Le journalisme comme engrenage essentiel contre les deepfakes

J’ai la chance d’être chargé de cours à l’Université Laval où j’enseigne un cours sur le design et la technologie. Dans le cadre de ce cours, nous abordons plusieurs sujets, notamment les deepfakes. Pour ceux qui ne le savent pas, cette nouvelle technologie permet de tromper le public en présentant une vidéo ou un enregistrement sonore qui usurpe l’identité d’une personnalité publique (typiquement).

Le terme provient de « deep », en référence à l’apprentissage profond (deep learning), une forme d’intelligence artificielle, et de « fake » qui signifie quelque chose de faux en anglais. Les premières apparitions de deepfakes consistaient à utiliser l’image de personnalités connues pour altérer le visage d’acteurs et d’actrices pornographiques. Cependant, il est devenu évident que les deepfakes représentent un danger potentiel immense lorsqu’ils sont utilisés comme outil de désinformation.

Pour revenir au cours, j’ai invité les étudiants à réfléchir à des solutions potentielles pour prévenir la propagation des deepfakes. L’exercice est intéressant pour leur formation en design, mais aussi parce que c’est une problématique nouvelle pour eux. Leurs propositions incluent toutes sortes de solutions crédibles et originales, qu’elles soient technologiques, opérationnelles, législatives ou éducatives.

Parmi les idées proposées, l’une d’entre elles mérite une mention spéciale : celle qui consiste à confirmer l’authenticité des vidéos originales à travers des sources journalistiques.

On a souvent tendance à se tourner vers des solutions technologiques pour identifier les deepfakes, mais cela nous plonge dans un cycle perpétuel de course à la technologie. Les outils utilisés pour générer ce type de vidéo s’améliorent constamment, rendant l’exercice de reconnaissance de plus en plus difficile. Confirmer la véracité d’une publication vidéo par des sources journalistiques pourrait être une solution efficace pour prévenir la désinformation potentielle.

Bien qu’il existe une certaine crise de confiance envers les journalistes, nous vivons encore dans une société où l’institution qu’est le journalisme représente un mécanisme important d’une démocratie. L’implication de cette déclaration est plus profonde qu’il n’y paraît, et le phénomène des deepfakes en est un bon exemple.

Le facteur humain

Surtout dans le contexte où une vidéo truquée mettant en scène le président Zelensky demandant aux soldats ukrainiens de baisser les armes a vu le jour récemment, ou d’une fausse entrevue du premier ministre Justin Trudeau faisant une apparition surprenante sur la balado de Joe Rogan. La confirmation par des journalistes sous-entend (ou devrait requérir) la présence physique lors du tournage de ladite vidéo. Une conférence de presse est un bon exemple. Cette présence permet d’authentifier la personne s’exprimant tout en validant également le moment et l’endroit de la captation, ce qui est difficile à contrefaire.

Qui plus est, le fait de s’appuyer sur plusieurs journalistes, de plusieurs chaînes différentes, agit comme facteur de redondance, réduisant le risque de manipulation de l’information. La collusion n’est pas impossible, mais plus difficile. Je comprends que, pour certains, un doute puisse subsister et qu’ils pourraient être enclins à pointer vers un nouvel ordre mondial dont les journalistes seraient complices. C’est vrai, mais c’est très peu probable. Dans les faits, il n’y a pas de système parfait, mais il y a quelque chose de fondamental à faire confiance à nos institutions.

D’autres solutions, comme l’authentification par la chaîne de blocs, ont été soulignées. Toutefois, il y a quelque chose de séduisant à s’en remettre à des gens, et non à la technologie.

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