusses en mars, ce qui devrait rapporter 115 millions de revenus que le Canada prévoit transférer à l’Ukraine.

Le Canada est le seul pays du G7 à inclure les engrais azotés dans son régime tarifaire, ce qui suscite la colère des producteurs de l’Est du Canada qui affirment que cette mesure fait grimper injustement le coût des produits à une époque de forte inflation.

Environ une demi-douzaine de produits ont vu leurs exportations augmenter en 2022 par rapport à 2021, mais beaucoup d’entre eux ont vu la plupart ou la totalité de la hausse se produire en janvier et février, avant que le Canada n’impose des sanctions. Par exemple, le Canada a exporté pour 85 millions d’avions de plus de 15 000 kilogrammes vers la Russie l’année dernière, le tout en février 2022.

Les clients de William Pellerin comprennent des entreprises canadiennes et internationales qui doivent composer avec les sanctions contre la Russie, mais pas les Russes eux-mêmes. Il soutient que la baisse des exportations canadiennes vers la Russie découle en partie d’une liste de produits liés aux armes qu’Ottawa a interdits à l’exportation en mai, dont beaucoup ne consistent pas en armes réelles.

La liste comprend les motocyclettes et les meubles chirurgicaux ou vétérinaires, y compris des fauteuils de dentiste ou de coiffeurs et d’autres chaises ayant des mouvements de rotation, d’inclinaison et d’élévation.

La liste comprend également des grues, des équipements à rayons X et des chariots élévateurs, car ces biens pourraient être appropriés à un usage militaire. Les entreprises canadiennes ne peuvent exporter ces articles que si elles obtiennent une dérogation.

« Les exportations canadiennes sont remplacées par l’approvisionnement chinois », de soutenir l’avocat Pellerin.

Il note que le commerce des services a également subi un coup dur, en particulier pour les entreprises qui aident aux opérations minières au Canada et en Russie, compte tenu du terrain similaire des deux pays.

M. Pellerin a également rencontré des entreprises basées à Dubaï ou en Europe qui ont des échanges importants avec les Russes, et d’autres dans lesquelles les oligarques russes ont un contrôle partiel ou une propriété. « Pas une semaine ne passe sans qu’il y ait un oligarque sanctionné dans une transaction commerciale proposée que nous ne pouvons plus faire ».

« Ce que le Canadien moyen ne voit pas, c’est toutes les affaires qui ne se font pas avec les parties russes à cause des sanctions canadiennes et, franchement, tous les risques qui en résultent pour les entreprises internationales. »

Par exemple, les entreprises canadiennes pourraient soudainement découvrir qu’elles font des affaires depuis des années avec une entreprise détenue par une minorité russe, ce qui fait qu’il n’est pas clair si elles ont besoin d’une dérogation pour continuer. Les entreprises canadiennes demandent ces exemptions en faisant valoir que l’activité économique ne violerait pas l’esprit des sanctions, et un ministre du cabinet approuve les dérogations.

William Pellerin soutient que cela rend le processus « plus politique qu’indépendant ou légal » et note qu’il y a très peu de détails dans les directives publiées en ligne par Affaires mondiales Canada, par rapport à celles fournies par les pays alliés.

Au ministère, le porte-parole Grantly Franklin explique que les dérogations « sont évaluées au cas par cas et que nous avons mis en place un processus de diligence raisonnable et rigoureux. »

William Pellerin affirme que l’équipe qui évalue les sanctions « fait tout ce qu’elle peut et que certaines exemptions prennent des mois à traiter ».

Au cours de la dernière année, le Canada a sanctionné plus de 1600 personnes en lien avec la guerre de la Russie en Ukraine. Pourtant, le gouvernement du Canada se dit incapable de déterminer combien de ses employés supplémentaires ont été affectés au travail sur les sanctions et les exemptions.

« Des centaines d’employés d’Affaires mondiales Canada peuvent contribuer à l’effort de sanctions à tout moment. Pour ces raisons, il n’est pas possible de préciser le nombre exact de personnes travaillant sur les sanctions à un moment donné’ », selon Grantly Franklin.

En 2021, la Russie était le 28e partenaire commercial du Canada, tombant l’an dernier jusqu’à la 53e place.

L’ambassadeur de Russie au Canada, Oleg Stepanov, déplore cette baisse du commerce et dans une entrevue livrée ce mois-ci à l’agence de presse d’État RIA Novosti, il affirme que » les actions hostiles d’Ottawa ont considérablement affecté la dynamique du commerce bilatéral. Nous prévoyons que la tendance négative se poursuivra cette année.’’